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Rencontre avec Basic Partner : « New Decade, c’est un projet ambitieux qui synthétise ce qu’on est aujourd’hui. »

Basic Partner (c) Marion Bouteiller
Basic Partner (c) Marion Bouteiller

Avec New Decade, premier album à paraître le 11 avril 2025, Basic Partner affine encore sa ligne de mire : un disque électrique, nerveux, hanté par l’époque autant qu’il la défie.

Basic Partner ne fait pas dans la demi-mesure. Entre la froideur mécanique du post-punk et des éclats pop plus viscéraux, le groupe façonne un son qui cogne, qui trouble, qui obsède. Repéré aux Transmusicales 2024, Basic Partner s’impose comme une révélation du post-punk français. On les a rencontrés pour parler de leur dernier projet, de la beauté du chaos et de ce que signifie faire de la musique quand tout semble sur le point de s’effondrer.

Est-ce que vous pouvez commencer par me présenter le groupe et me dire comment il s’est formé ?

Sacha : Alors, on s’est rencontrés avec Clément sur un projet musical en 2019. Ce projet a pris fin, mais on avait envie de continuer à bosser ensemble. C’est comme ça qu’on a donné naissance à Basic Partner, et cela fait maintenant deux ou trois ans que le groupe existe.

Vous venez de Nantes et de Rennes. Ces villes ont-elles influencé votre musique et votre manière de travailler ensemble ?

Clément : Oui, clairement. Marius est installé à Rennes depuis six ou sept ans. Pendant cette période, pas mal de groupes ont émergé là-bas. À Nantes, j’ai l’impression que la scène rock s’est structurée plus récemment, notamment avec l’arrivée de KO KO MO il y a environ sept ans. Aujourd’hui, il y a une vraie dynamique et une entraide entre les différentes scènes nantaises. On échange beaucoup, et cette émergence de nouveaux groupes nous a influencés autant que les autres.

Le collectif du Terrier, par exemple, réunit plein de musicien·nes qui jouent dans plusieurs projets en parallèle. On pense aussi à des groupes comme Mad Foxes, qui ont fait des choses super inspirantes et qui nous ont donné envie de creuser dans ces esthétiques musicales. Bien sûr, nos influences viennent aussi de l’étranger, mais cette dynamique locale nous a beaucoup nourris.

Pourquoi avoir choisi le nom Basic Partner ?

Sacha : Ah, cette histoire… On a cherché plein de noms. Et un jour, il y avait la voiture de Clément garée dehors… Bon, c’est un peu nul mais (rires).

Clément : Ouais, c’était un Berlingo et on s’est dit : « Tiens, Basic, ça sonne bien. » Mais Basic Berlingo, c’était trop bizarre (rires). Alors on a ajouté Partner, et c’est resté. Ce qui est marrant, c’est qu’on avait même oublié que la voiture était un Berlingo au départ. On s’en est rappelé bien après.

Comment décririez-vous Basic Partner à quelqu’un qui ne vous connaît pas ?

Clément : On aime ajouter des textures, des touches électroniques, des influences post-punk, tout en restant très rock. Il y a une certaine mélancolie dans notre musique, avec un côté « masse sonore » enveloppant, sans tomber dans le gros son. C’est plus une atmosphère, une sensation.

Basic Partner, Transmusicales 2024

Quelles sont vos influences majeures, que ce soit en musique, en cinéma ou ailleurs ?

Clément : On écoute beaucoup CholkSlift, et bien sûr nos potes comme Mad Foxes. On bosse souvent avec les mêmes ingés son et producteurs, donc nos univers se croisent pas mal.

Sacha : Mais on est aussi très inspirés par des éléments du quotidien. On essaie de retranscrire ces instants simples dans notre musique et notre visuel. Certains courants artistiques comme le Bauhaus sont aussi des influences graphiques.

On vous compare souvent à Viagra Boys et Psychotic Monks. Vous vous reconnaissez dans ces références ?

S : Oui, ce sont des groupes qu’on écoute et qu’on a vus en live. Viagra Boys pour leur son post-punk bruyant et leur utilisation du sax, et Psychotic Monks pour leur dimension noise et immersive. On aime leur manière de créer des univers sonores. Ce n’est pas de la musique de film, mais il y a ce truc où tu plonges direct dans l’ambiance. Ils bossent vachement sur les textures, les plages sonores… et ça, c’est un truc qui nous parle beaucoup.

Vous vous identifiez à cette scène-là ?

C : Ouais, on s’identifie pas mal. On essaie de se faire une place dans ce genre de scène, mais sans jamais s’approprier ce que font les autres. Le but, c’est juste de trouver notre propre voix et d’être sincères dans ce qu’on propose.

C’est intéressant, à l’instant tu évoquais le fait de faire ou non de la musique de film, et j’ai lu que vous étiez aussi très influencés par l’univers de David Lynch. Qu’est-ce qui vous fascine dans son travail, et qu’est-ce que vous en retenez ?

