Alors que l’année 2024 touche à sa fin, la rubrique cinéma de Maze revient sur ses plus beaux moments en salles. Tradition historique de la rédaction, le top de fin d’année est l’occasion de revenir sur douze mois passés, douze mois de cinéma, d’histoires, d’émotions.
C’est Anatomie d’une chute (Justine Triet), qui avait été, l’an passé, couronné par une rédaction conquise à la quasi unanimité. De nouveau propulsée tout en haut de notre classement des meilleurs films de l’année, la Palme d’or aura, cette année, connu une concurrence plus marquée. Anora, de Sean Baker, n’a pourtant pas volé sa place. Cette tragi-comédie, emportée par un casting exalté – et exaltant – et une écriture ravissante, aura su mettre la rédaction d’accord.
Car ce sont 12 rédacteur·ice·s de nos rangs qui se sont prêté·e·s au jeu de la composition d’un top 10 cette année. Et c’est l’agrégation de leurs voix et visions si hétérogènes qui forme notre classement général. Témoin de la grande richesse, et de la densité de cette année cinématographique 2024, ce dernier fut incertain jusqu’au dernier moment. Et ce ne sont pas moins de 77 films qui auront été cités par l’ensemble des participant·e·s. Signe que le cinéma, qu’il soit français ou international, sait encore se montrer généreux quand il s’agit d’offrir des récits et des images variés, capables de toucher des publics bien différents.
C’est cette pluralité de visions du monde, qui coexistent au sein des salles obscures, que Maze souhaite continuer à mettre en avant. Et cet article, plus qu’un simple point de passage obligé pour toute rédaction, fait office de profession de foi. Nous continuerons à aller en salle, que ce soit pour regarder une grosse production américaine ou l’un des « films fauchés » soutenus par l’Acid, pour, modestement, contribuer à rendre compte du paysage cinématographique actuel dans toute son hétérogénéité.
Le Top 10 de la rédaction
1. Anora de Sean Baker
2. Les Reines du drame d’Alexis Langlois
3. La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer
4. The Substance de Coralie Fargeat
5. Vingt Dieux de Louise Courvoisier
6. Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof
7. Conclave d’Edward Berger
8. Furiosa : a Mad Max saga de George Miller
9. Civil War d’Alex Garland
10. Miséricorde d’Alain Guiraudie
Le Top 10 des rédacteur·ice·s
Yoann Bourgin
1. Civil War d’Alex Garland
Alex Garland brosse le portrait d’une Amérique en plein délitement, aveuglée par des idéaux irréconciliables. Au milieu de ce chaos permanent, une équipe de photojournalistes tente de se frayer un chemin et se questionne sans cesse sur la technique à adopter. Le caractère intense et inédit de la guerre civile rebat les cartes : les reporters redeviennent novices, peu importe leur âge et expérience. Un road-movie osé, qui n’hésite pas à montrer quitte à choquer, emmené par une Kirsten Dunst imperturbable.
2. Vivre, mourir, renaître de Gaël Morel
3. Santosh de Sandhya Suri
4. L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine
5. Chroniques de Téhéran d’Ali Asgari et Alireza Khatami
6. L’affaire Abel Trem de Gábor Reisz
7. Notre monde de Luàna Bajrami
8. La Jeune fille et les Paysans de DK Welchman et Hugh Welchman
9. Golo & Ritchie de Martin Fougerol et Ahmed Hamidi
10. Challengers de Luca Guadagnino
Anaïs Calon
1. Les Reines du drame d’Alexis Langlois
Tout aussi punk que pop, le premier long métrage d’Alexis Langlois est déjà un film culte. Bourré de répliques jubilatoires pour un public queer averti (« Sans les Spice girls, je n’aurais jamais lu Monique Wittig ! »), Les Reines du drame est un véritable « film à soi » pour celles et ceux dont l’existence s’inscrit en marge de la norme cishétérosexuelle. Cette histoire d’amour contrariée entre deux chanteuses – Billie Kolher et Mimi Madamour -, et aussi passionnée et sulfureuse, que tragique, prend forme sous un vernis pailleté, qui ne suffit pour autant pas à adoucir la violence d’un système qui passe à la moulinettes des injonctions cishétéropatriarcales les identités de nos deux héroïnes.
