Louis Chedid auteur-compositeur-interprète, écrivain et réalisateur a décidé de quitter le temps d’un album les surfaces sombre de notre monde avec Rêveur, Rêveur, son nouvel album.
Des horreurs, de la guerre, de la haine, des chaînes en continu, Louis Chedid tourne le dos au mal et rend l’espoir au bien. Car il le sait, l’Humanité, quand elle est solidaire, est bien plus forte que les forces de la désunion. Rêveur, Rêveur, son nouvel album, est le fruit de cette réflexion, de cette quête initiatique vers l’entretien du bonheur. En parlant d’entretien, voici celle qu’il nous a accordé.
Il y a déjà un peu plus de deux mois que vous avez sorti votre nouvel album. Dès la première écoute, il est saisissant. Votre album s’ouvre avec des battements de cœur et se termine dans les nuages avec le bruit des oiseaux. Vous aviez envie de faire quoi avec ces éléments sonores ?
C’est un album qui parle de la puissance qu’on a les uns et les autres. Qui parle plus d’émotion, de sentiment, d’humanité que de tous les trucs dont on est assaillis toute la journée. C’est-à-dire que moi, j’ai envie de tirer les gens vers le haut et leur parler des choses qui font du bien, que de leur parler des choses qui font du mal. Donc « Les battements du cœur », c’est une chanson à tous ceux pour qui les battements du cœur sont plus importants que n’importe quoi d’autre.
Plus fort que le pouvoir, que l’argent, enfin voilà, des choses comme ça. En chanson, c’est dit avec un peu plus de poésie.
Dans ce monde très sombre, vous avez voulu vous protéger en musique des horreurs du monde dans lequel vous avez grandi. À quel moment vous vous êtes dit que c’était trop, que vous aviez besoin de créer votre propre bulle ?
Depuis toujours, depuis que je suis petit. J’ai la chance de pouvoir vivre en faisant ce dont j’ai rêvé quand j’étais enfant, c’est-à-dire de pouvoir être libre. C’est un luxe dans la vie qui est assez rare. Malheureusement beaucoup de gens sont tenus par leur travail, par leurs obligations, mais quand on est artiste, on peut réussir quelque part à gérer sa vie comme on veut. C’est ça l’idée au départ. Très vite, on s’aperçoit que c’est du travail, que c’est quelque chose de plus complexe que juste rester enfant. Mais, c’est ce que je veux dire quand il y a cette chanson « Rêveur, rêveur » par exemple. L’idée c’est vraiment de garder un pied dans l’enfance et la tête dans les nuages.
Vous vous sentez encore libre aujourd’hui, maintenant que vous vivez pleinement de la musique ?
Oui, parce que je gère mon temps comme je veux. Mon activité, c’est de prendre une guitare ou de prendre un stylo et une feuille de papier et puis d’écrire une chanson. Vous voyez, c’est des trucs d’enfants, quoi. C’est comme les enfants quand ils font des dessins. Après, bon, tout est relatif, mais je pense que ça me permet de m’échapper du monde de bruts dans lequel on vit, enfin, dans lequel on nous plonge. On n’arrête pas de nous bassiner avec des choses tellement négatives toute la journée. J’ai la chance de pouvoir m’échapper de ça en faisant des choses que j’aime.
Dans cet album il y a aussi un fort message de transmission. Également dans le nouvel album de votre fils Joseph, sur lequel vous chantez « Cultiver le bonheur », dans votre disque il y a aussi ce message. Aussi, comme une transmission de père en fils, vous donnez également un peu les clés du bonheur, de la paix. Vous le dédiez à qui ce projet artistique ?
