SOCIÉTÉ

Municipales 2014 : le bilan

Les 23 et 30 mars 2014 avaient lieu les élections municipales partout en France, l’occasion pour le gouvernement Hollande de sonder une nouvelle fois les opinions des Français et de prendre la température en vue des élections européennes qui arrivent bientôt. Verdict ?

Les résultats PS et l’abstention

Les résultats des municipales au premier tour marquent un net recul de la gauche. C’est un échec pour le parti majoritaire de l’Assemblée. La grande gagnante est l’abstention, avec un taux historique inquiétant de 36,45 %. Le mécontentement se fait donc ressentir et François Hollande parle de la nécessité de « tirer une leçon » de ces chiffres. Peu nombreux sont les maires PS réélus d’office au premier tour. De nombreuses triangulaires apparaissent et donnent lieu à des ralliements d’entre-deux tours (ou pas).

Après le premier tour, le PS est en difficulté dans des grandes villes comme Marseille, Toulouse, ou même Lille, où Martine Aubry doit faire face à une triangulaire. À Béziers, Perpignan, Nîmes, Sorgues ou Hénin-Beaumont, les socialistes n’ont pas été en mesure d’empêcher la forte poussée du Front National qui a enregistré « une hausse importante et inquiétante » selon le porte-parole du PS David Assouline. Même à Avignon, la candidate socialiste Cécile Helle doit engager une bataille contre le FN, plus haut que prévu et à quasi égalité avec la favorite pour prendre la ville à la droite.

Il y a donc dès le premier tour une forte déception et le gouvernement est attendu au tournant. Le remaniement ministériel attendu ne saurait tarder, et il devra enfin mesurer toutes les conséquences de ces élections en essayant de répondre clairement aux attentes des Français, qui par leurs votes, ont tiré la sonnette d’alarme.  

Les triangulaires nombreuses

Force est de constater que le premier tour des élections municipales 2014 marque un progressif effacement du bipartisme. Des triangulaires auront lieu dans 986 communes de plus 1000 habitants, des quadrangulaires dans 207 communes et des pentagulaires (cinq listes en présence) dans 16 autres au 2e tour des municipales. Ces élections municipales 2014 sont donc teintées d’un émiettement politique qui semble traduire l’indécision des Français et la difficulté pour eux de se tourner vers les deux partis majoritaires.

Cette inflation des listes au second tour est due en partie aux scores obtenus par le Front National. Le parti de Marine Le Pen participera, selon sa présidente, à 328 seconds tours. Il y a six ans, lors des municipales précédentes, il n’avait pris part qu’à une douzaine de triangulaires.

L’UMP prépare le terrain et s’impose dès  le premier tour

Si le second tour permet de dresser un bilan définitif des élections municipales, il n’a concerné que 18 % des citoyens français ; soit une commune sur six, en grande majorité dans celles de moins de 1000 habitants. Pour les mandats déterminés dès le premier tour, beaucoup de politiques de premier rang ont été élus, ce qui nécessitait une franche majorité. Les grands pontes de l’UMP ont été grisés par des scrutins réunissant généralement plus de 60 % des suffrages, pour ne citer qu’eux, il y eut : Christian Jacob à Provins, Hervé Mariton dans la Drôme, Laurent Wauquiez à Puy-en-Velay, Alain Juppé en grand favori à Bordeaux, Xavier Bertrand dans l’Aisne, Éric Woerth à Chantilly, François Baroin à Troyes et pour finir Jean-François Copé dans sa commune de Meaux. Notons également que Nicolas Dupont-Aignan, Président du parti Debout la République, s’impose dans son fief de Yerres. Quant au Front National, la couleur est annoncée pour le second tour : Steeve Briois emporte Hénin-Beaumont de justesse.

Côté PS, la sanction se pressentait. Seuls Claude Bartolone, président de l’Assemblée Nationale, en Seine Saint-Denis, Bernard Colombe qui sauve le pays de François Hollande, Tulle, Noël Mamère en Gironde et enfin Michel Sapin à Argenton-sur-Creuse sauvent les meubles mais avec des scores bien en-deçà de ceux obtenus par les ténors de l’UMP. L’inquiétude pointait également du côté du XVème arrondissement de Paris, où Anne Hidalgo, bien que tête de liste, n’était pas parvenue à s’imposer dès le premier tour et enregistre même des résultats inférieurs à ceux de 2008. Les deux candidates à la mairie de Paris ont essuyé une large déconfiture dans leurs arrondissements respectifs : dans le XIVème pour NKM et dans le XVème pour Hidalgo.

Une élection très particulière : Paris

Alors que le premier tour la donnait en tête, Nathalie Kosciusko-Morizet déjouait les pronostics mais n’abordait pas le second tour sereine. En effet, c’est dans les arrondissements clefs, les XIIème (Reuilly-Bercy) et les XIVème (dit de l’Observatoire : Montparnasse, Montsouris) que se jouait l’élection et où les listes PS devançaient prudemment l’UMP. NKM réussissait son pari et affichait 35,64 % des votes sur l’ensemble de la capitale, avec une progression marquée dans les arrondissements déjà dévoués à la droite (comme le Ier et XVème) tandis qu’Anne Hidalgo, après une campagne sans fausse note mais sans réel éclat, totalisait 34,40 % du scrutin. Le basculement de ces deux arrondissements permettait une majorité au Conseil de Paris.

