SOCIÉTÉ

Les famines, ces “crises fabriquées des mains de l’homme”

Pour le Secrétaire-Général de l’ONU, Antonio Guterres, le monde « fait face à sa pire crise humanitaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ». La famine réapparaît aujourd’hui en masse dans le monde, et notamment sur le continent africain, où la situation dans certaines régions est alarmante.

L’Organisation des Nations Unies (ONU) a estimé qu’en 2017, 37 pays ont besoin d’assistance, 28 d’entre eux se situant en Afrique. Le continent regroupe de nombreux pays pauvres où la croissance démographique est forte, mais les ressources ont du mal à être équivalentes aux besoins des populations. La crise alimentaire que connaît le continent est aujourd’hui principalement localisée dans la corne de l’Afrique, où quatre pays sont en état grave : la Somalie, le Soudan du Sud, le Nigeria et le Yémen.

L’état de famine est déclaré lorsqu’une malnutrition aiguë touche plus de 30 % d’une population d’un état, et que plus de 20 % de la population d’une région a un accès limité à la nourriture de base. C’est donc une situation extrême, qui naît de conditions complexes et de crises très longues. Dans les quatre pays déjà cités, la crise alimentaire n’est pas nouvelle. Elle est le fruit d’années de combat et de situations économiques et climatiques désastreuses. C’est en Somalie que le dernier état de famine avait été décrété en 2011 ; aujourd’hui la situation se reproduit à nouveau.

Des causes climatiques, mais également politiques

Il y a donc plusieurs causes à ces crises alimentaires, deux en particulier : le climat et l’instabilité politique. Les spécialistes s’accordent à dire que la famine est fabriquée par l’homme et les crises politiques majeures, ce qui est en partie vrai. En effet, la Somalie, le Soudan du Sud, le Yémen et le Nigeria ont tous en commun d’être des pays en guerre ou aux mains d’un certain type de terrorisme, comme l’organisation Boko Haram au Nigeria ou l’Etat Islamique au Yémen. En Somalie et au Soudan du Sud, ce sont des conflits politiques internes qui tourmentent le plus les populations. Ces crises permettent alors aux facteurs climatiques de prendre une importance encore plus grande.

La corne de l’Afrique est victime de sécheresse et de mauvaises récoltes depuis quelques années, et ces crises environnementales ont eu un effet dévastateur sur l’agriculture des pays concernés. Les récoltes sont mauvaises, et les épisodes de sécheresse s’intensifient, ce qui empire la situation alimentaire des populations. Celles-ci, à court de nourriture et d’eau, sont alors sujettes aux crises alimentaires et famines.

C’est ici qu’entrent en jeu les facteurs politiques. Car en effet, là où la guerre fait rage, les populations se déplacent. La crise des réfugiés n’est pas seulement le propre de la Syrie, mais elle touche de nombreux pays. Les populations cherchent refuge dans des endroits où elles ne seront pas attaquées. Or ces déplacements de population, dus à une guerre civile ou au terrorisme, ont pour effet de désorganiser les activités agricoles et les habitudes des populations : l’agriculture vivrière est donc déstabilisée, car en plus des problèmes climatiques, les terres sont délaissées et les cultures n’ont pas le temps de porter leurs fruits. De plus, à cause des difficultés à trouver de la nourriture, les populations doivent se déplacer de plus en plus, et les pénuries entraînent une hausse des prix, or les populations n’ont plus les moyens de payer leur subsistance. Toute cette situation entraîne des troubles dans les pays touchés, ce qui nourrit le cercle vicieux des crises politiques, et donc alimentaires. Les famines qui en résultent sont donc finalement dues aux hommes, et pas seulement à des climats non favorables à l’agriculture.

Les crises alimentaires ont des conséquences désastreuses pour les populations qui ne peuvent survivre sans nourriture. Toutefois, une conséquence moins étudiée des famines est le problème de l’hygiène. Si les populations se déplacent pour éviter la guerre et le terrorisme, les services de base comme l’accès à l’eau potable seront de plus en plus impossibles à assurer, ce qui bien sûr pose des problèmes hygiéniques flagrants. En conséquence, plus de morts sont imputées au retour de maladies comme le choléra (en particulier au Yémen et en Somalie) et au manque d’hygiène plutôt qu’au manque de nourriture.

« Nous devons agir maintenant pour sauver des vies »

Ce sont les mots d’Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU. Ces mots sont répétés depuis de nombreuses années, mais souvent n’ont aucun impact. Alors qu’aujourd’hui la Somalie a été déclarée en état de famine, et le Yémen en état de pré-famine (bien plus qu’alarmant en soi), la question de l’intervention internationale se pose de plus en plus. Où sont les états puissants, qui affichent leur richesse et leurs avancées techniques lors de tirs grandioses de missiles ? Participent-ils à l’éradication de ce fléau dévastateur qu’est la famine ? Un constat est à faire : peu d’entre eux s’en soucient. Bien sûr, nous entendrons toujours les appels à donner aux ONG, et les « il faut faire quelque chose pour eux ». Mais dès qu’il s’agit d’agir, c’est une toute autre histoire.

En début d’année, Guterres a appelé la communauté internationale à donner 4.4 milliards de dollars avant le mois de juillet, afin de résorber la crise alimentaire et la famine dans certains états africains. La date butoir de juillet a été donnée pour éviter qu’une crise bien plus grave n’apparaisse. A ce jour, seulement 20 % de ce montant a été donné à l’ONU. Bien que les ONG et l’UNICEF soient devenus plus performants en termes de réponse à ce type de crises, cela ne suffit pas. L’aide de la communauté internationale, quasiment inexistante, est à déplorer.

Pour certains, l’absence de mobilisation de la communauté internationale est due à son accoutumance aux famines. Les crises alimentaires à répétition en Afrique auraient en effet vacciné les états plus privilégiés à agir à chaque fois pour aider. Sans aucune volonté politique de résoudre les conflits et donc les crises, la situation ne s’améliorera pas. Aujourd’hui, face à la multiplication des crises  de toutes sortes dans le monde (alimentaires, politiques, économiques…) comme en Syrie ou au Yémen et en Somalie, les pays d’habitude donateurs ne savent plus où donner de la tête. A qui donner ? Qui aider ? Les réfugiés, bombardés par leur propre gouvernement, ou bien ceux qui meurent de faim ? La question se pose. Devrait-elle se poser légitimement, toutefois ? Est-ce bien correct d’ignorer une crise au profit d’une autre ?

Ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que si les pays occidentaux attendent qu’il pleuve en Afrique pour améliorer la situation, nous allons regarder ces populations mourir très lentement. Il nous reste simplement à espérer que nos gouvernements ne se réveilleront pas trop tard, comme lors du génocide au Rwanda en 1994, quand personne n’avait bougé le petit doigt pour arrêter le massacre des populations, et que tout le monde avait déploré ce manque d’action alors qu’il n’y avait plus rien à faire. Alors, il est temps de se réveiller, et d’aider ces populations en détresse.

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