CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2025 – « Exit 8 » : Cherchez l’anomalie

Exit 8 © Film Partners
Exit 8 © Film Partners

SÉANCE DE MINUIT – Pour son deuxième long-métrage, le réalisateur japonais Kawamura Genki se réapproprie le concept du jeu vidéo. Avec Exit 8, il présente un drame de science-fiction horrifique et immersif, duquel on ressort terrifié·e.

Exit 8 (de son titre original  8-ban deguchi) est directement inspiré du jeu vidéo du même nom développé par Kotake Create. Un homme (Kazunari Ninomiya) se retrouve piégé dans un couloir du métro tokyoïte. Confronté à des apparitions surnaturelles dont on ignore les intentions, il cherche la sortie 8. Pour l’atteindre, il doit traquer les anomalies. S’il en voit une, il fait demi-tour. S’il n’en voit aucune, il continue. S’il se trompe, il est renvoyé à son point de départ. 

Le récit s’articule autour de trois chapitres se concentrant sur trois personnages. L’homme perdu (Kazunari Ninomiya), l’homme qui marche (Yamato Kôchi), et le petit garçon (Kotone Hanase). 

Un concept fidèle au jeu vidéo

Le film commence in medias res, dans une rame du métro. La première image est un plan subjectif du héros en train de scroller sur son téléphone portable, sur un fond de musique classique. Dès les premières secondes, l’on entre dans la tête du personnage. Il se rend au travail, comme tous les matins, et l’on entend un bébé pleurer dans la rame bondée lorsqu’il retire un écouteur. Quand il se regarde dans le reflet de la vitre, c’est le visage d’un jeune homme sans expression qui se révèle. Durant plusieurs minutes, l’on parcourt l’environnement à travers les yeux et les oreilles du protagoniste, dont le·la spectateur·ice ne connait rien.

Un appel téléphonique vient interrompre la musique intradiégétique. Une jeune femme, son ex petite amie (Naru Asanuma), lui annonce qu’elle est enceinte. Cependant, elle reste incertaine de garder ou non l’embryon. Les deux discutent tandis que le jeune homme sort du métro. Ils discutent encore quand celui-ci se dirige vers la sortie 8, jusqu’à ce que la connexion se fasse plus faible, et que l’appel soit coupé. Après plusieurs passages devant le même panneau, et à croiser le même homme qui marche, le héros comprend qu’il est piégé. Finalement, l’on change de plan, et l’on se retrouve face au visage abasourdi du protagoniste. Le premier plan a tout de l’introduction d’un jeu vidéo et semble avertir le·la spectateur·ice qu’il devra s’investir dans le film.

Suivre les règles du jeu

Le dispositif fonctionne comme une souricière. Il faut lire les instructions, comme dans un jeu vidéo. Inscrites sur une plaque en métal au début du couloir, les instructions donnent la marche à suivre : traquer les anomalies. S’il y en a une, l’on fait demi-tour. S’il n’y en a aucune, on continue. À la moindre erreur, c’est retour à la case départ. Les quêtes se déroulent sur huit niveaux, jusqu’à atteindre la sortie 8. Ce dispositif crée une dimension interactive, le·la spectateur·ice se met aussi à chercher l’anomalie dans un décor qu’il finit par connaître par cœur. Par conséquent, celui-ci éprouve le même sentiment de frustration lorsque, sur le panneau jaune, il se voit revenu au niveau 0. En quelque sorte, Exit 8 est de ces films dont le·la spectateur·ice est le héros.  

La bande originale signée Shohei Amimori et Yasutaka Nakata revient à chaque début de parcours. Le même leitmotiv angoissant a l’effet d’un pied de nez au joueur revenu à la case départ.

Un éternel recommencement

Un couloir couvert de carrelage blanc qui semble ne jamais finir. Un silence pesant, à l’exception de quelques bruits de pas. Des affiches qui nous suivent des yeux et des cris d’enfants qui proviennent de nulle part. Le film transmet un sentiment d’angoisse du début à la fin. Les long travellings placent le·la spectateur·ice dans une position de vigilance constante. Avec des dédales de couloirs labyrinthiques qui s’enchaînent comme dans The Shining, il s’attend au surgissement d’un monstre au moindre tournant. Sa structure fragmentée en trois chapitres permet de découvrir le point de vue des personnages secondaires et d’étendre l’univers du jeu vidéo. L’homme qui marche et le petit garçon rajoutent une couche au récit, explorant de nouveaux enjeux. Alors, l’on se demande, depuis combien de temps sont-ils coincés ici-bas ?

Le réalisateur reste flou sur le sens global du film, laissant l’issue libre à l’interprétation. Critique de la technologie et des réseaux sociaux ? Questionnement sur les jeunes adultes face à leur routine qui s’apparente au mouvement des rongeurs dans leur roue ? Kawamura Genki propose un objet cinématographique novateur dans la mise en scène, qui provoque une sensation de malaise qui hantera le·la spectateur·ice longtemps après le visionnage.

Exit 8 de Kawamura Genki (Toho, 1h40) sortira le 3 septembre 2025. 

Je m'appelle Marine et j'écris pour la rubrique cinéma chez Maze. Je suis étudiante en ciné et théâtre à la Sorbonne-Nouvelle, et j'ai une affection particulière le cinéma français contemporain, mais aussi pour les films d'Eric Rohmer... En parallèle je suis également musicienne et j'écris des histoires (que je publie parfois).

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