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Rencontre avec Côme Ranjard : « Je suis spectateur de la vie »

Crédit : Nicolas Despis

La relève de Philippe Katerine est bien là. Côme Ranjard nous présente son nouvel album, Popcorn, sorti le 17 janvier dernier. Voguez avec nous à travers les douces chansons poétiques et extraterrestres de ce nouveau troubadour de la chanson française.

Attention, ovni non identifié. Le jeune musicien se dévoile à nous et nous parle de son amour de la musique et du cinéma. Avec son nouvel album Popcorn, Côme nous fait voyager dans son monde où il observe la vie. Considéré un peu comme son premier album, l’artiste nous décrit de tendres images poétiques et véritables qui ne pourront que parler à l’auditeur. Porté par des cuivres et des vents cinématographiques, l’album nous transforme en spectateur et nous transporte dans le monde du jeune musicien. Nous parlerons avec Côme de son amour pour le Japon et son admiration pour le musicien Harumi Osono, de ses débuts timides, ainsi que du monde extérieur qui l’intrigue. Rencontre.

Avant de commencer, est-ce que tu peux nous parler de ce qui t’a fait commencer la musique ? D’où t’est venu ce côté artistique que tu as aujourd’hui ? 

En vrai c’est venu très jeune. Quand J’étais petit, je faisais déjà beaucoup de dessins. J’écrivais des histoires en français. Je dessinais des cartes, des paysages, des choses comme ça, et puis ensuite, en CM2 donc j’étais vraiment petit, on a monté un groupe avec des copains. On jouait dans la cave et moi, je ne savais pas jouer de musique, donc j’écrivais des textes en français et je chantais. C’était un peu nul, mais c’était de la musique.

Puis après l’adolescence est arrivée, je me suis mis à écrire en anglais et à jouer de la guitare  que j’ai appris tout seul en volant la guitare de ma sœur. Et je me faisais engueuler quand elle savait que j’avais pris. Elle disait que ça changeait le manche, n’importe quoi. J’apprenais tout seul à jouer des morceaux de Bob Dylan. C’était ma découverte un peu de la folk. Dylan, Leonard Cohen, tout ce monde-là qui s’est ouvert à moi.

Et puis ensuite, mon père particulièrement et ma mère me faisaient écouter Gainsbourg, Bachung, Voulzy, Souchon, toute l’équipe, Michel Berger et tout ça. Puis, à chaque fois que je leur faisais écouter des chansons, ils me disaient de plus en plus : « Tu devrais écrire en français, tu devrais réécrire en français. » Et donc je me suis remis au français vers 18 ans, je pense, un truc comme ça. 

Ensuite, j’ai fait mes études aux Beaux-Arts de Paris, où, là, je faisais beaucoup de dessins surtout, un peu d’installations sonores avec des dessins ou des sortes de happenings qu’on a faits avec un ami qui s’appelle Max, où il écrivait des textes qui étaient retranscrits sur un rétro pro et moi je jouais, je chantais en improvisant ces textes. On faisait des expériences comme ça. Et puis j’ai fait quatre ans aux Beaux-Arts que j’ai stoppés pour faire que de la musique du coup. 

J’ai sorti des albums que j’ai enlevés, d’autres que j’ai laissés. Comme l’Enfant casanier que j’ai laissé, un EP. Thème pour un voyageur aussi. Ici, c’était plus de l’ambient que j’avais fait pendant le confinement. C’est quasiment 100 % instrumental. Il y a quand même cette partie de moi qui aime bien aussi faire de la musique sans attendre quoi que ce soit des mots et que ce soit juste des notes.

Est-ce que, du coup, on peut considérer Popcorn comme ton premier album véritable ? 

