CINÉMA

« Mickey 17 » – Moi + Moi + Tous ceux qui le veulent

Mickey 17 © 2025 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.
© 2025 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

Très attendue (car maintes fois repoussée) nouvelle sortie de Bong Joon-ho, Mickey 17 est une comédie bâtarde qui relance de vieilles marottes sur la guerre entre un réalisateur et ses producteurs.

Dans ce film de science-fiction, Mickey, interprété par Robert Pattinson, est un expendable, c’est-à-dire un « jetable », que l’on peut réimprimer à chaque fois qu’il meure, et qui devient, pour cette raison, le cobaye des expériences les plus tordues. Par un concours de circonstances, un Mickey 18 est imprimé alors que Mickey 17 n’est pas mort. Les deux se rencontrent et leur personnalité se scinde : 17 est naïf et gentil, 18 cruel et arrogant. C’est la guerre entre les deux, comme sans doute la guerre entre Bong Joon-ho et Warner Bros qui produit le film.

Drôle de tâche que d’écrire sur un film. Il y en a des bons, ça c’est facile, des mauvais, tout autant, mais parfois, il y a des tambouilles dont personne ne sait trop quoi faire. Dans ces cas là, il faut reprendre depuis le début.

Les « cinéphiles »

Bong Joon-ho, réalisateur « de genre » sud coréen, apparu sur les radars occidentaux avec son polar Memories of murder en 2003, a gagné en popularité à intervalles de films plus ou moins réguliers, jusqu’à son triomphe en 2019. Parasite, comédie grinçante sur la lutte des classes, décroche la Palme d’or, puis une pluie d’Oscar, accompagnée d’un grand succès en salle. Tout ceci achève de placer le réalisateur comme super auteur pour « cinéphiles » – un vocable aux acceptions larges et diverses, depuis les esthètes les plus exigeants jusqu’à votre petit cousin sur Letterboxd, qui est également fan de The Joker.

2019, donc. Succès, chèque en blanc pour réaliser un prochain long à Hollywood, avec des stars et dans les studios de la Warner. American dream. Mais c’était sans compter sur ce virus à couronne qui vint régner sur la planète et mettre à mal tous ces plans. Les studios changent de stratégie comme de chemise avec les confinements. Tout streaming, plus de salles, en fait si, un peu, beaucoup, passionnément, jamais plus. Branle bas de combat, changement de directions, fusion avec Discovery, crises, colère de Christopher Nolan autour de la sortie de son film Tenet

Au milieu de tout ceci, le petit Mickey 17 vogue sur un navire qui tangue sévèrement. Puis il y a une V1, qui ne plaît pas, alors c’est la bagarre, puis le film est repoussé. Et ça ne plaît toujours pas, et c’est la guerre du goût… enfin, on imagine. Le reste est moitié fantasme, moitié factuel. C’est un problème.

Politesse idéologique

Son héros jetable, exploitable à l’infini, son méchant tyrannique aux ambitions extractivistes… Mickey 17 multiplie les signes d’une critique anticapitaliste. Rien d’étonnant chez Bong Joon-ho, dont la filmographie est déjà peuplée de héros prolétariens et de cruels possédants. Ici, toutefois, cette partition est jouée sur une tonalité bouffonne. Too much pour être honnête. Une politesse idéologique plus qu’une véritable critique. Ce qui n’est pas à mettre au discrédit du film, qui s’offre ainsi de la légèreté.

Mickey 17 © 2025 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.
© 2025 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

Le vrai jeu de piste est ailleurs. Il faut jouer à qui est responsable de quoi. Qu’est-ce qui est vraiment une bonne idée du réalisateur, qu’est-ce qui est une bêtise de la Warner, ou l’inverse. Car il semblerait bien que deux films soient grossièrement collés entre eux dans cette production. Une comédie impertinente (Mickey 18) et un space opéra naïf et bas de plafond (Mickey 17).

Bêtises et trouvailles

Bien sûr, il est tentant de dire que tout ce qui est bien dans le film, c’est grâce à Bong Joon-ho, et tout ce qui est nul, à cause de la Warner. L’effroyable voix off qui surexplique tous les enjeux – présente pendant plus de la moitié du film -, l’épilogue interminable et indigent, les articulations narratives laborieuses… Ça ressemble bien à des bêtises de studio.

À l’inverse, la scène de plan à trois avec deux Pattinson, comme un contre-champ railleur à Challengers, c’est l’humour de l’auteur de Parasite. La tendresse pour les créatures monstrueuses, la charge vegan du film, ça, c’est le gars qui a fait Okja. Le cabotinage clownesque de Mark Ruffalo, c’est une trouvaille à la Snowpiercer.

Il faut bien admettre que Mickey 17 propose quelques séquences vraiment très réussies qui jurent avec ses moments les plus lourds et boursoufflés. Il faut aussi préciser qu’il n’y a pratiquement pas d’entre deux. Le film nous force à trier le bon grain de l’ivraie en permanence, et à arbitrer ses qualités et ses défauts pour les attribuer à qui de droit.

Mickey 17 © 2025 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.
© 2025 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

À qui la faute, Mickey ?

Sauf que c’est un peu facile, tout ça. Au bout du compte, il y a un film, qui doit être vu pour ce qu’il est. En l’occurrence, une comédie bien trop inégale pour être sauvée. Peut-on vraiment tout pardonner au nom du talent que l’on connaît au réalisateur sud-coréen ? N’est-on pas arrivé au bout de cette rhétorique de la tension entre art et argent  ?

En mettant en scène les guerres internes à sa production, à travers le combat entre Mickey 17 et Mickey 18, le réalisateur fait, consciemment ou non, passer un message trouble : les deux adversaires sont une seule et unique personne. Le plus revêche finit par se sacrifier pour laisser le candide survivre. Alors, à qui la faute ?

You may also like

More in CINÉMA