Heureusement, pour conjurer ce mauvais sort, Alexis Langlois a plus d’un tour dans son sac, dont une BO all time, signée par un casting all stars (Pierre Desprats, Mona Soyoc, Yelle, Rebeka Warrior), qui s’articule autour du titre phare « Fistée jusqu’au cœur »… et un casting qui n’a pas peur de donner, justement, cœur, corps et âme à ce si beau projet.
Alors, « longue vie aux butchs du monde entier » comme le chante Billie Kolher (Gio Ventura), et bravo à toutes les lesbiennes, ainsi qu’à leurs adeplphes !
2. Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof
3. Anora de Sean Baker
4. À son image de Thierry de Peretti
5. L’histoire de Souleymane de Boris Lojkine
6. Coconut Head Generation d’Alain Kassanda
7. Vingt Dieux de Louise Courvoisier
8. Fotogenico de Marcia Romano et Benoit Sabatier
9. Cent mille milliards de Virgile Vernier
10. État limite de Nicolas Peduzzi
Justine Carbon
1. Marcello Mio de Christophe Honoré
Marcello Mio de Christophe Honoré marque le retour du duo en-chanté Honoré-Mastroianni. Le film suit une Chiara désireuse de s’éloigner des figures imposantes de ses parents : Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve. Comédienne, l’héroïne de cet anti-biopic se résout, le temps d’un été, à embrasser pleinement l’aliénation en adoptant l’apparence et la voix de son père. Optant à présent pour des costumes trois pièces et des lunettes teintées, cette réincarnation, ou plutôt, réinterprétation de l’illustre acteur italien finit de convaincre la jolie troupe formée par Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Nicole Garcia, Benjamin Biolay et Melvil Poupaud, de l’appeler « Marcello ». Après son Lycéen (2022), qui marquait l’acmé d’une œuvre très personnelle, Christophe Honoré nous convie aux règlements de comptes d’une autre famille, et livre un film finalement très proche de ses récits plus autobiographiques. À l’image du Lycéen ou des Bien-Aimés (2011), Marcello Mio démontre une nouvelle fois que le romanesque tire souvent son meilleur parti des non-dits familiaux et amoureux.
2. Wicked de Jon M. Chu
3. Les Reines du Drame d’Alexis Langlois
4. The Substance de Coralie Fargeat
5. Rue du Conservatoire de Valérie Donzelli
6. Une famille de Christine Angot
7. Borgo de Stéphane Demoustier
8. Blink Twice de Zoë Kravitz
9. Vermines de Sébastien Vaniček
10. Border Line d’Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vasquez
Aude Cuilhé
1. The Outrun de Nora Fingscheidt
Entre les bars londoniens, qui la voient écumer démesurément la fin de sa vingtaine, et les falaises écossaises de son enfance, du haut desquelles elle expulse sa solitude, Rona (incarnée par l’éclatante Saoirse Ronan), à bout de souffle, suit une quête éperdue d’apaisement. Sous le joug d’une addiction qui la rassure autant qu’elle la dévore, la jeune femme entame un chemin sinueux vers une porte de sortie qu’elle espère libératrice et sensée. Réunissant toute sa volonté et sa créativité, elle tente d’avancer, chaque minute de plus étant déjà une victoire. Si la thématique est bien connue du cinéma, la réalisatrice allemande Nora Fingscheidt la dépoussière, la nuance et la sublime. Habilement construit en trois temporalités, le récit accompagne Nora et son entourage dans les forces et les failles qui constituent la réalité d’une existence. Sans faux-semblants ni jugement, la cinéaste propose un regard profondément lucide sur les conséquences dévastatrices d’un mal vécu seule, et sur la délicatesse de la rémission. Offrant une photographie admirablement soignée — paysages, textures, palette de couleurs — et une bande originale envoûtante et calibrée au scénario, ce « dépassement » détonne, bouscule, interroge. Une magistrale envolée lyrique, un petit enchantement cinématographique.