Je pense que oui. Enfin, oui et non quand même, j’en ai sorti avant ça mais j’étais plus jeune, c’était moins mature, c’était plus de la recherche, très expérimental. J’avais envie d’avoir une sorte d’objet musical fini avec un titre, avec un nombre de chansons. Mais là, je sens quand même que c’est le premier album que j’ai envie de laisser sur les plateformes, de sortir en vinyle et que j’ai envie de montrer. C’est la première fois que c’est à ce point-là, c’est vraiment un truc que je suis prêt à porter. 

Je me demandais si tu l’avais intitulé comme ça parce que tu es spectateur de la vie ?

Oui, c’est complètement ça. C’est très bien dit. Je suis spectateur de la vie. Et spectateur au cinéma aussi. Je vais quand même souvent au cinéma. J’ai ma petite carte UGC illimitée qui me fait bien plaisir. Mais oui, c’est ça. C’est une manière de parler du fait d’être observateur et de regarder autour de soi et de faire des constats, bien que ce soit totalement subjectif.

Ta musique et tes paroles sont très imagées. 

Oui, j’essaye. En tout cas, ça vient comme ça naturellement. Je ne sais pas, il y a une sorte de truc qui me fascine dans le cinéma, il y a une sorte de boucle un peu infinie entre le fait que le cinéma s’inspire de la vie des gens et des humains, de l’histoire et de tout ce qui s’est passé sur notre planète. Et qu’en même temps les humains s’inspirent de ce qu’ils voient au cinéma parce que ça fait rêver et qu’on se dit  : « Ah, j’ai envie d’être comme ce personnage. » Ça donne des idées, ça donne des envies ça donne des passions et donc t’as cette espèce de boucle en fait, où le cinéma inspire la vie, la vie inspire le cinéma et je trouve ça fascinant et donc j’avais envie de rester autour de ce secteur un peu.

Et puis, il y a le truc du spectacle. Je trouve que ça allait bien avec la musique. Dans le mot «  pop-corn  », il y a le mot « pop » aussi. Et comme avant de faire Pop-corn, j’étais plus expérimental quand même dans mon approche de la musique. Il n’y avait pas de structure, il n’y avait pas de couplets-refrains. Enfin, il y en avait, mais c’était beaucoup plus « libre » dans le format. Et là, j’étais quand même vraiment plus pop en soi. 

J’aimerais qu’on parle de tes productions. Je trouve tes instrumentales sublimes. Il y a beaucoup de cuivres. Je voulais savoir comment tu as travaillé tout ça ? Est-ce que tu as travaillé avec d’autres artistes pour créer ton album ?

Oui carrément. Souvent, je m’interdis de… enfin je m’interdis, c’est un peu dur mais j’essaye de ne pas enregistrer tant que j’ai pas tout le texte. Donc j’ai la suite harmonique, j’ai la suite d’accords au clavier ou à la guitare.

Donc tu composes d’abord, et après tu écris le texte ? 

C’est les deux en même temps, ou alors j’écris le texte à vide, sans musique, ou alors j’ai effectivement une mélodie avec une suite d’accords que je travaille. Et quand c’est comme ça, je ne commence pas à enregistrer tant que je n’ai pas la musique. J’ai tendance à me laisser inspirer, à faire que les mots inspirent la musique, plus que la musique m’inspire les mots. Mais ce n’est pas une règle générale non plus. Il y a aussi des moments où je suis un peu à court et donc je fais l’instru et l’ambiance me donne les mots. Dans l’ordre, c’est quand même souvent composé de manière très épurée, guitare voix ou synthé voix puis j’enregistre, et effectivement, je fais des prises voix où j’imagine les cuivres, donc je chante un peu les mélodies, les harmonies de cuivres qu’il pourrait y avoir. 

Et donc il y a Tom Naoury qui vient jouer les saxophones. Lui, pour le coup, il est vraiment très doué, et puis il est très jazzeux, donc il est capable de faire des solos et d’avoir des idées que moi je n’ai pas eues non plus forcément avant. Et puis il y a aussi la clarinette, la flûte.

