SOCIÉTÉ

L’inquiétant pouvoir des médias

Qu’on les lise, les regarde ou les écoute, les médias sont toujours présents dans notre vie. On n’échappe jamais à une information mais on ne prête pas toujours attention à la manière dont elle est présentée.  Pourtant les médias savent parfaitement nous influencer.

Nous l’avons vu à la dernière élection présidentielle. En effet, sans sous-estimer la campagne présidentielle de François Hollande, les médias ont largement contribué à sa victoire. Par le Sarko-bashing déjà, et par le tapis rouge qu’ils déroulaient parfois pour le socialiste. Adorant son humour, sa verve et son style, ils ont bien souvent permis à l’actuel Président d’exprimer ses idées mais surtout de se créer une côte de sympathie auprès des Français qu’ils n’ont désormais de cesse de faire diminuer.  Et on appelle cela le Hollande-bashing.

Trois mois, seulement, après son arrivée au pouvoir, le Président a vu les différentes Unes des quotidiens le critiquer ouvertement, parfois violemment. On a presque l’impression que cela relève d’un effet de mode, que « ça fait bien » de critiquer le Président. Mais cela semble tellement infondé… Lorsqu’on lit les articles, on est catastrophé du niveau du journalisme présenté. Tout est creux, on critique pour critiquer, sans jamais rien proposer. Alors Hollande en prend pour son grade. Qu’il soit Monsieur Faible ou Pépère, il est toujours tourné en dérision, on veut toujours le rendre ridicule. Une seule question ressort toujours : Pourquoi ? Pourquoi cet acharnement médiatique sur un Président élu depuis seulement un an alors que le Sarko-bashing était apparu après quatre ans de mandat ? La déception est-elle une réponse ? Comment être déçu en si peu de temps ? Les médias sont-ils vraiment crédules ?

Ils ne peuvent pas penser qu’un homme a les moyens de remettre un pays en marche alors qu’il est en pleine crise économique en si peu de temps. Ils savent pertinemment ce que Hollande a dit. Il travaille sur le long terme et souhaite être jugé au bout des cinq ans.  On a tout autant de mal à penser que cela soit de la haine envers celui qu’ils ont porté à l’Élysée. Une réponse revient souvent. Elle paraît certes un peu facile mais reste pour le moins crédible. La presse papier connaît une crise importante et a du mal à vendre. Alors elle tente de faire des Unes racoleuses afin d’attirer le client. Car aujourd’hui on est beaucoup moins attaché à un journal. Alors qu’avant on lisait tous les jours Le Monde, L’Express, Le Point ou Le Figaro par exemple, aujourd’hui on va acheter le journal de temps en temps, on s’informe par d’autres moyens, mais l’on est beaucoup moins fidélisé. Alors on fait dans le sensationnel. On tente aussi de faire peur aux lecteurs en leur faisant croire que celui qu’ils ont élu est un total incompétent. Dommage pour eux, ils se seraient lourdement trompés !

Mais cela est tellement regrettable pour la presse papier. Lorsqu’on lit un article de L’Express aujourd’hui, peut-on vraiment croire qu’on lit un article…de presse ? Un exemple assez frappant : un article avait pour titre « Après l’affaire Cahuzac, que peut faire Hollande ? » On pense qu’on aura le droit à différentes propositions sur tout ce que le Président peut faire pour agir. Et on se retrouve face à un article qui dit tout ce qu’il ne peut pas faire. Sans oublier quelques critiques plus ou moins bien placées à son égard. Il y a tout de même un problème pour un journal qui se veut d’information et d’opinion. Et que penser de la Une de Libé sur une rumeur concernant Fabius ? Cela est tout à fait ridicule. Comment un journal de cette qualité peut-il en arriver à cela ? Il faut vendre, quitte à bafouer l’honneur d’un homme et les codes du journalisme. Le lecteur n’a absolument plus le droit à un véritable journalisme d’information et d’opinion, il est face au sensationnalisme de la presse qui n’a qu’un seul objectif : vendre.

