SEMAINE DE LA CRITIQUE – Présenté en séance spéciale à la 64e édition de la Semaine de la critique, le nouveau long-métrage du réalisateur Martin Jauvat séduit autant par son casting que par sa maîtrise du genre comique.
Corentin Perrier (Martin Jauvat) a 25 ans, et il vit encore chez ses parents. Il se retrouve confronté à un paradoxe d’une grande complexité : il souhaite avoir un travail, mais pour cela, doit passer le permis, ce qui nécessite… de l’argent. Mais Corentin, surnommé, par lui-même, Sprite, décide de ne pas baisser les bras.
Plein de bonne volonté, mais au départ à moitié motivé, il se confronte brusquement au mondes des adultes. Car à 25 ans, c’est encore un grand enfant. Fan de bains, habillé souvent de maillots de football, encore un peu amoureux de son ex petite-amie, Corentin n’est pas vraiment maître de sa vie.
Après sa rencontre avec Marie-Charlotte, une monitrice d’auto-école excentrique, brillamment interprétée par Emmanuelle Bercot, et avec un patron de start-up de nettoyage un peu trop enjoué (Sébastien Chassagne), Corentin entre dans une nouvelle étape de son existence.
Récit initiatique
Baise-en-ville est un condensé brillant de personnages secondaires qui mettent parfaitement en avant le protagoniste et l’aident à grandir. Le beau-frère de Corentin (William Lebghil), de surface roi du malaise et des situations gênantes, créant d’ailleurs des scènes de comique de situation très réussies, ne manque jamais une opportunité pour aider le jeune Corentin.
De son côté, Marie-Charlotte, mère de substitution pour Corentin qui n’ose pas parler de ses sentiments à sa vraie mère, devient un personnage clé durant ces quelques jours passés avec ce Tanguy revisité. Avec son franc-parler et son manque évident de tact, elle sort Corentin de sa zone de confort et le confronte à ses peurs : peur de l’avenir, peur des autres, peur de soi.
Femme indépendante et sûre d’elle, Marie-Charlotte forme un duo contrastant mais très attachant avec Corentin, qui peine à s’affirmer et à sortir de sa coquille. A travers des leçons de conduite et de séduction sur les routes de la Seine-et-Marne, Baise-en-ville se réapproprie les codes du road trip movie avec des répliques qui semblent déjà cultes. Les musiques qui accompagnent ces virées en voiture et la colorimétrie – qui n’est non sans rappeler celle des Reines du drame d’Alexis Langlois – font également de ce film une réussite sonore et visuelle.
Tribulations comiques
Au fil des villes, de Chelles à Marne-la-Vallée, Corentin devient un personnage très attachant, qui admet être « un peu déprimé », mais sans jamais lâcher l’affaire. Apprenti conducteur de jour, nettoyeur de maisons après des soirées la nuit, il perd en heures de sommeil mais gagne en autonomie. En filmant ainsi des scènes de transport interminables, Martin Jauvat montre au public les galères de la banlieue parisienne tout en s’approchant des maux du cœur, plus intimes.
Les personnes qui croisent le chemin de Corentin font de ce récit une belle histoire de débrouillardise. De la policière un peu trop sur ses gardes (Anaïde Rozam) mais qui admet finalement pleurer un peu tous les jours, à la mère de Corentin qui ne cesse de « trop » s’inquiéter, tous·tes apportent une vraie plus-value à ces quelques jours d’errance.
En abordant les thèmes de la santé mentale, des relations familiales mais aussi de la vulnérabilité masculine, le tout avec beaucoup d’humour, Martin Jauvat brille autant dans sa réalisation que dans son interprétation du personnage de Corentin.