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Avec « Une pièce sous influence », le collectif La Cohue signe un huis-clos bouillonnant

Une pièce sous influence
© Virginie Meigne

Avec ce titre en forme d’hommage à Gena Rowlands, le collectif La Cohue offre un spectacle sensible et drôlatique, porté par un excellent quatuor d’acteurs.

Ils débarquent sur scène depuis l’arrière de la salle. Lui en chevalier, elle en mariée morte, avec une hache plantée de le crâne. Elle exubérante, lui rabat-joie. Anna et Mathias (Sophie Lebrun et Martin Legros à la ville, qui sont aussi les auteurs de la pièce) ont des airs de couple ordinaire. Les deux vivent aux abords d’une ville de province agréable où l’on fête encore le carnaval. D’où les confettis qui débordent de partout sur le plateau et les costumes un peu ridicules. Bientôt, un Batman se pointe, suivi par sa femme (Baptiste Legros et Inès Camesella, très bons, chacun dans sa partition).

C’est Anna qui a eu l’idée d’inviter le super-héros-de-droite. Sous le costume se cache en fait le riche acquéreur de la maison du couple. Le trentenaire incarne tout ce qu’ils détestent : riche, catho et parisien, il souhaite faire du pavillon sa maison de vacances… Alors, évidemment, ça coince. Qu’est-ce qui cloche, dans cette situation initiale ? Sans doute la rencontre hallucinante de deux univers qui, au 21e siècle, ne se côtoient jamais. D’un côté, les prolos obligé de vendre leur maison. De l’autre, les Parisiens fortunés. Sophie Lebrun et Martin Legros flirtent parfois avec la caricature — lorsqu’il se désape, le jeune Batman, parfaitement insupportable, arbore une doudoune sans manche — sans jamais réellement s’y engouffrer.

Vers l’abîme

Le quatuor de personnages se crispe à mesure qu’ils se découvre. À mesure qu’ils se découvrent eux, et les raisons qui ont conduit à la transaction de ladite maison. « Vous allez vous installer ailleurs ? », gaffe par moments le futur proprio, pas soucieux pour un sou de ménager la chèvre et le chou. Anna, elle, est convaincue que le type est forcément génial parce qu’il bosse dans « la faïence ». Raté, il travaille évidemment dans la finance. Ces maladresses d’écritures, fort bien orchestrées — et qui doivent beaucoup au jeu fantastique de Sophie Lebrun, très inspiré par celui de Gena Rowlands — font peu à peu monter la tension. Derrière les sourires hypocrites, c’est le spectre de la lutte des classes qui se dessine.

Autre trouvaille d’écriture. La pièce s’avance doucement vers un abîme, dont on ne peut pas en dire beaucoup, sans spoiler. Simplement, l’éléphant au milieu de la pièce, ou plutôt au milieu du pavillon provincial, chemine et continue d’exacerber les tensions. Une pièce sous influence aurait tout aussi bien pu rester à l’état de vaudeville. Quelque part entre La Cérémonie et Le dîner de con. Elle choisit au contraite d’y insuffler un paramètre sensible. Le genre qui fait tomber les lustres des plafonds et empêche les mères de se remettre un jour devant leur piano. Si, dans ce spectacle, on ne manque jamais de rire, on s’étonne en revanche à la fin, de succomber au même vertige que celui que traversent les personnages.

Une pièce sous influence, du collectif La Cohue. Au Théâtre du Rond-Point, du 25 septembre au 5 octobre 2025. 8-31 euros. Le 14 octobre au Centre culturel Juliobona de Lillebonne. Le 8 novembre à l’Astrobale de Figeac. Les 12 et 13 novembre au théâtre Sorano, à Toulouse. Le 20 novembre à la Maison du Théâtre, à Brest. Le 22 novembre au Solenval de Plancoët.

Journaliste

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