SOCIÉTÉ

#BringThemHere – Comment l’Australie s’enfonce dans une politique migratoire inhumaine

L’Australie n’en finit pas de faire parler d’elle à la suite des décisions prises concernant l’immigration. L’instauration d’une sévère politique migratoire en 2013 et un refus de prendre en charge les réfugiés ont rendu les conditions de vie de ces derniers de plus en plus difficiles. 

Le pays semble aujourd’hui se trouver dans une impasse, entre accords insensés passés avec des pays en développement et rappels à l’ordre des organisations internationales. Comment la situation a-t-elle pu évoluer en ce sens ? Le gouvernement peut-il se permettre de continuer dans cette voie ?

Une situation migratoire gérée d’une main de fer

La politique australienne en matière d’immigration est sévère. Le gouvernement actuel et le premier ministre Malcolm Turnbull ont instauré en 2013 l’Opération Frontières Souveraines, une politique de tolérance zéro visant à repousser tous les bateaux de réfugiés – ces derniers étant principalement originaires du Moyen-Orient, d’Afghanistan et du Sri Lanka – essayant de rejoindre les terres australiennes ; cela dans le but d’empêcher la contrebande de ces migrants empruntant les voies maritimes. Les vaisseaux militaires se chargent donc maintenant d’intercepter les embarcations et de les renvoyer en arrière, principalement vers l’Indonésie. Deux camps de réfugiés sont aujourd’hui tristement célèbres pour les conditions de vie déplorables dans lesquelles les migrants qui y vivent se trouvent : le camp de Manus Island en Papouasie Nouvelle-Guinée et celui de la république de Nauru, respectivement situés à environ 1 100 et 3 000 kilomètres des terres australiennes.

Les migrants souhaitant atteindre l’Australie sont placés dans ces camps (nommés offshore processing centers) pour ce qui est censé être une solution temporaire, en attendant que leur demande soit évaluée. Mais pour certains d’entre eux, le cauchemar dure depuis plus de trois ou quatre ans. Les conditions de vie y sont extrêmement mauvaises, et les réfugiés ne se sentent pas en sécurité du fait des tensions avec les habitants locaux. Les locaux insalubres, les problèmes d’hygiène, les services d’aides inadéquats et les agressions physiques et sexuelles ont même résigné certains demandeurs d’asile à retourner dans leur pays d’origine, malgré les risques auxquels ils doivent faire face. Le camp de Manus Island a été officiellement fermé en octobre dernier, mais nombreux sont ceux qui y sont restés, faute de meilleure alternative. En effet, une proposition du gouvernement offrant un transfert vers Nauru a été rejetée par la plupart des réfugiés, car cela n’aurait fait que déplacer le problème.

 

Affiche officielle du gouvernement australien pour l’Operation Sovereign Borders (2013)

 

La politique migratoire australienne dans l’impasse

L’Australie semble donc s’accommoder des lois internationales comme elle le souhaite, ce que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a décrété être impossible ; la politique de détention du gouvernement australien est illégale, et le pays ne peut pas se permettre de choisir quelles lois internationales il décide de suivre ou non. Cette politique migratoire sévère et maladroite, souvent même qualifiée de cruelle, a donné lieu à de nombreuses controverses : en 2014, l’Australie a payé le gouvernement cambodgien 55 millions de dollars australiens (32 millions d’euros) pour installer quatre réfugiés dans le pays. Mais le Cambodge, en tant que pays en développement et dépendant encore de l’aide internationale pour ses habitants, ne devrait pas être la destination choisie pour reloger les réfugiés. La pauvreté du pays et les droits de l’homme qui y sont encore peu respectés rendent la décision de l’Australie d’y installer les migrants vide de sens.

La première ministre néo-zélandaise, Jacinda Arden, voit continuellement sa proposition d’accueillir 150 réfugiés dans son pays refusée ; le motif étant que cela encouragerait la contrebande d’êtres humains faite par les passeurs, et que la Nouvelle-Zélande risquerait de devenir la “porte de derrière” pour entrer en Australie. Enfin, Barack Obama avait conclu un accord avant la fin de son mandat prévoyant d’accueillir jusqu’à 1 250 migrants des camps de Manus et Nauru, mais le président actuel Donald Trump a désormais fait part de ses réticences quant à cet accord.

 

Appel à manifestation pour les réfugiés détenus sur l’île de Manus, Auckland, Nouvelle-Zélande. © DR

 

Mobilisation et action

En Australie, la mobilisation collective semble perdurer. Des mouvements de protestation sont organisés dans les grandes villes du pays pour demander au gouvernement australien de modifier sa politique migratoire, sans quoi la réputation et l’image du pays seront sévèrement abîmées. Les internautes expriment leur solidarité sur les réseaux sociaux sous le hashtag #bringthemhere, “amenez-les ici”. Lors des manifestations, on trouve des panneaux reprenant ce slogan ainsi que des accusations : “L’Australie ne mérite pas de siéger au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, mais d’être poursuivie en justice par la Cour pénale internationale pour torture et crimes contre l’humanité”, ou encore “Tous les réfugiés en détention sont des prisonniers politiques.” Des actions similaires sont organisées en Nouvelle-Zélande.

Il est donc temps de faire face à cette situation qui s’enlise depuis trop longtemps déjà, et que l’Australie prenne ses responsabilités quant au sort dans laquelle elle laisse ses réfugiés. Cette “politique de la honte”, inspirant les partis d’extrême-droite en Europe et aux États-Unis, doit être contrée pour de mettre fin à cette désolante vision de la situation, et ce manque critique d’humanité.

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