Mais rien n’était joué d’avance : pour le PS, l’alliance avec les Verts était primordiale, assurant le report de 9 % des voix parisiennes tandis que NKM n’a pu empêcher la médiatisation de son ralliement avec Dominique Tibéri et Patrick Balkany et s’est vue obligée de garder sur la liste du XIIème arrondissement, Frank Margain du Parti Chrétien-Démocrate ayant appelé à voter contre elle. Le débat houleux qui les a réunies a fait couler beaucoup d’encre ; les moues moqueuses, les regards noirs, les piques sarcastiques, voire les insultes (chacune a eu le droit à son « menteuse ») ont fusé :  NKM a évoqué une « absence de principes » de son adversaire, avant de lui lancer « Vous êtes prête à raconter n’importe quoi, c’est « open bar » sur les bêtises ». Hidalgo s’est défendue en attaquant le bilan ministériel de NKM – décrite comme la « ministre de l’enfumage et du diesel » – et s’énervant contre son « bashing permanent de Paris. » Si les commentateurs ont pu s’étonner que les femmes soient « des hommes politiques comme les autres », ce débat n’a apporté que très peu de choses sur le fond, sur les enjeux de ce mandat. Il se promettait historique, réunissant pour la première fois sur un plateau, deux adversaires politiques féminines, il s’est avéré inaudible.

En somme, l’enjeu de la capitale s’est soldé par un résultat unique : une résistance rose face à la vague bleue, et une percée Front National bien en deçà de celle réalisée dans le reste de l’Hexagone.

Les ralliements et l’entre-deux tours

Que ce soit du fait des différents ralliements qui s’effectuent pour éviter les triangulaires, avec les défections ou les appels au vote pour empêcher le Front national de passer, l’entre-deux tours est décisif. Une fois le dépôt des listes pour le second tour clôt, on constate la formation d’alliances, des fusions et des rapprochements entre les listes. C’est le cas notamment entre le PS et les Verts. Des accords PS-Front de Gauche ont également lieu à Limoges, Avignon et Marseille. À Rennes, la liste socialiste, arrivée en tête au premier tour de l’élection municipale et la liste d’union EELV-Front de gauche ont fusionné en vue du second tour. Plus rare, le candidat PS à Châteauroux, Mark Bottemine (17,37 %) a annoncé avoir fait alliance pour le second tour avec les listes de deux candidats en dissidence de la majorité municipale sortante de droite. Marine Le Pen a annoncé la fusion de deux de ses listes avec des divers droite pour battre la gauche à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) et L’Hôpital (Moselle). L’UMP a prévenu que tout colistier du parti présent sur ces listes d’union serait “exclu” du parti.

Des ralliements décisifs après le second tour ?

Le second tour du 30 mars confirme le revers électoral pour la gauche. La vague bleue tant attendue par l’opposition est arrivée. Les triangulaires ont en majorité favorisé l’UMP, ce qui contredit la tendance habituelle qui veut que le PS remporte ces scrutins, et Marine Le Pen se félicite d’avoir fait élire plus de 1 000 conseillers municipaux Front National.

A Paris, Anne Hidalgo remporte la capitale avec 9 points d’avance sur son adversaire UMP Nathalie Kozsiuscot-Morizet.

De nombreuses villes de plus de 10 000 habitants échappent au parti majoritaire de l’Assemblée. Sur les quatre plus grandes villes « en balance », le Parti socialiste perd Toulouse, Reims et St Etienne, il sauve Strasbourg. De plus, lorsque l’on fait le constat que des villes historiquement de gauche tombent au profit de la droite, comme Limoges et Nevers, la défaite est rude. Le Mans reste à gauche tout comme Brest. Villeneuve-sur-Lot ancienne ville de Jérôme Cahuzac. A Lille Martine Aubry (PS) est finalement réélue. Mais les faits sont là, la gauche a perdu 155 localités de plus de 9 000 habitants. En comparaison, la majorité de 1983 avait perdu 97 mairies. La défaite est donc historique.

Lors des municipales de 1994, quatre mairies Front National l’avaient emporté. En 2014, une dizaine de mairies sont désormais entre les mains de ce parti. Cependant, il faut relativiser le score FN. Au-delà d’une victoire du Rassemblement Bleu Marine, c’est surtout une victoire de la droite.

« Nous devons être crédibles par rapport à l’Europe. […] Il faut entendre le message s’agissant de la fiscalité », estime Pierre Moscovici.  

 « L’UMP est le premier parti de France » dit Jean-François Copé. Vraiment ? 

Vote sanctionnant le pouvoir en place, banalisation et institutionnalisation du vote Front national, cri de désespoir, ras-le-bol fiscal, ou besoin de renouveau dans l’organisation du système politique actuel ? Les interprétations des causes de cet échec cinglant pour la gauche sont nombreuses. Ces élections montrent clairement que les Français cherchent en majorité à bousculer le gouvernement. Cependant, lorsque l’on fait le constat d’une classe politique constamment entachée par les affaires et en laquelle les français ont très fortement perdu confiance, peut-on réellement dire que la France est un pays de droite ? Cette débâcle pour la gauche ne serait-elle pas peu significative du point de vue de l’électorat lorsque l’on sait à quel point l’étiquette politique s’efface de plus en plus ? Désormais le gouvernement socialiste se doit de regarder vers l’avenir en élaborant un changement de politique en amont, en considérant les enjeux du pacte de responsabilité et en effectuant un remaniement gouvernemental en phase avec les attentes des Français pour tenter de récupérer un électorat qui s’est peu à peu dispersé.

21 ans - Etudiante à Sciences Po Strasbourg

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