CINÉMA

Carte blanche à Ovidie sur Tënk – Miroir, mon beau miroir

Une jeune fille, Léonie, est penchée sur son téléphone dans sa salle de bain, devant une ring light.. Extrait du film Girl Gang, présenté dans la carte blanche d'Ovidie sur Tënk.
Girl Gang © Susanne Regina Meures / Christian Frei Filmproduktion

La plateforme Tënk, spécialisée dans le cinéma documentaire, accorde jusqu’à fin juin une carte blanche à Ovidie, autrice et réalisatrice française. Elle y présente trois films sur la mise en scène de soi et le poids du regard des autres.

Ce sont « trois documentaires de facture différente, aux partis pris de réalisation diamétralement opposés » qu’Ovidie a choisi de mettre en avant sur Tënk. Des documentaires qui mettent en lumière des musiciens punk, des influenceuses, ou des travailleur·se·s du sexe, tous·tes en pleine quête de soi.

Une carte blanche pour le moins éclectique, mais extrêmement pertinente. Les trois films laissent la parole à celleux qui n’ont pas souvent l’occasion de la prendre. Marginal·es, différent·e·s, ou isolé·e·s, les protagonistes de ces documentaires trouvent ici un lieu pour faire porter leur voix. 

Chasse aux likes

Deux de ces documentaires mettent en avant des nouveaux métiers prenant de plus en plus de place dans la société. Girl Gang de Susanne Regina Meureses filme le quotidien de Léonie, surnommée Leoobalys, influenceuse berlinoise. A seulement 14 ans, la jeune fille est suivie par plus de 500 000 abonné·e·s sur Instagram. 

S’ouvrant à la manière d’un conte de fée, le documentaire montre rapidement que tout n’est pas si rose. Le smartphone a remplacé le beau miroir. Léonie enchaîne les stories, filme du contenu sponsorisé en échange de rémunération. Chaque partenariat lui rapporte plusieurs milliers d’euros. Derrière elle, ses parents supervisent toute son activité, parfois au plus grand désespoir de l’adolescente qui semble vouloir goûter à un peu plus de liberté. 

Girl Gang montre l’envers du décor de l’influence, où l’authenticité peine à triompher face à l’obsession de l’apparence. La réalisatrice montre aussi une autre facette de ce monde. Elle filme dans sa chambre Mélanie, fan inconditionnelle de Léonie. Cette dernière admet passer parfois plus de douze heures par jour sur son téléphone pour suivre les actualités de Léonie. Lorsqu’elle parvient enfin à la rencontrer lors d’un événement, c’est la consécration.

La vraie vie

Là où aucune discussion n’est enregistrée face-caméra dans Girl Gang, c’est tout l’objectif de Carmina et Prune, toutes deux anciennes travailleuses du sexe, dans leur documentaire Télétravail du sexe. Mais la quête vers un contenu toujours plus qualitatif et répondant aux demandes des utilisateur·rice·s lie pourtant ces deux films.

Dans Télétravail du sexe, les deux réalisatrices donnent la parole à plusieurs travailleur·se·s du sexe en ligne. Alexia, Swann, Aspasie, Vera et Inopia s’expriment avec une grande authenticité sur leur métier pas comme les autres. Ces créateur·ice·s de contenu adulte expliquent pourquoi iels ont choisi cette activité, dévoilant les difficultés qui se cachent derrière un métier d’une grande précarité.

Swann Purple, créatrice de contenu sur internet, règle son téléphone afin de prendre une photo d'elle. Extrait du film Télétravail du sexe, présenté dans la carte blanche d'Ovidie sur Tënk.
Télétravail du sexe © Carmina / Prune / Avec Les Doigts

Le tout est filmé avec beaucoup d’humour, de sincérité et de transparence. Chaque personne témoignant dans le documentaire a choisi d’exercer ce métier et parvient à y trouver de la joie. Partage, créativité, grande liberté : les avantages existent pour celleux qui souhaitent en vivre. Malgré tout, les réalisatrices montrent aussi que même dans ce domaine, la productivité est maître, et le client est roi. 

Punk’s Not Dead

C’est avec un documentaire d’un tout autre genre que se clôture la carte blanche d’Ovidie. The Punk Syndrome, des réalisateurs Jukka Kärkkäinen et J-P Passi, s’attaque au domaine du punk finlandais. Le film suit le quotidien de Toni, Kari, Sami et Pertti, les quatre membres du groupe de punk rock Pertti Kurikan Nimipäivät, abrégé en PKN. 

Tous souffrent de troubles mentaux et, ensemble, ils luttent contre la stigmatisation et le flot de préjugés qui les entourent. Par leur musique et les paroles engagées qu’ils écrivent, ils utilisent le punk comme véritable outil politique, mais aussi comme un exutoire. 

Leurs textes, écrits à l’ancienne sur une machine à écrire, évoquent leur handicap ou la situation politique de leur pays – parfois les deux. La caméra, portée à l’épaule, permet aux spectateur·rices d’accompagner les musiciens dans leur vie, et d’assister à toute sorte d’événements : rendez-vous amoureux, déménagement, fête d’anniversaire… Le tout ponctué par quelques conflits entre les membres, qui ont parfois du mal à gérer leur colère, mais qui parviennent toujours à crier leur mal de vivre à travers la musique. 

Ces trois documentaires forment une sélection qui, comme le précise Ovidie, met en avant «  la rareté de la parole d’individus que l’on ne prend pas assez au sérieux. » Trois regards singuliers sur l’art de se révéler et le désir d’acceptation de soi.

La sélection d’Ovidie est à retrouver sur tënk.fr jusqu’au 27 juin 2025.

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