CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2025 – « Météors » : Diagonale du manque

Deux jeunes hommes (joués par Paul Kircher et Idir Azougli dans le film Météors) sont dans une voiture. Ils regardent vers la même direction.
© Pyramide Distribution

UN CERTAIN REGARD – Huit ans après le succès de Petit Paysan, Hubert Charuel revient avec un film d’amitié porté par trois comédiens brillants, avec en toile de fond une ville de Haute-Marne où règne un certain désespoir.

Tony (Salif Cissé), Mika (Paul Kircher) et Dan (Idir Azougli) sont trois amis de longue date. Installés dans la diagonale du vide qu’ils ne semblent jamais avoir quittée, un incident entre Mika et Dan les pousse à changer leurs habitudes. 

Populaires sur les écrans français ces dernières années, les films filmant la province se multiplient. Suivant la trajectoire de Leurs enfants après eux, La Pampa ou encore Vingt Dieux, Météors, co-écrit et co-réalisé avec Claude Le Pape, raconte avec une grande justesse une histoire sur la puissance de l’amitié et les aléas de l’entrée dans la vie d’adulte. 

Jeunesse éternelle 

C’est un accident de voiture, sans séquelles graves, qui constitue le point de bascule dans la vie des trois protagonistes. Après une soirée un peu trop arrosée, Mika et Dan rentrent chez eux. Sur une route de campagne, Dan en profite pour voler un chat de race, un Maine Coon valant plusieurs milliers d’euros. Pas de chance, ce dernier porte un collier GPS. 

Les deux jeunes hommes se retrouvent alors au commissariat, arrêtés pour vol d’animal, mais aussi conduite après usage de stupéfiants, et sous l’emprise de l’alcool. L’avocate en face d’eux leur affirme sans aucun doute que pour s’en sortir, ils vont devoir changer radicalement de mode de vie.

Car au sein de leur colocation, Dan et Mika vivaient jusqu’à présent sans trop de tracas. Soirées à répétitions, consommation excessive d’alcool et de drogue, le tout sans emploi à temps plein, et sans vraiment se soucier de l’avenir. Malgré tout, un rêve les anime : quitter leur ville natale et s’envoler pour l’île de la Réunion. 

Le désir d’émancipation des deux garçons fait face à un obstacle de taille : le manque d’argent. Cette ville semble impossible à quitter, aspirant petit à petit sa jeunesse dans une chute inévitable. 

Douleur et dépendance 

Car pour tenir, Dan, merveilleusement interprété par Idir Azougli, ne passe pas une heure sans une bière dans la main. Sa dépendance à l’alcool se concrétise par un malaise dû au manque, où le médecin lui annonce une cirrhose. N’y croyant pas vraiment de part son jeune âge, Dan peine à sortir de cette dépendance et joue constamment avec sa vie. 

C’est là qu’intervient le saisissant Paul Kircher. Meilleur ami, frère de cœur de Dan, il assiste à la descente aux enfers de ce dernier et fait tout pour l’aider. Mais peut-on empêcher la chute de quelqu’un ? C’est la question centrale posée par les réalisateurs de Météors, qui, sans jamais tomber dans les clichés du drame social, illustrent brillamment les difficultés de venir en aide à une personne qui ne semble pas vouloir aller mieux.

Le rapport à la dépendance est abordé par Hubert Charuel avec un scénario finement construit, qui montre les étapes du sevrage et de la rechute sans pour autant transformer le film en un torrent de désespoir et d’échecs.

Lumière au bout du tunnel

Car les trois personnages gravitent autour d’une amitié tellement forte qu’elle en devient pilier. Tony est un peu plus en retrait car, de son côté, il a réussi. À la tête d’une entreprise de BTP, il habite dans une très belle maison dans un lotissement pavillonnaire. Pour lui, tout semble aller pour le mieux.

Il n’hésite d’ailleurs pas à aider ses deux copains quand ces derniers sont à la recherche d’un emploi stable. Tony, symbole de réussite sociale, les embauche pendant un temps sur des chantiers de construction de poubelles à déchets nucléaires. Il leur fait confiance et ne les laisse pas tomber.

C’est dans le drame que les failles humaines se révèlent. Ici, le réalisateur filme avec une grande maîtrise les rapports souvent conflictuels entre les trois amis. Ces relations d’amitié sont parfaitement nuancées et apportent au film un grand réalisme qui fait toute sa force. 

Météors est un film qui, par ailleurs, utilise très bien ses décors comme symboles. Les chantiers en labyrinthe et les sites de construction à plus de cinq cent mètres sous terre donnent une sensation d’enfermement impressionnante, et coince les personnages dans un lieu qu’ils ne souhaitent que fuir.

Avec beaucoup d’espoir et de réconciliation, Hubert Charuel signe un deuxième long-métrage très réussi sur une jeunesse française rêvant d’émancipation.

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