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« Le Poids des fourmis » : quel est le poids des idées ?

Le Poids des fourmis - Yanick Macdonald
Le Poids des fourmis - Yanick Macdonald

Derrière son titre faussement anodin, Le Poids des fourmis cache une vitalité scénique, aussi mordante que lumineuse. Dans cette pièce signée David Paquet et mise en scène avec brio par Philippe Cyr, le conservatisme et l’inaction se frottent à une jeunesse furieusement engagée, prête à renverser la table à coups d’idées et de punchlines bien senties. 

Une arène absurde pour un combat bien réel

Dès l’entrée en scène, Le Poids des fourmis impose son univers visuel délirant : une piscine de boules noires encercle un îlot central où trônent deux fauteuils de directeur en cuir cheap, un palmier kitsch, et des figures d’autorité en chemise hawaïenne sirotant des cocktails. Voilà le décor surréaliste où Jeanne (incroyable Élisabeth Smith), élève engagée embarquée malgré elle dans une campagne électorale absurde, tente de défendre un avenir qui ne soit pas un champ de ruines. Face à elle, Olivier (Gaétan Nadeau), rival volubile et lunaire, prêt à tout pour séduire un auditoire déjà lobotomisé par le mécénat éducatif et la publicité omniprésente.

Sous ses airs de comédie déjantée, Le Poids des fourmis possède une charge politique qui pointe du doigt l’inertie institutionnelle et l’impasse dans laquelle les jeunes se retrouvent piégés. Comment faire entendre ses idées quand ceux qui détiennent le pouvoir ne veulent rien changer ? Comment lutter contre une société qui préfère le confort du déni à l’urgence d’agir ?

Ecriture rebelle

Si la pièce fait rire (et beaucoup), c’est grâce à une écriture ciselée, qui joue avec les registres et alterne fulgurances absurdes, dialogues survoltés et moments de pure poésie. Le texte de David Paquet frappe juste, jamais moraliste mais toujours percutant, et distille une critique acerbe de notre époque à travers les préoccupations d’une jeunesse en mal de repères.

Sur scène, la mise en scène inventive de Philippe Cyr propulse les personnages dans un ballet frénétique où tout est mouvement, où chaque idée devient une image, où la parole se fait matière. La scénographie, faussement ludique, sert de caisse de résonance à des thématiques bien plus sombres : réchauffement climatique, crise migratoire, violence institutionnelle… Autant de sujets brûlants que la pièce embrasse sans lourdeur, avec une énergie communicative qui évite toute complaisance.

Le Poids des fourmis – Yanick Macdonald

Un grand cri d’espoir

Mais Le Poids des fourmis ne se contente pas de dresser un constat accablant. Au contraire, la pièce exulte d’un optimisme rageur, d’une volonté farouche de renverser l’ordre établi, et pour cela, oui, elle passe par l’absurde et la satire. Il y a dans cette œuvre une urgence et une sincérité qui emportent tout sur leur passage. Ras-de-marée.

On ressort de cette expérience théâtrale avec l’accent québécois dans les oreilles, des images plein la tête et l’envie furieuse d’en découdre avec l’inertie ambiante. Parce que si le poids des fourmis est infime, leur force collective peut déplacer des montagnes.

Le Poids des fourmis, mise en scène par Philippe Cyr d’après le texte de David Paquet, du 07 au 15 mars au Théâtre Paris-Villette. Durée : 1h15. Tarifs : 9-24€.

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