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PREMIERS PLANS 2025 – « Under the Volcano » : Quand la guerre fait irruption

Under the Volcano
© Salaud Morisset

LONGS MÉTRAGES EUROPÉENS – COMPÉTITION. Une famille ukrainienne en vacances à Tenerife se retrouve soudain réfugiée, alors que la guerre éclate entre l’Ukraine et la Russie. Under the Volcano chronique les quelques jours après le début de l’invasion, où la famille est forcée de prolonger son séjour sur l’île espagnole.

Nastya, Roman, Fedir et Sofiia sont en vacances à Tenerife, la plus grande des îles Canaries, qui compte en son sein un énorme volcan. Under the Volcano se situe d’abord dans les activités et gestes typiques d’une famille en vacances. On les voit débattre sur la place à choisir pour se garer, passer l’après-midi à la plage, ou manger en terrasse. Dans cette famille fraîchement recomposée, quelques tensions sous-jacentes sont à l’œuvre. C’est notamment le cas entre Sofiia, la fille de Roman, et Nastya, sa nouvelle femme. L’invasion russe de 2022 dérègle pourtant leur programme, et les empêche de retourner à Kiev.

Vacances interminables

Under the Volcano dialogue avec Sans filtre de Ruben Östlund, qui partage en commun le naufrage d’une classe privilégiée, et un changement soudain et radical de rapport au monde. Si Östlund préfère la cruauté, le nihilisme et le ton satirique, Damian Kocur, lui, épouse une tonalité plus émotionnelle pour traiter l’irruption de la guerre dans le quotidien d’une famille dont l’on devine qu’elle bénéficie, d’habitude, d’un style de vie plutôt confortable.

Il le fait en épousant notamment le point de vue de Sofiia, qui promène son malaise adolescent et sa mélancolie. Téléphone toujours à la main, Sofiia figure l’impuissance face à la guerre et à ses rapports de pouvoir, qui lui échappent. La mise en scène de sa passivité évoque toute cette nouvelle génération confrontée à la guerre dans une époque hyper-connectée, mais de moins en moins intelligible. Elle amène cette question  : que peut-on faire en ces temps troublés, mis à part regarder l’écran de son téléphone  ?

De temps en temps, elle le retourne pour filmer certaines personnes qui croisent son chemin, comme les locaux espagnols, ou bien cette jeune fille russe qui se baigne dans la piscine de l’hôtel. Que cherche-t-elle à travers la captation de ces corps qui semblent plus libérés que le sien  ? C’est une question qui reste en suspens. Ce voyage, qui rebat les cartes géopolitiques de l’Europe, redéfinit aussi pour Sofiia son lien avec les autres, entre curiosité et défiance.

Sur-place

L’idée formelle du volcan, qui donne son titre à Under the Volcano, est intéressante, mais un peu sous exploitée. L’image d’une éruption se cristallise surtout chez Sofiia, dont le bouillonnement intérieur sous-tend la narration du film. Une randonnée sur ledit volcan se solde sur un lot de disputes familiales, car la famille n’arrive plus à retrouver son chemin. On comprend ce qui est insupportable : continuer à faire comme si l’on était encore en vacances. Pourtant, plus la culpabilité et la confusion gagnent la famille, plus le film s’essouffle. Le récit s’étiole, et rejoue les mêmes angoisses intra-familiales. Reste cette belle scène de discussion, tard dans la nuit, entre Sofiia et Roman.

Le film chronique aussi une amitié naissante ente Sofiia et Mike, un jeune immigré africain – dont on ne sait rien du pays d’origine – avec lequel elle commence à échanger. C’est un rapprochement entre deux personnes dont les conditions d’existence semblent désormais coïncider. Pourtant, ce rapprochement semble un peu superficiel. On y perçoit plutôt l’horizon théorique d’un metteur en scène très – trop ? – conscient des enjeux politiques de sa représentation.

Pouvoir du hors-champ

Le film dialogue avec un autre film présenté au Festival Premiers Plans dans la compétition Diagonales : Interceptés. Ce documentaire de Oksana Karpovych montre de nombreuses images de l’Ukraine en guerre, tournées entre 2022 et 2023. Une série de plans fixes, où l’on ne peut que constater les dégâts causés par l’invasion russe. Ces images sont accompagnées d’une bande sonore tout aussi effroyable : des appels interceptés, passés de la part de soldats russes à leurs proches, racontant la guerre et les tortures qu’ils infligent sur le sol ukrainien. Interceptés fonctionne comme le hors-champ de Under the volcano, où la guerre reste une réalité abstraite pour les personnages.

Cette double programmation autour de l’invasion russe en Ukraine permet d’interroger le rôle du cinéma en contexte de guerre. Comment documente-t-on une guerre en train de se produire  ? Quelles images laisser de ce moment ?

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