Après s’être intéressé au métier de nez parfumeur avec Les Parfums (sorti en 2020), Grégory Magne met cette fois-ci à contribution notre ouïe en mettant en scène un récit tout en délicatesse sur la formation d’un quatuor.
Marqué par l’audition d’une amie pour l’Opéra de Paris, Grégory Magne garde en mémoire l’expérience presque physique de son écoute du violoncelle. C’est ce souvenir sensoriel qui le pousse à imaginer une histoire sur la musique, dont la puissance sonore pourrait être atteinte, selon lui, via les équipements d’une salle de cinéma.
La vraisemblance
Pour son quatuor principal, le réalisateur est parvenu à trouver des acteur·ice·s, maniant et comprenant la musique. Ainsi, Marie Vialle, Emma Ravier, Daniel Garlitsky et Mathieu Spinosi composent cette formation musicale peinant à trouver son harmonie. Car oui, l’enjeu du film réside dans la réalisation d’un concert de musique de chambre où, pour la première fois, seraient réunis quatre instruments à cordes d’exception, construits par l’illustre luthier crémonais : Antonio Stradivari.

Narrant sur une semaine les répétitions du quatuor, Les Musiciens capte les dissonances des artistes au sein d’une histoire où le temps presse. Réduit à sept jours, le film se raconte comme un journal de bord, où le passage d’un jour à l’autre se signale par un carton sur fond noir : « J-3 ; J-4 ». Ce temps resserré trouve son écho dans le tournage du film qui fut quant à lui restreint à six semaines.
Au sein de ces répétitions tumultueuses, Astrid, la fille du défunt ayant droit des instruments, tente de donner le « la ». Dans ce rôle, Valérie Donzelli brille par un jeu précis. Bien que central, son personnage est filmé à l’écart des musicien·ne·s. Déterminée à mener ce concert à son terme, en vue d’honorer la volonté de son regretté père, Astrid se plie en quatre pour satisfaire ces artistes. Et cela transparaît par le jeu de Valérie Donzelli qui, moins fantaisiste qu’à l’habitude, fait toutefois dénoter son personnage par une volonté palpable, et une retenue ici légitimée par le deuil traversé par la protagoniste, mais aussi l’actrice-cinéaste. La comédienne précise en effet dans le dossier de presse du film avoir perdu son père trois semaines avant le tournage. Un évènement du réel qui a pu infuser sur le rôle…
À l’unisson
« J’ai senti la présence d’un inconscient collectif… », précise Frédéric Pierrot à propos de son expérience sur le tournage des Musiciens. Le comédien y campe le rôle de Charlie Beaumont, l’auteur de la partition travaillée par les musicien·ne·s. Comme Astrid, Charlie tient un rôle en marge du quatuor. Comme le personnage de Valérie Donzelli, ce dernier devient malgré lui l’arbitre des aléas des répétitions. Arrivant tardivement dans le récit, Charlie est le point de bascule du film permettant au groupe de véritablement naître. C’est par l’évolution progressive des répétitions que tous les personnages se retrouvent.

Grégory Magne propose en effet de répartir, dans le château Art Déco où se déroule le film, les différents protagonistes. Si les musicien·ne·s sont cantonné·e·s aux différentes salles de répétition où iels s’isolent – à l’exception du personnage de Mathieu Spinosi qui s’illustre à plusieurs reprises dans des moments burlesques autour d’un jacuzzi –, Astrid (Valérie Donzelli) s’isole quant à elle à l’extérieur pour gérer la logistique, mais aussi et surtout, dans la salle d’exposition des instruments de Stradivari, où celle-ci vient comme se recueillir face aux instruments, derniers liens avec son père.
Les répétitions viennent ici unir l’ensemble de la distribution. Véritable espace démocratique, celles-ci permettent d’interroger et de débattre du rapport à l’écoute, de la musique d’abord, mais surtout d’autrui.
Les Musiciens de Grégory Magne (Pyramide Films, 1h42), sortie le 7 mai.