À tous les gens qui pensent, et je sais qu’il y en a beaucoup qui pensent la même chose que moi. Qui pensent que la vie, que le bonheur n’est pas un défaut et que d’être heureux et d’être humain les uns avec les autres c’est plutôt une qualité. On est beaucoup, beaucoup à penser ça. Je veux dire, entre ce qu’on nous balance toute la journée, avec ces mauvaises nouvelles. Puis entre la réalité, enfin ce que je vis, les gens que je rencontre quand je fais des concerts et dans la vie courante, je me rends compte que les gens sont très sensibles aux messages positifs et humains.
D’ailleurs vous parliez de quand vous étiez enfant, que vous aviez toujours eu envie, toujours eu ce besoin de créer votre bulle, de rêver. Rêvez-vous encore aujourd’hui ?
Oui, tous les jours. Je rêve de faire de nouveaux projets, de rencontrer des gens qui m’élèvent, qui me plaisent, avec qui je peux échanger et qui me font du bien. Je rêve de voyager dans des pays que je ne connais pas.
Il y a tellement de choses à rêver et puis parfois à réaliser. Et parfois on se dit que c’était un fantasme, c’est moins bien que ce que j’aurais pensé. En tout cas c’est la vie et pour moi c’est une aventure. Je veux dire, que pour moi ce n’est pas juste un truc où on est là et puis on attend que ça se passe. C’est une aventure. Chaque jour est une vie. Quand on se réveille le matin et qu’on est encore là, moi personnellement je suis content. C’est tout bête, moi j’aime la vie avec ses hauts, ses bas évidemment comme tout le monde. Ses moments de déprime, ses moments de nostalgie, de mélancolie, de tristesse, mais aussi ses moments de joie.
Les émotions finalement.
Oui c’est ça exactement.
C’est ce que vous dites aussi dans « Mon âme et moi ». Quelle que soit la journée, ce qui va se passer au fil de la vie, mon âme et moi, c’est indissociable. C’est ça qui est magnifique.
C’est comme l’enfant intérieur qu’on peut avoir. Je crois que c’est important de faire attention à ça et d’être à l’écoute. On peut appeler ça mon âme, mais ça peut être autre chose. Chacun l’appelle comme il veut. Mais c’est important d’être à l’écoute de l’intérieur de soi. Je pense que c’est très important de ne pas être dans le négatif. D’essayer au contraire d’aller vers quelque chose de lumineux.
Après, chacun fait comme il veut et comme il peut.
Pour parler encore de l’album, il y a une chanson qui marque. C’est le titre « Je suis là ». Je pense que c’est une des chansons qui est la plus bouleversante parce qu’à la fois on a l’impression que vous dites au revoir, que vous voulez rassurer, parce que vous dites « je suis là, ici, tout là-bas, je suis là, jamais bien loin de toi ». Et pour le coup, c’est quand même assez déstabilisant parce que quelquefois, on a besoin d’entendre juste ce « je suis là » d’un parent, d’un ami, d’un collègue.
Oui, bien sûr, bien sûr.
Mais vous, à qui êtes-vous en train de dire que vous êtes là ?
À qui veut l’entendre ! Je dis ça à des gens qui sont proches, par exemple, mais pas seulement. Aussi à des gens que je ne connais pas et qui peuvent me solliciter ou je peux sentir que si je suis gentil avec eux ça va leur faire du bien. Puis quand on est sur scène et qu’il y a le public qui est là, c’est une façon de donner quelque chose, une générosité qu’on donne aux gens et qui vous renvoie une chaleur parce que ça leur fait du bien. C’est-à-dire qu’être là, ça veut dire être là et ouvert aux autres.Tout ce que j’ai pu apprendre dans la vie, c’est les autres qui me l’ont appris.
C’est en les regardant, les écoutant, en écoutant leurs disques on en regardant leurs films, en parlant avec des gens qui ne sont pas obligatoirement des artistes, mais qui vous amènent quelque chose en plus.
Votre album parle aussi un peu de la disparition, de la mort et vous avez à votre âge l’air d’être quand même assez apaisé sur cette question.
Un jour bon bah on s’en va et ça c’est la seule vérité humaine. On ne peut pas en discuter.
