Tous les troisièmes vendredis du mois, les rédacteur·ice·s de Maze vous proposent une sélection de films à (re)voir sur les plateformes VOD. Au programme du ciné-canapé de ce mois d’avril, l’on retrouve une série qui a beaucoup fait parler d’elle, et des courts.
Adolescence, de Stephen Graham et Jack Thorne (2025)
La série Adolescence, disponible sur Netflix depuis le début d’année, a fait beaucoup parler. Et effectivement, cette série est formidable. L’on y suit l’enquête autour du meurtre d’une adolescente par l’un de ses camarades de classe. Petite particularité : chacun des quatre épisodes de la série n’est constitué que d’un seul plan séquence. Une prouesse technique qui a du sens, puisqu’elle apporte, chez le spectateur, une sensation assez dérangeante à la série : celle d’un certain sentiment d’impuissance. La série balaye des thèmes très larges, tous intéressants et bien exécutés. L’on y parle, entre autres, du mouvement masculiniste des incels (contraction d’involuntary celibate), et de harcèlement. En bref, des problèmes que peuvent rencontrer les adolescent·e·s dans leur vie. Le scénario est bien écrit et touchant. Aucun épisode n’est ennuyeux, et chaque acteur est bon. Cette série est véritablement bouleversante. À voir absolument !
À (re)voir sur Netflix (abonnement)
Titouan Parenty-Lecarpentier
Les démons de Dorothy, d’Alexis Langlois (2021)
Marre de ce monde hétéronormé et fade ? Les démons de Dorothy saura vous réveiller et pimenter votre soirée. Dans ce court métrage, l’on suit Dorothy, jeune réalisatrice qui peine à faire financer ses projets. Ses scénarios ne sont pas vraiment dans les canons de production cinématographique : trop queers, pas assez « universels » d’après sa mère (Lio) et sa productrice (Nana Benamer). Désemparée face à l’idée de faire des films mainstream, Dorothy se plonge dans sa série préférée (Romy contre les Vampires, clin d’œil à Buffy et fil rouge du monstrueux, et du pouvoir féministe et queer). C’est sans compter la visite de ses « démons », qui sortent de son placard pour la tourmenter…
Avis aux novices du cinéma d’Alexis Langlois : il y a peut-être quelque chose d’indigeste face à un certain trop-plein et un rythme effréné. Le court métrage multiplie en effet les effets spéciaux, les métamorphoses, les genres – passant de la science-fiction érotique au body horror. Alexis Langlois assume les paillettes et le faux sang, le drame à outrance et le trash. Bref, la « dérision par l’outrance » (Pascal Françaix), qui fait l’identité du cinéma camp.
Mais derrière ces apparences, se dessine une ode tendre et subversive aux récits alternatifs absents de nos écrans. Chez Langlois, le cinéma est terrain de jeu pour fabriquer des images et raconter des histoires manquantes. Ce travail se fait à partir de références de pop culture et de la culture queer, et par la parodie cynique des productions chouchous d’Hollywood. Les fans des Reines du Drame – film paru l’année dernière – ne seront pas dépaysé·e·s, et sauront d’ailleurs y retrouver ce qui fait le charme fou des réalisations d’Alexis Langlois : la revanche des queers contre la norme cis-hétérosexuelle, la gloire des bikeuses amoureuses, les masques et les faux-semblants, la critique acide d’une industrie du star-system, ou encore la voix veloutée de Rebeka Warrior. Un cocktail jouissif et explosif !
À (re)voir sur UniversCiné (location ou abonnement)
Julie Tronchon
Poupées de chair, de Florence Rochat et Séréna Robin (2022)
Bienvenue dans le monde merveilleux de la vente d’automobiles. Plus précisément, de ses coulisses, moins rutilantes qu’un capot neuf et lustré. Après s’être maquillées, coiffées, et habillées, en soignant chaque détail, une dizaines de jeunes femmes suivent une journée de formation d’hôtesses. C’est le rôle qu’elles tiendront au salon d’EBBE, une marque influente du secteur. L’une d’entre elles, Lucie (Mara Taquin), rêve depuis l’enfance de créer des pièces de voiture. Fille d’un garagiste, elle tente de « rentrer par la petite porte » à l’occasion de cet événement. Et la petite porte, pour une femme, peut être ce genre de mission, dont le contenu se cantonne à un aspect purement physique. Pas d’étonnement, alors, lorsque Lucie se heurte, presque immédiatement, au climat misogyne de ce microcosme commercial. Le formateur, mais également certaines salariées leurrées par ce système, ne voient en ces hôtesses que des faire-valoir de l’image de marque. Des poupées vivantes. Exit la passion et le professionnalisme ; place au sourire mesuré, à la douceur, et à la politesse. À une « féminité rassurante, jamais écrasante », rappelle ledit formateur.
Avec bienveillance, et la volonté de montrer une certaine réalité, les réalisatrices mettent en scène les différentes étapes précédant l’ouverture du salon. Des préparatifs vestimentaires à la formation des hôtesses, le court métrage brosse les dessous de l’événement, sans montrer ce dernier. Loin de ne dresser qu’un tableau factuel de la nocivité apparente de ce business, le scénario s’enrichit de plaisantes touches d’humour, et d’énergie sororale entre certaines jeunes femmes. Aux côtés de Lucie, l’on retrouve notamment Naëlle (Laïka Blanc-Francard, récemment vue dans Cassandre d’Hélène Merlin), ou encore Victoire (Sandra Codreanu). Une fiction rafraîchissante, qui propose un pied de nez à ce milieu qui tarde à bousculer ses codes.
À (re)voir sur Brefcinéma (abonnement)
Aude Cuilhé