La rédaction littérature vous propose un rendez-vous trimestriel, à l’adresse des petits et des plus grands, pour parcourir la riche actualité éditoriale des albums jeunesse.
Vivant – Stéphane Servant & Isabelle Simler
Comment dire la vie qui nous traverse ? Stéphane Servant pose des mots justes pour décrire le flux, éphémère et fragile, qui habite l’humain depuis sa naissance. Au cours de l’histoire, un jeune humain s’appréhende depuis la pluralité des animaux et des végétaux qu’il croise. Animal comme un autre, il possède des caractéristiques en partage avec l’ensemble du vivant : une puissance métamorphique de papillon, être un peu paresseux ou avoir une volière d’idées en tête. Avec son trait de crayon comparable à nul autre, Isabelle Simler poursuit ces phrases de ses images dynamiques et tactiles. Son crayon laisse toujours la forme ouverte et le paysage en mouvement. Vivant est un monde qui frissonne dans un pelage crayonné multicolore.
Vivant, Stéphane Servant et Isabelle Simler, éditions Courtes et Longues, 48p., 22euros.
La Couverture – Marie Dorléans
Tomi a la frousse. Il est terrifié par une ribambelle de choses. Comment appréhender cette émotion qui le submerge ? Emmitouflé dans sa grosse couverture tricotée de laine rouge, il découvre qu’il peut se faire une carapace moelleuse. Peu à peu, il s’aventure vers de nouvelles choses dans cet habit un tantinet encombrant. La Couverture de Marie Dorléans est un livre sur la représentation de la peur. L’autrice donne à voir cette armure – une protection face au monde – comme une étape pour aborder le monde plus sereinement.
La Couverture de Marie Dorléans, Seuil jeunesse, 14,90euros.
Le musée mal rangé – Houyem Rebai & Amina Bouajila
Enfant scrupuleux, Adnan aime que les choses soient en ordre. Lors d’une sortie scolaire, il constate que seul un tableau ne représente pas un homme blanc. Fissa, il le décroche du mur. Panique au musée ! Finalement, c’est l’occasion de réfléchir au sexisme et au racisme systémique. Suite à cet évènement, la maîtresse propose même aux élèves d’inventer leur propre musée à l’école. On y retrouve bell hooks, Louise Michel, Franz Fanon et d’autres ! Le musée mal rangé, pensé par Houyem Rebai et illustré par les dessins cartoonesques d’Aminata Bouajila, questionne l’invisibilisation de personnalités appartenant à certaines communautés dans les institutions publiques censées célébrer la mémoire collective.
Le musée mal rangé d’Houyem Rebai et Amina Bouajila, Shed publishing, 15euros.
Iddù – Camille Bouvot-Duval & Léa Djeziri
Dodù vit au pied de l’immense volcan Iddù, entouré.e de quatre femmes qui l’éduquent de façon libre. Elles sont agricultrice, cuistot, voyante et tatoueuse. Sur cette île, une révolte éclate. Les habitants ne parviennent plus à dormir. Ne s’expliquant pas la cause de leur inquiétude, ils imputent la faute à la lueur persistance du cratère dans la nuit. Fable écoféministe, Iddù met en scène des humains obligés de prêter oreille aux forces de la nature pour pouvoir survivre et mieux vivre ensemble. Les mots de Camille Bouvot-Duval rencontrent les dessins à l’acrylique et aux encres aquarelles de Léa Djeziri. Le premier album jeunesse des éditions de La Déferlente est une belle réussite !
Iddù, Camille Bouvot-Duval & Léa Djeziri, éditions La Déferlente, 19,90euros.
Elsa, fantôme des villes – Carl Johanson
Elsa est la fille d’une famille de fantôme qui ne va jamais sans son bandana. Alors qu’ils déménagent en ville, puisqu’ils ne font plus peur à personne à la campagne, Elsa perd de vue son petit frère. À l’aide d’une loupe en gélatine rouge, nous lui prêtons main forte pour partir à sa recherche. On découvre alors, un arrière monde, où ossements, créatures et formes surgissent. Carl Johanson signe un album magique sur l’invisible, la hantise et les effets d’apparition-disparition. Ce livre-jeu prend la peine d’aborder, sans niaiserie, ce que nous ne voyons pas mais qui existe.
Elsa, fantôme des villes de Carl Johanson, éditions Albin Michel, 32p., 19euros.
L’ourse et l’enfant – Cristiana Pezzetta & Sylvie Bello
Dans la Rome antique, certaines petites filles recevaient en plus de l’apprentissage des tâches domestiques, une éducation aux choses de la vie et de la nature. Elles étaient instruites au sein du sanctuaire de la déesse Artémis, déesse des bois, sur les saisons, les humeurs. À la fin de cet enseignement, elles ôtaient leur peau d’ours comme symbole du passage vers un autre état du monde. L’ourse et l’enfant, inspirée de cette histoire, est définitivement le coup de cœur de ce trimestre. Les images de Sylvie Bello sont époustouflantes. Réalisés à l’aide d’une infinité de traits, au feutre, les dessins mettent en scène la rencontre entre cette fille et cette oursonne. Elles jouent, se cajolent, partagent, deviennent amies en silence.