Oui je suis assez apaisé sur cette question c’est vrai parce que j’ai beaucoup lu là-dessus, puis j’ai vécu des trucs qui font que je pense qu’il y a vraiment des choses qui se passent après. Donc oui je suis assez apaisé. Au début, quand j’étais plus jeune, j’étais très angoissé par ça.
Angoissé parce que ça marquait une fin ?
Oui, et puis parce que pour beaucoup de gens, la mort est quelque chose de terrible. Il y a beaucoup de gens qui pensent qu’il n’y a plus rien après. Et moi, je ne crois plus ça maintenant.
Les fleurs fanent, elles tombent et puis après, il y en a d’autres qui poussent et au même endroit. Il n’y a pas de raison que ça ne soit pas le cas pour les êtres humains. Donc évidemment, ça rassure. Il y a autre chose après, avec parfois des personnes qu’on a connu dans cette vie-là, qu’on retrouve dans une autre vie. Pour certains, ça paraît un peu fou, un peu cinglé, mais moi, je pense vraiment ça.
Il y a quand même cette phrase qui est à la fois mignonne et touchante dans la chanson, où vous dites que vous serez ce vieux fantôme, qui cracra le sol. Vous avez quand même cet amour, pas du présent mais du vivant.
Oui, absolument. Bon, après, de le dire comme ça, ça paraît un peu, peut-être surréaliste pour certains, mais moi, je pense que les gens qui sont partis sont là quand même. Ils sont là, autour de nous, et nous regardent, parfois, nous protègent.
En tout cas, ce n’est pas un album d’adieu ?
Ah non, pas du tout. L’adieu, vous savez, si je savais… J’aimerais ne pas le savoir d’ailleurs personnellement. Quand j’ai fait mon premier disque, j’aurais jamais pensé que 52 ans après comme les copains avec qui on a commencé ; qu’on allait pouvoir faire un ou deux albums. On ne se projetait pas à 5 décennies. La vie elle vous offre des trucs et puis ça dépend aussi beaucoup de votre façon d’être par rapport à ça. Moi, je suis toujours emballé par le fait de faire un album, d’écrire des chansons, j’adore ça. Et je dirais même que j’aime encore plus ça aujourd’hui qu’avant. Et voilà, c’est la chance que j’ai. Je ne suis pas du tout blasé. Et puis j’ai la chance aussi qu’il y aient des gens qui me suivent, qui viennent aux concerts et qui apprécient.
Là, vous avez fait une petite pause dans vos préparations, parce que vous êtes effectivement en tournée. C’est une très grande tournée. Vous avez rempli les Bouffes du Nord il y a quelques mois déjà maintenant, vous continuez la tournée…
Oui, je continue la tournée et la tournée va durer jusqu’en 2026. Donc il va y avoir à peu près 70 concerts, un truc comme ça et je suis très content. On a annoncé les dates jusqu’en juin, mais toutes les autres dates vont venir un petit peu plus tard.
Et donc vous allez repasser par Paris ?
Oui, on va repasser par Paris aux Folies Bergères le 11 octobre 2025.
Et comment vous vous sentez dans cette nouvelle tournée ?
J’adore, j’adore. Je suis très content. D’abord, j’adore parce que le public réagit merveilleusement bien. Il est très heureux et donc ça nous rend très heureux aussi, nous qui sommes sur scène. Et puis, je suis entouré d’une équipe que j’ai choisi évidemment mais avec laquelle je m’entends super bien. On rigole beaucoup et on est très heureux. Je vous le dis parce que la récompense des concerts c’est le public. C’est vraiment la finalité du métier que je fais, se retrouver avec le public sans intermédiaire et de les voir comme ça. De voir sur leurs visages si ça les touche, si ça les émeut, s’ils ont envie de bouger. Il y a tellement de trucs qui se passent dans un concert. Et là vraiment, on est servi parce que je crois que les gens sont ravis.