Profitant d’un retour aux sources en Roumanie, la documentariste Ruxandra Gubernat décide de suivre trois adolescent·e·s durant leur année de terminale. Durant cette année décisive, la réalisatrice parvient à capter les doutes d’une jeunesse plurielle.
Prenant place en Roumanie, pays natal de Ruxandra Gubernat, Jeunesse imaginaire suit trois jeunes effectuant leur dernière année au lycée. Empreint·e·s de nombreux doutes, Ena, Stefania et Habet interrogent, face à la caméra attentive de la cinéaste, les pressions familiales et sociales qui viennent compliquer leurs choix de vie. À cela vient s’ajouter la crise sanitaire de 2020 qui, formellement et narrativement, fait voler en éclats les trajectoires de cette jeunesse.

Résonances
Jeunesse imaginaire a pour parti pris de suivre uniquement trois adolescent·e·s, et non toute une classe de terminale. Ena est un·e jeune comédien·ne en devenir très sûr·e d’iel. Stefanie est, quant à elle, une militante écologiste soumise à une très forte pression parentale, et est très anxieuse. Enfin, Habet est un jeune rappeur pour lequel l’école est plus difficile à surmonter.
Cette richesse dans les parcours et les personnalités, la réalisatrice la transpose dans la forme du documentaire. Suivant chaque jeune avec un dispositif réduit, Ruxandra Gubernat cesse pour un temps de les accompagner à l’arrivée de la Covid 19. Ainsi, le dispositif se réduit davantage en se centrant sur des images personnelles tournées au téléphone par les adolescent·e·s. Le film joue également avec certaines séquences de répétitions d’Ena, dans lesquelles iel interprète un·e lycéen·ne, ce qui accentue le brouillard entre fiction et documentaire.
Mais, dans cette polymorphie, les trois jeunes voient leurs chemins se croiser au travers de leurs luttes. Par la musique, le théâtre et le militantisme, iels clament les désarrois d’une jeunesse anxieuse, et perpétuellement entravée financièrement et socialement.

Contradictions
Malgré la liberté en ligne de mire, il est intéressant de noter les contradictions au sein de cette jeunesse incarnée en ces trois parcours divers. Ena est peut-être le personnage le plus intéressant pour cela. Iel est conscient·e, par exemple, des défaillances politiques des États-Unis, et de la place centrale qu’y occupe le capitalisme. Mais, malgré cela, le soft power étatsunien fait tout de même rêver Ena avec ses campus, ou encore, les péripéties mondaines de Gossip Girl.
Plus tard, c’est le montage du film qui taquinera gentiment son propos. Lorsqu’iel parle de son plaisir casanier, ou encore de sa joie d’être en sa propre compagnie, le montage alterné montre Ena dans divers lieux, et constamment entouré·e. Ainsi, le film capte habilement la pression sociale à mener une vie sociale riche.
Après le visionnage du documentaire, l’on se dit que la jeunesse n’est pas si « imaginaire » que ça. Celle-ci est bien ancrée dans le réel, et c’est précisément cela qui la rend si cruciale dans la construction d’un individu.
Jeunesse imaginaire de Ruxandra Gubernat (Tajine Studio, 1h24), sortie le 12 mars.