C’était chouette, c’était des rencontres, c’est des gens qui m’ont parlé, enfin des amis qui m’ont parlé de ces personnes-là, donc qui sont venus toquer vraiment à ma porte. « Salut, je m’appelle Antonio. » « Salut Côme, enchanté, tu veux un café  ? ». Et puis on écoute les morceaux, je lui chante un peu les mélodies que j’entends et puis voilà. Donc, je pense que c’est un échange. C’est pas mal des idées que j’avais déjà et, en même temps, je laisse libre cours aux idées des personnes qui viennent jouer, donc il y a un espèce de mélange de tout ça. 

On parle aux gens qui ont composé avec toi, il y a le titre éponyme avec Gaétan Nonchalant qui joue dessus, il y a Michelle Blade aussi qui fait les chœurs. Je voulais savoir comment tu les avais rencontrés ?

Écoute, avec Gaétan, on s’est rencontrés, on était jeunes, on avait, je pense, 13 ou 14 ans. On s’est rencontrés sur la plage à l’Île Dieu. Je jouais de la guitare sur la plage où il jouait de la guitare. On s’est vu et dit : « Tu joues de la guitare ? » « Oui. » « Moi aussi. » « Bob Dylan. » « Super. » Voilà. Et on était des gosses, on était trop contents de rencontrer une autre personne qui est là-dedans. Et puis lui aussi, il écrivait ses chansons. Donc, c’est encore plus rare à cet âge-là de rencontrer à 15-16 ans des gens qui font des chansons en français. Donc on a tout de suite vachement accroché. On se voyait principalement l’été, en vacances. 

Puis après, il est parti au Japon pendant un an. Et quand il est parti, en fait, on se faisait des Skype à l’époque. Il m’a proposé de le rejoindre, donc je l’ai rejoint pendant un mois et demi au Japon, et là, ça nous a vraiment rapprochés. Depuis, il est venu vivre à Paris, et maintenant qu’il est à Paris depuis dix ans, on est très proches. 

Est-ce que ça vient de là, justement, cette passion des artistes japonais comme Harumi Osono et Shintaro Sakamoto ?

Oui, en vrai, ça vient de là. Il y avait aussi déjà un attrait pour le Japon, même avant ça, parce que je regardais beaucoup les dessins animés de Miyazaki quand j’étais petit, et j’adorais la musique de Joe Hisaishi. Donc il y avait déjà un peu ce truc de l’ambiance japonisante, toute douce, des notes un peu de jazz ou des accords hyper étendus qui frottent, qui sont trop beaux. Il y a quand même ça depuis longtemps qui traîne, mais effectivement Osono, ça, c’est arrivé plus tard. Je pense même que c’est Mac DeMarco qui m’a ouvert la porte, je pense, en en parlant. Je me suis dit  : « Tiens, Osono, c’est quoi ça  ? ». Et j’ai complètement flashé. 

Et puis surtout, j’ai mis des années à mieux comprendre qui était Osono, tellement il a fait de choses différentes entre les années 60 et encore aujourd’hui. C’est sans fin, j’ai l’impression qu’il est sur tous les meilleurs disques japonais, même quand il n’est pas là, il est là en fait. Tu retournes le disque et tu vois qu’il est là quelque part, donc c’est vraiment hyper impressionnant et hyper inspirant surtout. Je pense que Gaëtan aussi a dû déteindre un peu sur moi en allant là-bas. Moi-même, je suis tombé amoureux de ce pays.

Tu y es déjà allé ? 

J’y suis allé pour voir Gaëtan. Et puis cinq ans plus tard, j’y suis retourné aussi pour aller voir mon petit frère qui hébergeait Gaëtan à ce moment-là. Donc j’ai retrouvé encore Gaëtan. Oui, ça s’est fait très naturellement, cette espèce de passion pour le Japon. Alors évidemment, je sais que rien n’est parfait, je ne dis pas que c’est un pays parfait. Aucun pays ne l’est, mais ça a des atouts et une douceur dans certains compartiments du quotidien qui sont très étonnants pour quelqu’un d’européen comme moi.