L’ourse et l’enfant de Cristiana Pezzetta et Sylvie Bello, éditions La Partie, 22,90euros.
Le mini chien – Mona Granjon
Un enfant recueille un tout petit petit petit chien à la langue bien pendue. Il est si minuscule qu’il ne peut se balader seul. Alors, l’enfant le hisse dans la poche de sa chemise bien décidé à s’occuper de lui pour lui éviter les potentiels dangers. Le mini chien est l’équation entre le monde des lilliputiens et l’histoire de Chien bleu. Dans des tons très colorés, Mona Granjon représente cet ami fidèle à l’allure drolatique qui laisse des messages mystérieux. L’autrice dit ainsi quelque chose du lien qui peut naître dans le soin pris à s’occuper d’un autre que soi.
Le mini chien de Mona Granjon, Les fourmis rouges éditions, 17euros.
Il y a aussi une T.rex – Julie Douine & Noémie Favart
Dans un quotidien somme toute banal, un père raconte des histoires à sa fille faisant ainsi surgir du merveilleux. Sagement, Edith l’écoute jusqu’à ce qu’elle commence à assumer elle aussi le rôle de conteuse. Elle dit : un jour, il y aura ici un arbre immense. Qu’à cela ne tienne, ils s’en vont, avec son père, planter une graine de cèdre. Nous retrouvons Edith des années plus tard. L’arbre est devenue grand et Edith est maire de la ville où grouille une végétation luxuriante et des attractions mirobolantes. Il y a aussi une T.rex mais ce n’est pas le sujet est un album où l’imagination et le réel se rencontrent. Non, rêver n’est pas seulement imaginer ce qui est impossible. Rêver peut être le début de la réalisation de ce que l’on désire.
Le monde est à toi – Susie Morgenstern & Hélène Druvert
Et si le monde était un cadeau que l’on reçoit à la naissance ? Chevalière des Arts et des Lettres toujours affublée de lunettes coeurs, Susie Morgenstern signe un texte qui s’adresse à l’enfant-lecteur lui montrant tout ce que le monde contient de merveilleux et à sa portée. Au fil des dessins d’Hélène Druvert, nous découvrons et apprenons à nommer les couleurs, les saveurs, les animaux, les fleurs. Alors que nous sommes rendus actifs dans la découverte de ces choses, le livre se clôt sur une belle invitation. Et si vous saisissiez vous aussi des feutres, des gommettes, pour créer à votre tour un monde ?
Le monde est à toi de Susie Morgenstern et Hélène Druvert, Saltimbanque éditions, 56p., 17,90euros.
Goutte à goutte – Philippe Ug
Livre pop-up, Goutte à goutte fait surgir un monde en trois dimensions. En plusieurs tableaux, nous suivons la vie d’une goutte de pluie depuis sa condensation jusqu’à son ruissellement dans les roches souterraines. Les pages découpées font apparaître une fontaine, des paysages gelés. Un beau livre qui sculpte les formes folles que peut prendre l’eau selon son état.
Goutte à goutte de Philippe Ug, Les Grandes Personnes éditions, 26,50euros.
Si tu épuises tous tes mots – Felicita Sala
Inquiète de voir son père très occupé, une enfant lui adresse une série de questions. S’il venait à manquer de mots, est-ce qu’il l’oublierait ? S’en suit une discussion au cours de laquelle, père et fille, inventent ensemble une histoire d’aventure où le parent doit surmonter les embuches que l’enfant craint et formule. Il invente ainsi potions magiques, êtres fantastiques et plans d’évasion. Si tu épuises tous tes mots est un album à la facture classique qui prend en compte le besoin d’attention mais aussi de réponses aux questions – aussi fantasques soit-elles – que se posent les enfants.
Norbert – Marie Colot & Arianna Simoncini
Norbert est un neurone qui vit dans une tête. Il s’y sent à l’étroit et s’impatiente d’avoir le privilège de pouvoir sortir au dehors, en se matérialisant sur une feuille blanche, par exemple. Ce nouvel album de Marie Colot est un huis clos dans une caboche qui regorge d’idées. Ces idées sont multiples et la main qui leur donne vie ne peut toutes les réaliser en même temps. Ce livre creuse l’idée du passage de l’imagination à la création et du plaisir qu’il y a à faire naître certaines idées, même, embryonnaires.
Norbert de Marie Colot & Arianna Simoncini, Cotcotcot éditions, 16,50euros.