SOCIÉTÉ

La fin du cauchemar

Arrêtée en décembre 2005 au Mexique, Florence Cassez a été libérée suite à l’annulation de sa condamnation par la Cour Suprême du Mexique. Une décision qui met fin à un imbroglio qui aura duré près de sept ans et envenima les relations diplomatiques franco-mexicaines.

7 ans. Voilà le temps qu’aura duré la détention de Florence Cassez dans les geôles mexicaines. Une affaire qui a finalement trouvé son épilogue le 23 janvier dernier, avec l’annulation de la condamnation pour 60 ans de prison de la Française par la Cour Suprême mexicaine. Une affaire qui se conclut par un camouflet pour la justice et la police, qui ont vu leur crédibilité s’effriter au fur et à mesure, face à de rocambolesques révélations.

Rappelons que Florence Cassez avait été arrêtée en décembre 2005 par la police mexicaine avec son compagnon Israel Vallarta, qui a reconnu être l’auteur d’un assassinat et de dix enlèvements lors de son arrestation. De ce moment provient la première incohérence du dossier. En effet, la police mexicaine ne trouva pas meilleure idée que de mettre en scène l’arrestation de la Française devant les caméras de télévisions, ainsi que la libération de trois otages, condamnant à perpétuité aux yeux de l’opinion mexicaine cette Française inconnue présentée comme l’auteure d’enlèvements, dans un pays marqué par un des taux de criminalité les plus élevés au monde. Une arrestation montée de toutes pièces par des policiers peu scrupuleux, en quête d’un « succès » de poids dans leur lutte contre la criminalité, le plus souvent vaine.

Après trois ans de détention provisoire, Florence Cassez est condamnée à 96 ans de prison pour quatre enlèvements et « association de malfaiteurs ». Malgré le fait que son compagnon, qui attend d’ailleurs toujours son procès, l’ait disculpé. En mars 2009, dans son procès en appel, la Française voit sa peine réduite à… 60 ans de prison. L’Élysée s’empare alors du dossier. Nicolas Sarkozy s’y impliquera clairement, pesant pour un transfèrement de la Française dans une prison hexagonale pour y purger sa peine. L’affaire conduisit à la brouille entre les deux pays quand le président français décida de dédier les manifestations prévues dans le cadre de l’année du Mexique en France (2011) à Florence Cassez, ce qui conduisit à son annulation.

Un dossier monté de toutes pièces

A partir de 2010, les revers s’accumulèrent pour la justice mexicaine. En avril, le parquet mexicain reconnaît la mise en scène de l’arrestation de la Française. En juin, un des membres présumés du gang dont était censé faire partie Florence Cassez, l’innocente. Il affirme avoir agi sous la torture, après avoir été enlevé par des ravisseurs, qui se révélèrent être des policiers fédéraux.

Ces révélations relancèrent le feuilleton judiciaire, les avocats de Florence Cassez profitant de l’aubaine pour déposer un pourvoi en cassation en août 2010, qui sera finalement inexplicablement rejeté au vu des manquements manifestes aux lois d’un État de droit. Devant ce refus catégorique de reconnaître la supercherie, les avocats de la Française épuisent leur dernier recours en faisant appel devant la Cour Suprême mexicaine début 2011, demandant la révision du procès pour inconstitutionnalité.

Commence alors une interminable attente. Pour… rien ! En effet, en mars 2012, les juges de la Cour Suprême reconnaissent pour quatre d’entre eux les irrégularités de la procédure, mais seuls deux d’entre eux se prononcent en faveur de la libération immédiate de Florence Cassez. En l’absence de majorité, une nouvelle réunion est donc programmée.

La libération, enfin.

L’affaire connaît de nouveaux soubresauts mi-janvier avec un incroyable mea culpa. Celui d’un présentateur vedette de la chaîne de télévision Televisa, Carlos Loret de Mola, reconnaissant l’escroquerie, la mise en scène de l’arrestation de la Française. « Rétrospectivement, avec une analyse plus minutieuse de toutes les images, je crois que j’aurais pu découvrir la tromperie », a-t-il reconnu. « Dans l’information à chaud, comme l’arbitre de football qui n’a pas accès au ralenti et doit décider sur le coup, je ne l’ai pas fait et je le regrette. » La comparaison footballistique est certes un peu légère en de telles circonstances, mais cet aveu est saisissant, à l’approche de la nouvelle réunion de la Cour Suprême.

Finalement, le feuilleton a pris fin et l’histoire se termine bien : Florence Cassez voit la violation de ses droits fondamentaux reconnue par la Cour Suprême et sa libération immédiate est décidée. L’action diplomatique française aura sûrement pesé lourd dans la balance au moment de trancher sur le cas Cassez. Un cas qui est malheureusement exemplaire d’une justice mexicaine injuste et corrompue. Des avocats comme Layda Negrete et Roberto Hernandez se font l’écho de ces failles du système judiciaire mexicain dans un documentaire, Presunte Culpable (Présumé Coupable, sorti en 2011), dénonçant différentes violations des droits fondamentaux : non-respect de la présomption d’innocence, procès bâclés sans débats contradictoires, falsification de preuves… De nombreuses autres Florence Cassez continuent donc à croupir dans les prisons mexicaines.

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