CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2025 – « Drunken noodles » : All in cruising

© Alsina 427

ACIDDrunken Noodles est un film aussi onirique que réaliste sur les codes qui régissent une partie des rapports sociaux et sexuels gays. Lucio Castro dresse ainsi, tout en finesse, une topographie du désir homosexuel masculin.

Adnan (Laith Khalifeh), étudiant en art, s’installe pour l’été dans l’appartement new-yorkais de son oncle. Stagiaire dans une petite galerie, il expose les œuvres d’un artiste rencontré l’été passé. Celles-ci sont des broderies aux couleurs vives. Au premier regard, elles semblent presque enfantines. Mais un œil attentif, bien aidé par une caméra contemplative, remarque rapidement le contenu très graphique des scènes brodées. Le ton est donné : il sera question de désir et de son incarnation dans Drunken Noodles.

Le fil de l’artiste fait en effet se mêler les corps nus d’hommes, seuls ou en groupe, aux pratiques sexuelles explicites. Sodomie, masturbation, fellation etc. Par ce procédé, Lucio Castro fait s’entremêler fantasmes et réalité. Si les pratiques sont bien réelles, leur chorégraphie et l’exécution de celles-ci forment un imaginaire communautaire  : celui de la hookup culture – ou culture du plan-cul. Comprendre  : celle des coups d’un soir.

Celle-ci prend racine dans la criminalisation et la condamnation morale des pratiques sexuelles gays. Passibles d’emprisonnement, d’exclusion sociale, elles devaient être cachées et rapides. Pas d’attache émotionnelle, un script préécrit, avec des rôles établis, et des gestes à maîtriser. Sans la connaissance du contexte de la naissance de cette hookup culture, celle-ci peut ainsi apparaitre, aux yeux du grand public, déshumanisante.

Lucio Castro prend le contrepied de cette idée reçue. Fraichement arrivé à New-York, Adnan, se rend dans un parc à la nuit tombée. Il fait noir, et des hommes rôdent. Un regard échangé, et le scénario est adopté. Il a recours au cruising, cette forme de drague gay qui se pratique dans des endroits publics, pour donner lieu à des pratiques sexuelles rapides, et donc ultra codifiées. New-York ne se révèle ainsi pas dans sa verticalité traditionnelle cinématographique mais bien dans une horizontalité faite de bancs et de buissons, éléments consubstantiels à ces lieux de rencontres.

Mutations et permanence du désir

Dans Drunken Noodles, Lucio Castro donne une épaisseur supplémentaire à ces rapports furtifs, et souvent silencieux. Yariel, le livreur du premier soir, revient voir Adnan à la galerie, et lui laisse un plat de nouilles. Et si peu de mots sont échangés, toujours, par ce geste, le réalisateur rend justice aux liens de solidarité qui peuvent se nouer au sein de ces relations.

Dans Drunken Noodles, il est aussi beaucoup question de poésie et d’onirisme. Yariel est aussi poète. Et quand il ramène ses « amis » pour la nuit chez Adnan, la partouze se mue en roman-photo. Les corps presque nus – seulement couverts d’un jockstrap – s’emboitent dans des poses de statues grecques.

Le film se poursuit suivant un montage anté-chronologique. De sa découverte de l’artiste-brodeur âgé de soixante-dix ans, à ses difficultés de couple, en passant par une anecdote sur son attirance pour les hommes qui l’entouraient lors de son enfance, c’est de la naissance du désir d’Adnan dont il est question. Un désir qui, malgré ses mutations, perdure et constitue un morceau aussi essentiel que partiel de l’identité d’un homme en quête de rencontres.

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