C : Je dirais que ce sont moins ses longs-métrages que ses courts-métrages qui nous inspirent. Ce qui me fascine, c’est le côté très expérimental de ses formats courts. Parfois c’est onirique, parfois hyper dérangeant. Il y a un vrai travail autour de l’identité des personnages, souvent floue. Les visages sont masqués, les comportements étranges. Et puis il y a tout ce traitement de l’image : du noir et blanc, des saturations, du grain… C’est très années 90, et ça nous parle, notamment parce qu’on aime aussi bosser autour de la VHS, des textures visuelles un peu brutes.

Pochette de l’album New Decade, Basic Partner

Pour revenir un peu plus à votre musique, vous chantez en anglais. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

C : (Rires) Sinon, on finirait par faire du Johnny Hallyday ! J’ai une voix un peu grave et si je chantais en français, je pense que ça sonnerait vraiment comme du Johnny.

Mais au-delà de ça, c’est un peu venu naturellement. On s’est habitués à chanter en anglais parce que c’est une langue universelle. Et surtout, au niveau des accentuations et du phrasé, c’est très différent du français. Même si je ne suis pas du tout un super anglophone, je ne chanterais jamais de la même manière en français. Ça change complètement les mélodies, les rythmiques.

Le français, c’est une langue très consonnante, assez difficile à chanter. Là où l’anglais te laisse plus de place sur les voyelles, plus d’espace pour créer des lignes de chant intéressantes. En français, ça peut vite sonner « rock français » et personnellement, j’ai un peu plus de mal avec cette esthétique-là.

Du coup, la question ne s’est jamais vraiment posée. Est-ce qu’on chante en français ou en anglais ? C’est venu assez vite. Peut-être qu’un jour on testera un morceau en français, pourquoi pas, mais pour l’instant, on ne s’est pas trop posé la question.

Votre album New Decade sort le 11 avril 2025. Que pouvez-vous nous dire à son sujet ?

New Decade, c’est le projet le plus ambitieux qu’on ait réalisé. On y a mis toute notre énergie. Il synthétise ce qu’on est aujourd’hui, autant en studio qu’en live. C’est aussi la première fois qu’on travaille avec une équipe aussi solide. Un vrai défi.

Pourquoi avoir choisi le morceau « New Decade » comme premier extrait ?

S : Surtout parce qu’il résume bien l’album : une atmosphère à la fois froide et noise, avec quelque chose de mélancolique.

Malheureusement, le temps nous a rattrapés, et nous n’avons pas pu conclure notre échange avec le groupe en direct. Heureusement, les membres du groupe ont eu la gentillesse de répondre à mes dernières questions par écrit. C’est pourquoi vous remarquerez un léger changement de ton dans la suite de l’entretien.

Votre EP Insomniac’s Road est sorti en 2023. Avec le recul, comment voyez-vous cet EP aujourd’hui ? Pensez-vous qu’il a posé les bases de ce que sera votre futur album ?

La conception d’un premier EP est toujours essentielle dans le processus de recherche d’identité propre d’un groupe. C’est un peu un centre de recherche dans lequel on insère de nombreuses pistes musicales et la première palette de couleurs. Insomnia’s nous a permis de présenter dans un premier temps le projet avec des morceaux issus de la création de Basic et de présenter le premier tableau. Dans le prochain album, quelques morceaux ont été composés peu après la sortie de cet EP et ont donc toujours des racines proches de celui-ci. Mais pour la plupart, il y a eu une volonté de s’en détacher tout en conservant notre identité propre.

De la même manière qu’on s’éloigne de plus en plus d’Insomnia’s Road, ce qui viendra après l’album New Decade sera encore plus éloigné car encore différent de l’album. L’objectif est de chercher à pousser les esthétiques musicales et de ne pas s’enfermer dans ce qu’on aura déjà fait. Mais disons que la composition est toujours influencée par ce qu’on écoute au moment de celle-ci ainsi que par notre environnement de l’instant.

Votre dernier single, « Them », est sorti le 14 février. Qui sont ces « them » dont vous parlez ? À qui ou à quoi faites-vous référence dans cette chanson ?

Them a été composé avec des thèmes très fédérateurs. Au départ, il n’y avait pas de paroles sur les refrains, et le fait d’utiliser seulement des Lalala a contribué à renforcer le côté hymnique. C’est un morceau qu’on a testé pour la première fois en l’intégrant sur notre set en Angleterre. C’était tellement fort cette semaine-là, qu’il a comme naturellement été le morceau de cette tournée. Les couplets parlent des gens qui nous entourent et qui contribuent à un collectif amical, solidaire, et/ou familial. Il rend hommage à l’amitié et le dernier couplet termine par « from today, we are one » pour symboliser cette union.

Avez-vous un souvenir marquant d’un live passé, une anecdote à partager ?

Le live qui nous a le plus marqué est celui du Liberté aux Transmusicales. C’était la première fois qu’on jouait devant autant de personnes et avec la team au complet (Alice aux lumières, Paul au son, Marine à la photo, Margaux et Quentin à la vidéo et il y avait Daydream…). C’était une journée très forte. Seul couac, dans la matinée Clément s’est bloqué le dos et a dû aller voir un osthéo en urgence. C’était très stressant de savoir ça mais heureusement l’adrénaline, la solidarité de tous.tes, l’osthéo et le traitement aux petits oignons de l’équipe des Trans Musicales a fait que tout s’est débloqué pendant le concert. 

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