On va parler de ton titre « Salut ». C’est une chanson où tu te parles dans le miroir. Tu penses à quoi, ou tu vois quoi, quand tu te regardes dans le miroir ?

Que j’ai une sale gueule ou une bonne gueule, que je sois fatigué ou en forme, bronzé, blanc, j’ai l’impression de toujours me retrouver quand même. C’est peut-être parce qu’on me l’a beaucoup dit, mais je me sens assez ancré. Donc je vois toujours « moi ». Je n’ai jamais vraiment de doute. Je me connais assez bien, je crois. Donc, du coup, quand je me regarde, je me dis : « Ah ok, là t’es comme ça ». Enfin, ce que je vois de mon visage est assez lié à ce que je ressens à l’intérieur de moi. 

C’est ce genre de sentiment qui t’a amené à faire cette chanson ? 

C’est surtout une période où, pour le coup, je me reconnaissais moins et j’avais vraiment besoin de me retrouver, même si c’est un peu cliché. Donc d’affronter le miroir. Je pense que je fuyais même carrément le miroir pendant cette période et que je m’étais perdu. Puis il y a une sorte de double jeu dans cette chanson où je m’adresse à moi même. Mais tout ce que je me dis c’est quelque chose qu’une autre personne, une fille avec qui j’ai été, peut totalement prendre pour elle. 

Tu as une sorte de double jeu, double discours. Un message un peu glissé dans la chanson, bien que tout ce que je dis dans mon miroir je me le dis aussi à moi même, mais je sais qu’il y a une personne qui se reconnaît dedans. Je dis quand même «  tu  » dans la chanson, donc forcément, c’est moi, mais c’est aussi quelqu’un d’autre. Cette personne est super, elle a participé aussi au disque. C’est Isabella Green Catani avec qui j’ai été pendant des années et qui a chanté du coup sur l’album avec Michelle, et c’était super, c’était vraiment super. 

Il y a un autre thème qui m’intrigue. On le retrouve sur la pochette avec cette forme de planète et l’espace autour, c’est la chanson « OVNI je t’aime ». Je voulais savoir s’il y avait une sorte d’admiration ou d’interrogation pour l’espace et l’au-delà, ou est-ce que les extraterrestres, au final c’est nous ? 

Ah oui, il y a fascination, clairement. Quand on me met sur une plage ou dehors, ou n’importe où de nuit, je suis ce gars qui regarde là-haut et qui fait « quand même ! ». Qui est complètement ébahi, complètement en train de poser des milliards de questions sans avoir la réponse. Je ne suis pas du tout non plus comme certains potes que je peux avoir, qui sont ingénieurs ou qui font des recherches sur les trous noirs, des thèses, des choses comme ça, et qui ont beaucoup plus de réponses concrètes. 

J’adorerais en avoir des réponses plus concrètes et, en même temps, quand bien même en discutant avec ces personnes-là on me donne des réponses, à chaque fois ça mène juste à plus de questions. Donc oui, je me sens complètement fasciné. On est complètement minuscule et ça m’émeut. Ça m’émeut parfois même aux larmes de juste voir la lune, de juste voir des étoiles, de me poser des questions et de me dire : « quand même tous ces problèmes que je crois avoir, c’est quand même peanuts ». C’est rien. On n’est pas grand-chose. 

Par contre, je me suis jamais dit « c’est peut-être nous les extraterrestres », donc effectivement, j’ai toujours plutôt cru que si nous on était là il n’y avait pas de raison qu’il n’y ait personne d’autre ailleurs, donc je crois plutôt en la vie ailleurs. Je trouve ça tellement incroyable qu’on soit là que je me dis pourquoi ce serait qu’ici, mais je me suis jamais vu effectivement comme l’extraterrestre, je me suis toujours vu comme l’humain.

