CINÉMALITTÉRATURE

« Arco, un film d’Ugo Bienvenu » – Dans les coulisses de l’arc-en-ciel

Couverture du livre Arco : un film d'Ugo Bienvenu. On y voit un petit garçon qui vole au dessus d'une forêt et qui porte une cape arc-en-ciel.
Éditions Denoël

L’art-book Arco, un film d’Ugo Bienvenu, écrit par le journaliste Romain Brethes, dévoile les coulisses de la création du film d’animation. Un beau livre pour accompagner le petit garçon arc-en-ciel, qui rencontre actuellement un grand succès en salles. 

Enfant, Ugo Bienvenu découvre Dragon Ball Z, puis se plonge dans le monde magique des Studios Ghibli. Les films de Hayao Miyazaki deviennent alors une référence pour le jeune artiste. Fasciné par ces univers visuels, il rejoint l’Ecole Estienne, puis Les Gobelins et les Arts Décoratifs de Paris. Le dessin s’impose comme l’élément central de sa vie. Il se lance dans la bande dessinée, d’abord en adaptant Sukkwan Island de David Vann, puis en créant son propre univers avec Paiement accepté.

Par la suite, il fait la rencontre de Félix de Givry, sur le plateau d’Eden de Mia Hansen-Løve. Ils s’associent et créent ensemble la société de production Remembers. C’est en 2020 que naît un projet commun de long-métrage : Arco. Arco, dix ans, vit en 2932, dans un futur où les maisons sont bâties dans les nuages. C’est un petit garçon arc-en-ciel, qui rêve de voyager dans le temps, comme ses parents et sa sœur. Un jour, il décide de partir seul en expédition, et atterrit en 2075. Il fait alors la rencontre d’Iris, qui va tout faire pour l’aider à rentrer chez lui.

L’art-book Arco, un film d’Ugo Bienvenu, paru aux Éditions Denoël, raconte la genèse du film, vainqueur du Cristal du long-métrage au dernier Festival international du film d’animation d’Annecy. Découpé en huit chapitres, le livre s’intéresse aux différentes étapes de création, de la pré-production à l’animation, en intégrant les propos du réalisateur, recueillis par le journaliste Romain Brethes, spécialisé dans la bande dessiné. Véritable plongée dans l’univers d’Arco, on y découvre des centaines de dessins et citations.

Les bons films d’animation doivent s’écrire à l’image, car le texte empêche l’imaginaire de naître.

Arco, un film d’Ugo Bienvenu – Romain Brethes et Ugo Bienvenu

Collectif 

Si le livre s’intéresse aux idées des deux cerveaux à l’origine d’Arco, il met aussi en avant un aspect essentiel de ce projet : le travail d’équipe. Les propos d’Ugo Bienvenu ne cessent de faire allusion à l’importance du collectif sur une œuvre comme celle-ci.

La participation financière de Natalie Portman et Sophie Mas, co-productrices du film, est évoquée, ainsi que le choix des bons distributeurs. Mais à une échelle plus réduite, ce sont toutes les petites mains qui ont travaillé sur Arco qui en font la richesse. Fabriqué sans délocalisation, le film a été conçu exclusivement en France, dans des locaux du 20e arrondissement de Paris. Rapidement, l’équipe s’est agrandie. Adam Sillard est embauché comme superviseur de l’équipe des animateur·rices, et Anaëlle Saba, assistante réalisatrice. Les deux sont jeunes diplômé·es des Gobelins.

Arco, Ugo Bienvenu © Diaphana Distribution

Le livre nous permet d’en savoir plus sur les nombreux métiers qui se cachent derrière un film d’animation. Spécialiste des décors, de l’animatique, responsable de la couleur… Chaque contribution est indispensable, et l’œil artistique des collaborateur·rices d’Ugo Bienvenu est sacré.

C’est comme si la trace de chacun d’entre nous était bien visible à l’écran.

Arco, un film d’Ugo Bienvenu – Adam Sillard et Anaëlle Saba

Un « spectacle polysensoriel  »

Arco est fait de formes, de couleurs, de mouvements : l’art-book en est la preuve. Les images reproduites dans le livre permettent de voir comment un simple croquis devient une scène de plusieurs minutes à l’écran. L’art-book ouvre une porte secrète sur tout ce qui n’est pas visible dans le film, en montrant la modélisation des émotions de chaque personnage ou la palette de couleur précise utilisée pour la cape d’Arco.

On y découvre, en grande partie, le storyboard, premier élément de communication pour présenter le projet aux autres. Il est dessiné par Ugo Bienvenu, au crayon. Viennent ensuite les décors, la couleur, la musique. La bande originale, signée Arnaud Toulon (avec une très belle chanson de fin en duo avec November Ultra), se rapproche énormément des envolées oniriques de Joe Hisaishi, compositeur de la plupart des films de Hayao Miyazaki.

Il suffit d’observer quel soin scrupuleux a été porté aux éléments, qu’ils soient végétaux, minéraux ou aqueux, la façon de rendre la texture de la mousse, la rouille déposée sur des escaliers abandonnés, le souffle du vent qui gonfle la cape d’Arco, pour comprendre que le film a été pensé comme un spectacle polysensoriel.

Arco, un film d’Ugo Bienvenu – Romain Brethes et Ugo Bienvenu

Un pari réussi pour un budget pourtant réduit. Là où la somme totale dépensée pour un Pixar peut avoisiner les 250 millions de dollars et 25 millions de dollars pour un Ghibli, le budget final d’Arco était de 9 millions d’euros. 

Introspection 

Une page après l’autre, l’art-book d’Arco permet également d’en apprendre plus sur le rapport très personnel qu’entretient le réalisateur à ce film. On sait désormais qu’il y a un peu de lui dans la petite Iris, qui ne quitte jamais son carnet de dessins, et que le robot Mikki n’en est pas à sa première apparition dans l’univers d’Ugo Bienvenu. Ce dernier confie souhaiter que les enfants, après visionnage, prolongent « l’utopie d’Arco ». Un monde au dessus des nuages, où les humains voyagent pour retrouver la biodiversité perdue dans les catastrophes climatiques des siècles derniers.

Storyboard et images finales d’Arco © Éditions Denoël

L’invitation à exploiter pleinement son imagination est très claire. On la voit déjà à travers les multiples médiums utilisés pour créer l’univers d’Arco : gouache, crayons, aquarelle, crayons à papier… Tout est permis, et la passion première d’Ugo Bienvenu pour le dessin brille plus fort que tout dans cet ouvrage. Dans le film, les décors, peints à la gouache pour certains, forment une toile de fond bien distincte des personnages animés numériquement. La 2D semble alors pousser la créativité à son paroxysme.

Destiné à celleux qui souhaitent en savoir plus sur la création de l’univers singulier d’Ugo Bienvenu, ce livre permet également de prendre le temps d’admirer la beauté des images qui défilent dans le film. Un objet de savoir, donc, mais aussi de collection. Reste à savoir si l’ambition des scénaristes, transformer l’arc-en-ciel en un symbole qui marquera les générations à venir, sera atteinte…

Arco, un film d’Ugo Bienvenu, de Romain Brethes et Ugo Bienvenu, éditions Denoël, 35 euros.

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