SOCIÉTÉ

Side, pas toujours à vos côtés

Side (side.co), anciennement WeSlash, est une plateforme en ligne à destination des étudiantes et étudiants, qui cherchent à travailler et donc à payer leurs études. Le site revendique un annuaire de 400 entreprises partenaires, qui proposent des « missions  » dans différents secteurs : service client, logistique, vente, événementiel. Alléchant, aux premiers abords…

Il se n’agit pas du seul acteur sur le créneau, on peut notamment évoquer StaffMe qui indique « révolutionner le travail étudiant ». Mais Side semble jouir d’une popularité accrue, attirant des acteurs du monde des start-ups, comme Frichti, Heetch, Deliveroo, mais aussi Uber, Drivy, ou Doctolib. En leur faisant la promesse d’être une plateforme « flexible  » leur permettant d’être « bien payés », Side précise sur son site web attirer plus de 10.000 étudiantes et étudiants. En juillet 2017, l’entreprise a annoncé une levée de fonds de cinq millions d’euros, notamment auprès des milliardaires Xavier Niel et Jacques-Antoine Granjon.

Génération auto-entreprise

L’esprit est décontracté, le tutoiement de rigueur. Quand on s’inscrit sur Side, on programme un «  call  » avec un membre de la «  team  » Side, pour faire le point sur les attentes communes et passer en revue quelques règles élémentaires. Pour pouvoir accomplir des missions, il faut ensuite se doter du statut d’auto-entrepreneur. Pas de panique, le guide maison nous indique que cela sera conclu en une dizaine de minutes. Alors, évidemment, c’est alléchant, donc on suit : faites ci, cochez ça, signez ici. On s’en tire avec une micro-entreprise dont l’activité est « conseil aux entreprises  » : tout un programme. On omettra de dire qu’un compte bancaire professionnel séparé du compte personnel est obligatoire, ou de trop parler des plafonds et des déclarations à faire à l’URSSAF. Rappelez-vous, l’esprit est décontracté.

Mission accomplie

Le site vous propose donc des « missions  » auprès des différentes entreprises qui font appel à la plateforme. La rémunération se veut claire, le « Sider », comprenez auto-entrepreneur, est payé au minimum 12 euros par heure de travail. Certaines missions sont payées davantage, notamment celles qui consistent à rester debout pendant dix heures dans un entrepôt, presque dehors, en commençant la nuit. Pour celles-ci, on ira jusqu’à 15 euros de l’heure.

L’économie de la plateforme est basée sur le temps de travail de ses « Siders ».

Le modèle économique de Side est basé là-dessus : quand l’auto-entrepreneur touche 12 euros de l’heure, l’entreprise qui a proposé la mission débourse 15 euros, et trois euros sont reversés à Side. L’économie de la plateforme est donc basée sur le temps de travail de ses « Siders ».

La sélection des « Siders  » ayant candidaté sur une mission est opérée directement par la plateforme, selon des critères bien gardés, comme la recette du Coca-Cola. On nous pose deux questions, l’une de « mise en situation  » comme « Que faire pour retenir un client qui souhaite se désinscrire ? », et une autre pour donner ses disponibilités précises.

Au final, ce sera l’auto-entrepreneur qui, dès sa mission terminée, établira une facture en son nom propre via le site, sans prendre en compte la commission prélevée par la plateforme. Cette facture sera ensuite envoyée par Side au nom de l’utilisateur. Par la suite, pour déclencher le paiement, l’entreprise doit donner une note à l’indépendant. Gare à vous si vous n’avez pas été à la hauteur : une seule mauvaise note peut vous évincer définitivement de la plateforme. L’esprit est décontracté, mais le club est sélect.

Indépendant, mais pas trop

Dans ses conditions générales d’utilisation, la plateforme précise que son service consiste à « mettre en relation une personne ayant librement choisi son activité sous le régime du statut de micro-entrepreneur et […] des entreprises clientes » et que « le client et le micro-entrepreneur sélectionné choisissent librement de conclure, entre eux, un contrat de prestation de services ».

Rien ne semble les obliger à passer par Side une fois la « mise en relation  » effectuée.

Un service de mise en relation, donc. Si l’entreprise paye 3€ par heure à Side pour être mise en relation avec un micro-entrepreneur et que leur relation s’installe dans le temps, on peut imaginer que ces deux parties choisissent finalement de continuer leur collaboration en dehors de Side. Double bénéfice : l’étudiante ou étudiant touche plus d’argent, et l’entreprise peut réaliser des économies en traitant directement avec son prestataire. Comme un circuit court de l’auto-entreprise. Toute personne disposant du statut d’auto-entrepreneur pouvant produire des factures, rien ne semble les obliger à passer par Side une fois la « mise en relation  » effectuée. De la même manière, rien n’indique sur Side que cela n’est pas possible. C’est compréhensible : si Side indique qu’une exclusivité est nécessaire, finie la promesse de flexibilité. Peut-être omet-elle de le préciser aussi pour éviter les accusations de salariat déguisé ?

Mais Side est plutôt du genre exclusive, et au moment où elle apprend que le « Sider  » et son entreprise cliente ont décidé de se passer de ses services de mise en relation, le couperet tombe. Un employé de Side, qui est bien salarié, lui, laisse un premier message vocal : « Je t’appelle concernant un petit souci qu’on a sur une mission, visiblement tu as bossé avec eux à un moment et il semblerait que tu continues à travailler avec eux mais en dehors de la plateforme, donc j’aurais aimé avoir ton retour là-dessus pour qu’on puisse en discuter et voir ensemble ». Au téléphone, et même pour les réprimandes, le tutoiement est toujours là : « c’est une logique économique qui est celle de dire que l’acquisition d’entreprises pour offrir des missions aux Siders a un certain prix, c’est comme ça que sont justifiés les frais appliqués aux Siders et du coup on a aucun intérêt à avoir des Siders en dehors. […] Professionnellement, par rapport à l’activité de Side qui est de mettre en relation et de créer des opportunités, c’est complètement en inadéquation avec ça. Je ne suis pas hyper à l’aise avec ce genre de pratiques et ici personne ne l’est. Ça nous pose problème avec toi sur la plateforme et du coup je pense qu’à partir d’aujourd’hui je ne pense pas que tu auras d’autres opportunités sur la plateforme à cause de ça. J’entends bien que tu n’aies pas trouvé d’infos là-dessus (sur l’exclusivité envers Side pour les missions, NDLR) mais c’est pas en adéquation avec la volonté de Side et ça pose un problème.  » Renvoyé sans même avoir signé de contrat de travail.

« À partir d’aujourd’hui je ne pense pas que tu auras d’autres opportunités sur la plateforme  »

En guise de conclusion à cet appel à sens unique : « Le but de Side c’est aussi de faire en sorte que les gens puissent gagner de l’argent et obtenir des missions, mais pour toi ça ne se fera plus avec Side  ». On est rassurés, c’est aussi le but de Side. La flexibilité, les « jobs bien payés » s’arrêtent, du jour au lendemain. L’esprit est décontracté, la main est lourde.

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