Je vais revenir sur la pochette aussi, on y voit des éléments assez intrigants, on voit une petite tête de chien, un saxophone, une raquette de ping-pong et un bébé avec un bonnet ? Qu’est-ce que ça représente, ces symboles ? 

Franchement, ça ne va pas tellement plus loin que ce qu’on y voit. Mais effectivement, le bébé avec le bob, c’est moi. Je trouvais ça drôle parce que c’est quasiment le même bob que celui que je porte aujourd’hui. C’est assez en lien avec ce qu’on peut entendre dans l’album. L’enfance, les animaux, c’est omniprésent, j’ai l’impression, dans les chansons. Et puis le côté jeu, c’est aussi là.

C’est vraiment quelque chose qui est dans mon quotidien. J’ai mis la raquette de ping-pong comme étant un symbole parce qu’on joue au ping-pong avec les copains en buvant des bières. Mais ça aurait pu être une raquette de tennis, ça aurait été encore plus cohérent parce que j’adore vraiment le tennis pour le coup. Et puis le saxophone, parce que j’ai l’impression que c’est quand même les cuivres qui apportent le côté cinématographique, il est appuyé par les arrangements de cuivre et de vent. 

Donc c’était une manière de faire une sorte de rosace autour du visage qui évoque un peu tout ce qu’on peut trouver dans l’album et qui apporte un peu de mystère aussi. Ça reste une raquette de ping-pong qui flotte dans l’espace. Moi, je vois ça sur une pochette, ça me fait marrer. Et je me dis « tiens, pourquoi pas ? » Et donc, ça me donne envie d’écouter la musique. 

Pourquoi tu ne l’as pas fait toi-même si tu dessines, justement ?

Bonne question. Franchement, bonne question. Ça me laisse perplexe moi-même. Je ne sais pas trop. Comme si j’avais peur de me décevoir moi-même. Je pense que je voulais remettre le truc sur quelqu’un d’autre. Et puis aussi pour partager, pour avoir la vision d’une autre personne. Ça m’intéresse. Mais effectivement, peut-être qu’à l’avenir, je les ferai plus moi-même. Non pas que j’ai pas aimé l’expérience avec Xavier, c’était super. Mais je sens quand même que j’ai quelque chose à apporter ou à dire visuellement. C’est juste que ça me fait tellement peur de me planter. 

Pourquoi pas commencer avec du merch, par exemple ?

Oui, effectivement, des t-shirts ou un petit dessin. Mais je n’ai jamais vraiment partagé mes dessins sur Internet, sur Instagram ou quoi. Je n’ai jamais trop osé. Mais oui, je pense que ça rejoint peut-être la frustration et la raison pour laquelle j’ai quitté aussi les beaux-arts, qui était, mine de rien, que j’avais beau dessiner ou parfois faire des peintures ou des dessins sur des bouts de bois ou tout ce qu’on veut, j’avais quand même toujours une petite voix dans ma tête qui me disait « t’apportes rien là, c’est bien, c’est joli », mais je n’ai pas l’impression d’apporter vraiment quelque chose.

Là où, dans la musique, j’avais toujours l’impression de ne pas être plus utile, mais d’avoir vraiment quelque chose à dire et de mettre, je n’appellerais peut-être pas ça une pierre, mais mon petit galet ou mon petit grain de café dans la montagne comme ça, qui représente la musique en France. Mais alors que dans le dessin il y a cette frustration quand même, il y a ce truc de « ok, c’est chouette », mais je ne suis pas convaincu. 

Il y a cette chanson « L’ignorance est une capacité », que je trouve très intrigante et qui est très vraie. Je voulais savoir, vu que tu parles de contradiction, quelle est la chose la plus contradictoire que tu connaisses et en quoi véritablement l’ignorance est une capacité ? 

La chose la plus contradictoire que je connaisse, je pense que j’en parle même dans ma chanson « Contradictoire comme », qui est juste après « L’ignorance est une capacité ». Les deux vont vraiment ensemble ça aurait pu même être un medley sur la même chanson. Je pense qu’une des contradictions qui me pèse le plus c’est quand même le rapport qu’ont les humains aux dieux, quels qu’ils soient, sachant que j’ai l’impression que tous les dieux prônent la paix et l’amour.

