CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2025 – «  Laurent dans le vent  »  : États de grâce

© Arizona Distribution

ACID – Déjà soutenus par l’Acid en 2022 pour Mourir à Ibiza, Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon débarquent cette année sur la Croisette au sein de la sélection de l’association avec Laurent dans le vent.

A l’aube de ses trente ans, Laurent ne sait pas vraiment quoi faire de sa vie. Légèrement lent, mais pas mou pour autant, il pose ses valises dans une station de ski vidée de ses touristes. Restent les habitant·e·s, avec qui Laurent va tisser des liens aussi doux que graves. Laurent dans le vent est un film qui sculpte l’obscurité des montagnes endormies, pour en faire jaillir des morceaux de grâce  : des rencontres dont la beauté et la préciosité tiennent en leur absence de nécessité.

En ce sens Laurent dans le vent peut se lire comme l’exact opposé de L’Aventura. Ici, pas de récit à unifier, pas d’individu à fondre dans une même unité. Une forme de fatalité point d’ailleurs dès les premières séquences. Fraîchement arrivé, Laurent se balade dans le village à la nuit tombée. Et au détour d’une maison, il y rencontre une grand-mère isolée, immobile dans son jardin. Sans pathos, ni explication, Laurent aide la grand-mère à se mettre au lit. Puis il s’assoit à côté d’elle, et lui demande la raison de ce geste. Dans la pénombre surnage sa voix désabusée  : « Parce que j’en ai marre ». L’immobilisme de la grand-mère apparaît, rétrospectivement plus grave qu’au premier abord : elle se laisse mourir.

Des éclats comme celui-ci parsèment le film d’une lumière tantôt poignante, tantôt amusante. Comme lorsque ce drôle de photographe embusqué dans un virage, finit par faire un shooting de Laurent, presque nu, au milieu de la route sinueuse.

Car si Laurent dans le vent est fait d’ombre et de fatalité, les réalisateurs prennent aussi le soin de ménager de beaux moments de légèreté. Les plans s’étirent, et laissent au temps, du temps pour s’installer. A l’image de sa séquence d’ouverture dans laquelle une caméra embarquée filme deux pieds volant au-dessus de la terre – une séquence qui n’est pas sans rappeler celle, magnifique, d’Andreï Roublev (Andreï Tarkovski) – le film plane un peu – comme son personnage. Ici, la durée ne sert pas l’explicatif. Elle est une chance donnée à la rencontre entre deux, trois, quatre individus sans liens préexistants.

Cela se lit de façon exemplaire dans la relation qui se noue entre Laurent et cette mère quinquagénaire, incarnée par une Béatrice Dalle à contre-emploi, tout en douceur et désespoir. Et l’hiver venu, Laurent ne repart pas de ce village, car l’autre le retient. Il est tout à la fois sans attache, et fondamentalement attaché à ce qui fait l’humanité pour Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon : le lien à l’autre dans ce qu’il a de plus contingent, et de plus fragile.

You may also like

More in CINÉMA