2. Comme le feu de Philippe Lesage
3. La Jeune fille et les paysans de DK Welchmann et Hugh Welchmann
4. La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer
5. La Salle des profs d’İlker Çatak
6. Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof
7. Stella de Kilian Riedhof
8. Conclave d’Edward Berger
9. Pauvres Créatures de Yórgos Lánthimos
10. Vingt Dieux de Louise Courvoisier
Enzo Hanart
1. Anora de Sean Baker
Cette palme d’or a déjà fait couler beaucoup d’encre, mais il faut rappeler qu’Anora est surtout une grande comédie. La vitalité de ces jeunes gens, Ani et Ivan, est le moteur effréné d’une mise en scène arrimée aux corps, à leurs joies et leurs maladresses, souvent deux revers d’une même pièce. Par son humour et son énergie, l’héroïne du dernier Sean Baker pourrait-être la grande sœur de Moonee, la fillette de The Florida Project (2017). Elle devient alors un nouveau personnage fascinant dans cette filmographie profondément attachée aux prolétaires qui n’ont rien d’autre à vendre que leur force de travail, et qui ont la féroce insolence de ne pas se laisser accabler pour autant.
2. La Zone d’Intérêt de Jonathan Glazer
3. Le Mal n’existe pas de Ryusuke Hamaguchi
4. Here, les plus belles années d’une vie de Robert Zemeckis
5. The Substance de Coralie Fargeat
6. Flow de Gints Zilbalodis
7. La Bête de Bertrand Bonello
8. May December de Todd Haynes
9. Borgo de Stéphane Demoustier
10. The Bikeriders de Jeff Nichols
Sophie Jacquier
1. Dune, deuxième partie de Denis Villeneuve
Ce deuxième opus coche toutes les cases. Villeneuve a su développer l’univers dense et complexe de Frank Herbert en tissant une intrigue parfaitement adaptée au grand écran. La photographie de Greig Fraser nous offre des plans somptueux, futuristes et finement réfléchis. Timothée Chalamet est au sommet de son art, bien moins timide que dans le premier film, et s’impose ici dans son rôle de grand Messie. Dune, deuxième partie est une expérience sensorielle extraordinaire, un véritable joyau de cinéphilie.
2. Challengers de Luca Guadagnino
3. All of Us Strangers d’Andrew Haigh
4. Priscilla de Sofia Coppola
5. Anora de Sean Baker
6. The Sweet East de Sean Price Williams
7. Civil War d’Alex Garland
8. The Substance de Coralie Fargeat
9. The Outrun de Nora Fingscheidt
10. Flow de Gints Zilbalodis
Garance Nicpoń
1. Vingt Dieux de Louise Courvoisier
A la tête de ce top 2024, un premier film drôle, touchant, pour raconter la jeunesse dans les campagnes françaises. Sous couvert de compétition de Comté et de magnifiques paysages jurassiens, Louise Courvoisier propose un récit bouleversant sur le passage à l’âge adulte. Trop jeunes pour être considérés, mais déjà écrasés par le poids de responsabilités injustement imposées, les personnages de la réalisatrice franc-comtoise touchent le vrai. Et pour cause : tous sont des acteurs non-professionnels, se destinant pour la plupart à une carrière dans l’agriculture… comme leurs personnages dans Vingt Dieux. Avec une équipe familiale derrière la caméra et une tendresse infinie pour son sujet, Louise Courvoisier réussit le tour de force d’un premier film exceptionnel, dont le passage sur la Croisette en mai dernier ne sera pas oublié de si tôt. Vingt Dieux est encore en salles début 2025, longue vie à ce petit bijou, incarnant à lui seul toute la magie du cinéma français.
2. Anora de Sean Baker
3. Conclave d’Edward Berger
4. The Substance de Coralie Fargeat
5. La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius
6. Dune, deuxième partie de Denis Villeneuve
7. Ni chaînes ni maîtres de Simon Moutaïrou
9. Good Grief de Dan Levy
10. 20 Jours à Marioupol de Mstyslav Chernov
Tess Noonan
1. Miséricorde d’Alain Guiraudie
Fidèle à son fief d’Occitanie, Alain Guiraudie réinvente dans Misécorde le thriller érotique. Le cinéaste tisse un film subtil, drôle et ambigu à partir des pulsions des uns et des autres dans un petit village de l’Averyon. Ici le sexe ne se matérialise jamais vraiment, mais c’est résolument un film sur le désir, et sa part la plus trouble qui est à l’œuvre. Un film à la tonalité étonnante, qui confirme le statut unique qu’a la filmographie de Guiraudie au sein du cinéma français.