Et de voir ce que les humains parallèlement sont capables de faire au nom de ce même dieu ou de ces mêmes dieux, c’est tellement pour moi une contradiction qui fait tellement mal et qui vient piquer à l’endroit le plus douloureux dans les sens humains. Et je sais que ça fait depuis la nuit des temps que ça dure mais c’est un truc que j’ai jamais réussi à vraiment intégrer et accepter, je suis toujours un peu naïf face à ça.

Je pense que c’est une qualité aussi de pas être au courant de tout ou de pas être forcément au fait de tout et de se protéger. Alors je sais qu’il y a plein de manières de contredire ce que je dis, que c’est évidemment un monde passionnant et qu’on peut pas être ignorant de tout. C’est fuir la vérité et que c’est pas une vie forcément bien remplie que d’être totalement ignorant mais quand même. Il y a un truc où je me dis parfois que les questions qui n’ont pas de réponses sont quand même les plus intéressantes et aussi celles qui ouvrent d’autres questions et qui font qu’on est toujours curieux. Alors que si on croit avoir les réponses à tout, c’est un peu vite le mot « fin ».

Et puis la chanson « L’ignorance est une capacité », je pense que c’est une des plus importantes pour moi dans le disque, parce que c’est peut-être la plus représentative du rôle qu’a la musique pour moi. Et en français notamment, qui est surtout quand même de poser des questions et de faire que les gens en écoutant vont soit se poser aussi eux-mêmes la question, soit répondre à la question dans leur tête, mais en tout cas il va y avoir une interaction pendant l’écoute et ça va potentiellement amener à la réécouter. 

C’est ce que j’aime quand j’écoute des chansons, j’aime beaucoup ça, j’aime beaucoup écouter Bachung parce que quand j’écoute Bachung, j’ai envie de lui répondre et en même temps j’ai envie de lui poser, à lui, des questions pour lui demander qu’est ce qu’il entend par là, même si c’est pas lui qui a tout écrit. Donc je l’aime bien celle là c’est une des rares où je sais que j’aime bien cette chanson, qu’elle est importante et que je la jouerai longtemps je pense.

J’avais une dernière question, je voulais savoir si tu pouvais me parler de ton meilleur souvenir ou ton meilleur souvenir d’une scène de vie que tu as aimé regarder

Oui, j’ai l’impression qu’il y en a toutes les semaines quand même. J’essaye en tout cas. Mais ça va paraître un peu bizarre. C’est un peu bizarre en vrai (rires) mais en fait j’ai aimé regarder cette scène. Je suis le voisin de Françoise Fabian. Elle ne le sait pas mais je vis en face de chez elle et l’autre soir, elle était en robe de chambre et elle regardait un film debout, avec le volume super fort et la fenêtre ouverte.

Et donc je voyais le film, je voyais Françoise Fabian en robe de chambre avec la télécommande en train de regarder le film. Je ne sais pas, peut-être qu’elle se préparait à un rôle ou peut-être qu’elle était en train de bosser, je ne sais pas ce qu’elle faisait. Mais c’est vrai que je n’ai pas pu m’empêcher de me rouler ma petite clope et de fumer ma clope comme ça et de la regarder qui regardait son film, la fenêtre ouverte alors qu’on pétait de froid. Je ne sais pas ce qu’elle foutait mais c’était une scène un peu cocasse. C’était assez marrant. Un peu ovni. Donc ça, c’était une bonne scène de vie. 

Et puis sinon, j’aime bien regarder les vieux qui se donnent la main. De manière générale, dès que je peux en choper, je reste bien derrière eux et je profite de cette scène. J’aime bien ça, effectivement. J’aime bien en tout cas essayer d’en trouver tous les jours, quelque part.

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