LITTÉRATURE

« Billy le menteur » – Génie ou fumiste ?

© Benjamin Vesco

Mythomane invétéré, Billy le menteur est le héros de l’histoire culte du britannique Keith Waterhouse. Il vient d’être traduit en français et paraît aux éditions du Typhon. 

Nom  : Billy Fisher / Profession  : croque-mort / Lieu d’habitation  : Stradhoughton, Grande-Bretagne. Billy le menteur narre la journée de cet éternel adolescent qui vit encore chez ses parents. Il y crève d’ennui mais, doté d’une vie intérieure dense, il passe son temps à créer des chimères. Keith Waterhouse, romancier et journaliste, fait paraître son premier roman Billy Liar en 1959. Il dresse le portrait d’un être névrosé et menteur qui finit par être démasqué. Adapté au cinéma par John Schlesinger en 1966, il est aujourd’hui traduit en français par Sarah Londin pour les éditions du Typhon. 

« Alors tu t’es décidé à te lever finalement ? », a fait ma mère, glissant rapidement vers la seconde série de conversation du jour. Mon répertoire de réponse allait de « Oui » à « Non, regarde, en fait je suis encore au lit » à plus agressif « À ton avis ? » suivant l’humeur. Aujourd’hui, j’ai choisi « Oui » avant de m’asseoir devant mon œuf à la coque, complètement froid comme prédit.

Billy le menteur – Keith Waterhouse

Faire des vagues

Flemmard olympique et employé des pompes funèbres, Billy est prêt à tout pour agiter la surface morne du quotidien. Alors, il ment à tour de bras. Il ment à ses amis, à ses parents, à ses collègues. Convoitant trois filles en même temps, il leur promet la même alliance. Il fabule, annonçant avoir été embauché par Danny Boon, un comique qu’il idolâtre. Incapable de rester sérieux face à la comédie sociale, il lâche des phrases scandaleusement délicieuses pour faire jaser et prend, absolument tout, à la dérision et avec un flegme inimitable. Pourtant, toutes ses machinations finiront, au cours de cette journée, par être démontées. Un à un, ses proches le mettent face à ses responsabilités.

Je commençais à me sentir dans l’état d’un homme qui aurait été fait de sciure. J’ai tenté de retourner en Ambroisia mais ça ne marchait pas, je n’avais que de la haine pour tout le monde. (…) Tous les gens qui connaissaient mes secrets, mais aucun des secrets n’avait vraiment d’importance, ils étaient comme des plaies sèches perdant leurs pansements. Je me suis mis à avoir des idées claires, effrayantes. 

Billy le menteur – Keith Waterhouse

Le personnage de Billy est le symbole d’une certaine jeunesse. Las et lucide, la réalité lui paraît étouffante et les normes, ô combien, étriquées. Drôle, scandaleux et rêveur, il se crée de toutes pièces un pays imaginaire du nom d’Ambroisia dans lequel il se réfugie pour fuir le réel. Metteur en scène omniscient et mégalomane, il s’invente chef des armées, discute intérieurement avec le philosophe logicien, Bertrand Russell ou cogite sur les erreurs d’orthographe inscrites, pour toujours, sur les plaques mortuaires.

Homme lambda de la classe ouvrière américaine, sa tendance à l’affabulation ne l’empêche pas d’avoir un regard acéré sur la société. Ainsi, il décèle dans chaque personne qu’il croise son caractère cliché et comique. Aussi, il joue de l’aspect hyper prévisible des dialogues où, les répliques ne variant pas d’un iota, deviennent prédictibles comme du papier à musique : « Rita, elle, parle comme si elle trouvait ses mots dans un distributeur automatique, des phrases entières, prêtes à l’emploi, tout emballées dans du papier argenté ».

Keith Waterhouse écrit dans un style naturaliste. Il travaille des phrases bien ficelées qui s’enchaînent dans un rythme qui alterne flux de conscience de son personnage et discussions comiques et absurdes avec ses collègues ou des inconnus. Billy le menteur, un des cent livres préférés de David Bowie, est le roman d’un anti-héros qui lutte coûte que coûte contre le conformisme quitte à frôler l’hérésie.

Billy le menteur de Keith Waterhouse, éditions du Typhon, 248 p., 17euros.

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