ARTThéâtre

Avec « Honda Romance », la circassienne Vimala Pons confirme son immense talent

Vimala Pons

L’actrice Vimala Pons revient au théâtre avec une époustouflante nouvelle création, Honda Romance. Dans cette pièce pour dix interprètes, elle met les corps et les cœurs dans tous leurs états.

On avait laissé Vimala Pons sur la scène de la dernière cérémonie des césars avec un gigantesque (faux) César en équilibre sur sa tête. On la retrouve sur le plateau de l’Odéon, écrasée par une reproduction de satellite de la marque Honda. Progressivement et au prix d’un effort physique manifeste, au rythme des blagues salaces du satellite doté de parole, elle se hisse debout. Un premier acte qui interroge très frontalement les questions au cœur du spectacle : comment se relever, résister et tenir  ? Dans ses précédents spectacles, Vimala Pons nous avait habitués à ces performances physiques hors normes faites d’objets improbables, d’équilibres précaires et d’humour parfois potache. Mais Honda Romance va plus loin. Composée de trois actes très différents, cette création met à l’honneur toutes les facettes de l’artiste : autrice, performeuse, circassienne mais aussi metteuse en scène et, surtout, actrice.

C’est d’ailleurs sur ce dernier grand talent que repose tout le deuxième acte de cette nouvelle création. À cause du poids du satellite, l’actrice doit subir les explosions régulières de trois canons à air disposés de part et d’autre de la scène. Pas facile de rester debout. Mais ce deuxième acte est avant tout un époustouflant exercice de jeu dans lequel la comédienne passe d’un état et d’un personnage à l’autre — trois cent, au total — en quelques secondes. Un colossal travail d’écriture à base de collage, qui croque avec malice l’absurde et la violence de notre quotidien. Beauf en colère, cliente de biocoop agacée, amoureuse éplorée… La galerie de caractères imaginés par « Vimala » semble infinie, aussi infinie, peut-être, que le talent de l’interprète.

Ballet pour dix interprètes

Comme dans les grands ballets de danse classique, le plus beau est collectif, et pour la fin. Dans le troisième acte d’Honda Romance, exit le satellite du début et les canons à air. Sur un plateau épuré, Vimala Pons dirige un ensemble au sein duquel elle se glisse. Neuf chanteurs et chanteuses lyriques qui devaient au départ composer un chœur mais sont finalement bien plus que des voix. Sur la musique entêtante de Rebeka Warrior et Tsirihaka Harrivel – à laquelle la pièce doit beaucoup – les dix interprètes réalisent plus de 150 allers-retours entre le fond et l’avant de la scène. Phénoménal exercice de chorégraphie au cours duquel les comédiens se substituent les uns aux autres, enfilent un t-shirt, brisent une assiette ou chantent un air de musique. Le tout, sans jamais rompre le rythme quasi militaire de leur marche.

Comme souvent, le surgissement d’un collectif millimétré fascine et hypnotise. Mais cette dernière partie à la construction — très tenue — pourrait avoir quelque chose d’aliénant. Mais, à la différence d’un ballet classique dont l’uniformité est la clé de voûte, le tour de force consiste ici à faire exister chaque interprète au sein de cette partition mécanique et imposée. Grand spectacle formel dans le prolongement de Maguy Marin (mais pas que), Honda Romance est une enivrante exploration physique d’émotions et de sensations. Un vrai spectacle vivant, dont le charme virtuose irradie. La prestation vaut aussi pour sa grande poésie aussi, qui imprègne toute la séquence finale : dans les derniers instants, le fond de scène disparaît, et les portes de l’Odéon s’ouvrent sur la rue. Une trottinette électrique défile à toute allure, des passants interloqués s’arrêtent. Que se passe-t-il ? On se le demande. Un peu de magie, sûrement.

Honda Romance de Vimala Pons. Dans le cadre du Festival d’Automne. A l’Odéon-Théâtre de l’Europe jusqu’au 26 octobre puis au Centquatre du 4 au 7 décembre et ensuite en tournée. Durée : 1h15.

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

    You may also like

    More in ART