2. No Other Land de Rachel Szor, Hamdan Ballal, Yuval Abraham et Basel Andra
3. Les Reines du drame d’Alexis Langlois
4. A Different Man de Aaron Schimberg
5. Good One d’India Donaldson
6. All We Imagine as light de Payal Kapadia
7. La Bête de Bertrand Bonello
8. C’est pas moi de Leos Carax
9. The Substance de Coralie Fargeat
10. May December de Todd Haynes
Pierre-Emmanuel Pigot
1. Furiosa de George Miller
Furiosa est une réussite de bout en bout. Un nouveau chapitre d’un univers qui s’étend sous les yeux des spectateur·rice·s en prenant la forme d’un mythe. Visuellement aussi fabuleux que Fury Road – malgré quelques fonds verts douteux -, George Miller propose un film post-apocalyptique riche en couleur et toujours aussi fou ! Son faible score au box-office sera surement un frein au développement d’une franchise qui devrait servir d’exemple à toutes les autres, une catastrophe pour le cinéma américain.
2. Conclave d’Edward Berger
3. Riverboom de Claude Baechtold
4. Au cœur des volcans de Werner Herzog
5. Vampire humaniste cherche suicidaire consentant d’Ariane Louis-Seize
6. La Laguna del Soldado de Pablo Alvarez-Mesa
7. Juré n°2 de Clint Eastwood
8. La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer
9. L’Évangile de la révolution de François-Xavier Drouet
10. Monkey Man de Dev Patel
Clément Simon
1. Furiosa : Une saga Mad Max de George Miller
En déployant son récit sur une temporalité plus éclatée, George Miller prolonge le geste amorcé par Fury Road. Cueillir le fruit défendu, être écrasé, se relever pour mieux panser les plaies. L’apocalypse la plus joyeuse de cette année.
2. Anora de Sean Baker
3. Miséricorde d’Alain Guiraudie
4. À son image de Thierry de Peretti
5. La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer
6. Le mal n’existe pas de Ryūsuke Hamaguchi
7. Juré n°2 de Clint Eastwood
8. Memory de Michel Franco
9. Le Roman de Jim d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu
10. Trap de M. Night Shyamalan
Thomas Soulet
1. Pauvre Créatures de Yórgos Lánthimos
Dès le début d’année, Yorgos Lanthimos nous présente un film qui détonne, qui a fait parler de lui et qui, surtout, est d’une originalité folle. Porté par une Emma Stone grandiose (couronnée de l’Oscar de la meilleure actrice), Pauvres Créatures nous emmène dans cette fable fantasque et engagée inspirée par l’histoire de Frankenstein. Ici, on se libère, on expérimente, et surtout nous grandissons et apprenons. Une prise de risque réussi et féministe aux décors éblouissants et loufoques. Une sorte de cartoon Tex Avery sulfureux interprété par de vrais acteurs aux influences felliniennes.
2. Iron Claw de Sean Durkin
3. Fiction à l’américaine de Cord Jefferson
4. Emilia Pérez de Jacques Audiard
5. Love Lies Bleeding de Rose Glass
6. La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer
7. Civil War d’Alex Garland
8. Les Chambres Rouges de Pascal Plante
9. May December de Todd Haynes
10. Vampire Humaniste cherche suicidaire consentant d’Ariane Louis-Seize
Julie Tronchon
1. Crossing Istanbul de Levan Akin
Le réalisateur suédois nous emporte dans la quête incertaine d’un duo un peu perdu, s’aventurant dans la ville refuge d’Istanbul. On y croise des destins individuels d’êtres que tout semble opposer, mais dont les expériences révèlent des situations universelles : le besoin d’amour face au sentiment de solitude, la recherche d’apaisement face au rejet des autres, les douloureux regrets du passé et ceux liés à des futurs hypothétiques. Le film n’occulte ni l’oppression socio-économique ni la violence transphobe, comme autant d’obstacles à l’épanouissement des personnages. Mais il bouleverse par sa capacité à communiquer envers tout une forme d’espoir et de lumière. Crossing Istanbul s’impose comme un film d’une tendresse contagieuse, qui célèbre la beauté et la force des liens choisis.
2. Vingt Dieux de Louise Courvoisier
3. Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof
4. Bye bye Tibériade de Lina Soualem
5. Les Reines du drame d’Alexis Langlois
6. Fotogenico de Marcia Romano et Benoît Sabatier
7. L’histoire de Souleymane de Boris Lojkine
8. Dahomey de Mati Diop
9. Animale d’Emma Benestan
10. Blue summer (a song sung blue) de Geng Zihan