QUINZAINE DES CINÉASTES – Premier film d’Eva Victor, cinéaste né·e à Paris, Sorry, Baby aborde avec une grande sensibilité le thème de la reconstruction post-traumatique.
Après de brillantes études de lettres, Agnès (Eva Victor) occupe désormais un poste de professeure dans l’université qui l’a formée. Dans la maison qu’elle occupait avec sa meilleure amie Lydie (Naomi Ackie), elle se remémore les années passées. Avec elle, elle tente tant bien que mal de se reconstruire après un événement traumatisant.
Amitié salvatrice
Au cœur du récit d’Eva Victor se trouve une amitié unique entre deux jeunes femmes. Une amitié que la·le cinéaste filme avec une tendresse remarquable, notamment dans les scènes du quotidien. Longues retrouvailles, promenades en pleine nature et pyjama party sur le canapé du salon… Ces instants d’intimité entre Agnès et Lydie font toute la force du long-métrage.
Au fil des chapitres aux titres évocateurs (d’un sandwich marquant, à l’arrivée d’un bébé), cette amitié se précise aux yeux des spectateur·rice·s et se renforce à chaque tournant. Les deux jeunes femmes grandissent à deux et, à travers leurs conversations à cœur ouvert, naviguent ensemble au gré des étapes de leurs vies.
Le film les accompagne, des années de fac, aux premières difficultés de la vie active. Lydie se marie et accouche d’une petite fille. De son côté, Agnès observe de très près ces événements marquants, en essayant toujours de trouver sa place. Ses insécurités ressortent avec transparence et honnêteté. « M’aimes-tu toujours maintenant que tu es maman ? », demande-t-elle en rencontrant le bébé de sa meilleure amie pour la première fois.
Lydie, interprétée avec beaucoup de douceur par Naomi Ackie (vue récemment dans Mickey 17 de Bong Joon-ho), est d’une aide précieuse. Elle aide son amie à guérir après une agression sexuelle, filmée sans être montrée.
Reconstruction
Si cet événement est un point central du récit d’Eva Victor, le personnage d’Agnès, joué par Eva Victor, en reste pourtant l’élément principal. Ne définissant pas son héroïne par ce seul traumatisme, la·le cinéaste montre habilement la reconstruction longue et sinueuse du personnage.
Déambulant dans les lieux de son quotidien, Agnès réapprend à vivre à sa façon. C’est par des réconforts ponctuels qu’elle trouve son bonheur : un chat trouvé dans la rue, un sandwich partagé avec un inconnu, un instant passé avec la fille de Lydie.
La structure narrative non linéaire brouille les pistes sur la temporalité et floute les limites entre l’avant et l’après traumatisme. Cette construction laisse à la jeune femme la liberté de progresser à son rythme.
Ce premier long métrage alterne avec une grande fluidité les moments d’humour, de tristesse et de réconfort, faisant de Sorry, Baby un film poétique, touchant et très intime. Un début de carrière prometteur pour Eva Victor.