Alors il est tout autant regrettable de constater le manque total d’objectivité. Non seulement les médias formatent l’opinion publique par ses Unes toutes plus virulentes les unes que les autres, mais les médias sont parfois eux aussi victimes de différentes influences. A propos de cela, le documentaire « Les nouveaux chiens de garde » montrait par exemple la différence entre un journal télévisé de TF1 et un autre de France 2 sur le même sujet. Le problème étant que l’un des actionnaires de la chaîne privée était concerné plus ou moins directement par ce problème dans une usine, le journal l’a donc très rapidement abordé. Alors que sur la chaîne publique le sujet a été longuement traité et a proposé une réelle information. Tant pis pour le spectateur de TF1 qui n’a visiblement pas le droit à toutes les informations. Nous n’aborderons pas ici les différentes émissions de la chaîne qui visent à rendre ridicule le Président, quitte à tomber dans la bassesse la plus totale à une heure de très grande écoute, car tout cela ne présente aucun intérêt.

Par contre, il est intéressant de savoir que chaque quatrième mercredi du mois des grands noms du journalisme rencontrent dans des salons place de la Concorde des membres éminents des élites dirigeantes de la France. On appelle cela les dîners du Siècle. Cette élite dirigeante sait parfaitement influencer les médias pour pouvoir avoir le vent en poupe. Il est tout de même regrettable de savoir que des journalistes comme Chabot, Pujadas ou Joffrin ont participé à de tels dîners. Et certains ministres en usent parfaitement bien. Kosciusko-Morizet a invité à maintes reprises des blogueurs influents dans de somptueux salons afin que sur leurs blogs ils soient bien plus cléments à son égard.

Opération de séduction ou opération de corruption, la frontière est minime. Mais tout cela est inquiétant. Inquiétant pour le peuple qui ne peut plus vraiment s’informer aussi librement et avec autant d’objectivité qu’auparavant. Inquiétant aussi, et surtout, pour la démocratie. Tout cela contribue à la restreindre. En effet, l’objectivité est parfois inexistante et l’opinion publique ne peut plus se constituer un véritable esprit critique. De même, on assiste à une disparition du quatrième pouvoir qu’était le journalisme. On est bien loin du contre-pouvoir qu’il constituait avant, on est bien loin des grandes révélations qui ont fait la grandeur du journalisme. Il ne faut pas oublier que cela est aussi le fruit de la massification des médias. Aujourd’hui l’information circule à une vitesse folle par Internet. De même, les moyens d’informations sont beaucoup plus nombreux. Tweets, blogs, sms, télé, radio, presse écrite, etc… autant de moyens d’informations qui font qu’aujourd’hui on ne peut plus être non informé.

Alors cette explosion de l’information devrait contribuer à l’objectivité de ce qu’elle présente. Mais elle est reprise, relayée et souvent elle est modifiée. Aujourd’hui tout le monde peut devenir « journaliste » et cela est peut-être une solution pour retrouver une réelle objectivité de l’information. Le journalisme sur Internet semble aussi plus libre et plus objectif, et Médiapart apporte de nombreux arguments allant dans ce sens. On peut croire et espérer à une information libre et indépendante même si l’on constate que l’influence politique est toujours présente. Mais la massification des médias est telle qu’aujourd’hui l’influence n’est peut-être que minime. Un journalisme écrit libre, indépendant et objectif est possible. L’hebdomadaire allemand Die Zeit va dans un sens contraire aux tendances actuelles du journalisme. Il met en place une véritable information qui n’est pas succincte et dont la source est sûre pour le lecteur. Tomas Eloy Martinez, un journaliste argentin, explique en effet que les gens n’achètent plus pour s’informer mais qu’ils « achètent pour comprendre, pour comparer, pour analyser ».

En clair, du vrai journalisme qui ne se contente pas d’une information partielle et parfois inutile, d’un titre racoleur au regard biaisé sur l’actualité d’un pays, d’un sensationnalisme qui veut nous faire croire que tout va mal dans le pire des mondes et que la détresse et l’angoisse devraient être notre quotidien. Le lecteur n’est pas un abruti qui ne comprend rien et qui se contente de cela. Il veut une information digne de ce nom, raisonnée et fiable. Et cela est son droit et cela est le devoir du journalisme. Certes, aujourd’hui des journaux comme Le Monde offrent une véritable qualité journalistique (et ces journaux de qualité sont nettement moins touchés par la crise !) et certes aujourd’hui nous avons la chance de vivre dans une démocratie où la liberté de la presse est une réalité fondamentale. Mais nous sommes en droit d’attendre une meilleure qualité, une pratique plus raisonnée d’un journalisme qui ne serait pas sous l’influence de la politique mais qui serait objectif ou avec un véritable esprit critique. Cela est peut-être un rêve. Cela est peut-être une illusion. Mais on peut tout de même y croire et l’espérer.

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