Le jeune artiste rennais d’origine brésilienne, anciennement Niteroy, nous présente son premier album Eco da Baìa. Un nouveau projet, sous le nom de Tiago Caetano, qui transpire la musique populaire brésilienne des années 60 et 70. Rencontre.
Si vous aimez la MPB (musique populaire brésilienne) des années 60- 70 portée par des artistes comme Caetano Veloso, Gal Costa, Jorge Ben Jor, Gilberto Gil et d’autres pontes de cette musique délicieuse et solaire, vous allez complètement craquer pour le premier album de Tiago Caetano. Autrefois Niteroy, nom inspiré de la ville de naissance de sa mère (Niterói), Tiago grandira à Rennes où il fera ses armes dans la musique souvent cajolé et inspiré par la musique brésilienne qui l’entoure enfant.
Après quelques Ep réussis sous le nom de Niteroy, Tiago décide d’aller plus loin dans son approche et son amour du Brésil en s’assumant et finissant par choisir d’utiliser comme nom de scène, son propre nom : Tiago Caetano. Un nouveau départ, « un reboot » comme il nous dira plus tard dans notre échange, plus mature et une véritable ode passionnelle pour la culture brésilienne. Eco da Baía est un premier album resplendissant et planant, un véritable voyage au cœur de Rio où nous nous laissons avec joie bercer par les sons solaires et enivrants de ce sublime LP.
Pourquoi as-tu changé de nom de scène et en quoi ce projet est différent de Niteroy ?
J’ai changé de nom de scène en début d’année, c’est une réflexion qui a été assez longue. Niteroy est arrivé extrêmement vite, j’avais sorti un single et très vite j’ai eu un accompagnement avec les Transmusicales de Rennes que j’ai fait dans la foulée. Il n’y avait pas eu de réflexion à la base.
Niteroy, c’était juste un petit pseudo que je m’étais donné avec un pote. Il n’y a pas eu de réflexion, ça part vraiment d’un truc un peu à l’arrache, d’un brouillon en fait. Du coup, le nom, je l’aimais bien car il avait du sens parce que ma mère a grandi à Niterói. Elle a passé beaucoup de temps là-bas. C’est une ville du Brésil, je ne sais pas si tu savais. Et ma grand-mère habite là-bas. Je trouvais ça cool d’avoir ce nom mais en fait j’avais envie de mettre mon nom, tout simplement parce que j’aime bien les artistes qui portent leur nom, leur prénom.
Et ton nom de famille c’est Caetano ?
Mon nom de famille c’est Ribeiro Caetano. Caetano c’est le nom de famille de ma mère. Il n’est pas écrit sur ma carte d’identité d’ailleurs.
Je pensais que c’était un hommage à Caetano Veloso. Mais j’imagine qu’il fait partie de tes influences ?
Oui, oui bien sûr. Je pense que 99 % des artistes de musique populaire brésilienne sont inspirés par Caetano Veloso.
Justement, ton son s’inspire de la MPB des années 60-70. Je voulais savoir d’où ça vient, est-ce que c’est quelque chose qui te passionne ?
Ça vient de mes parents dans un premier temps, parce que depuis que je suis enfant j’en entends. Donc je pense que ça me sensibilise un peu depuis. Je pense à Caetano Veloso évidement mais en vrai tous les artistes de ce mouvement franchement ils sont tous intéressants à leur manière. Gal Costa, Maria Bethânia, Gilberto Gil, Jorge Ben Jor. Après surtout et beaucoup Jorge Ben Jor. J’aime beaucoup parce que je trouve que ses mélodies sont très « catchy ».
Ton premier single « So Quero Viver » sonne très Jorge Ben Jor.
Oui, ça sonne un peu Jorge Ben Jor. J’ai essayé en tout cas de donner un truc un peu solaire à sa manière.
Et pourquoi dans la musique tu as choisi justement cette musique là ? Pourquoi la musique brésilienne populaire ?
Parce que ma mère est brésilienne. Du coup comme je disais, depuis que je suis enfant j’en entends. Vers mes 18 ans j’ai découvert le jazz. Très vite j’ai fait un pont entre le jazz et la musique brésilienne. Je me suis rendu compte de la richesse de ces musiques. J’ai écouté beaucoup de bossa nova et au fur et à mesure je découvrais les artistes.
Par exemple j’ai découvert Jorge Ben Jor et d’autres artistes de cette époque, mais aussi des artistes plus modernes. Je découvre un album et petit à petit je le décortique. Puis je fais des liens, des ponts, c’est hyper intéressant. J’écoute beaucoup de musique traditionnelle brésilienne maintenant. Avant j’écoutais plutôt du choro, de la samba, un peu de pagode aussi.
Tu as évolué dans ce monde là entre 2020 et aujourd’hui ?
Exactement, les premiers pas de Niteroy c’est 2020 à peu près. Je ne suis plus la même personne aujourd’hui, j’ai grandi. Je ne suis plus un jeune adulte, je commence à devenir un adulte de 28 ans.
Est-ce que tu peux me parler des thématique de Eco da Baía ?
À la base j’avais une image en tête. Quand j’étais petit je passais beaucoup de temps à Niterói. Il y a un endroit qui s’appelle Parque da Cidade. C’est le parc de la ville. C’est un point de vue sur les hauteurs de Niterói. Il y a une vue sur Rio. C’est une très belle vue pour voir le coucher de soleil et j’y vais à chaque fois que je vais au Brésil. Il y a toute la baie de Guanabara et Rio en face. Pour cet album là, je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours eu cette image en tête quand je composais.
C’est pour ça que je trouve que c’est le bon moyen de décrire le mood dans lequel j’étais. J’imaginais toutes les musiques brésiliennes que j’entendais depuis petit : samba, MPB… Il y a beaucoup de voix à l’unisson en général. J’imaginais ces voix résonner dans cette baie jusqu’à Rio. Je me projetais carrément pour faire raisonner cette musique jusqu’en Bretagne où j’ai grandi. Je trouvais ça bien comme nom d’album. Eco da Baía, ça veut dire « écho de la baie ».
Il représente quoi ce premier album ? Car avant tu n’avais sorti que des Ep avec Niteroy.
Je ne vais pas être original mais c’est une consécration quand même quand tu sors, quand tu enregistres ton premier album, t’es content quoi. Je suis heureux de cet album. En plus je l’ai fait avec un super ami qui s’appelle Sacha, son nom d’artiste c’est LaBlue. C’est un artiste qui a travaillé avec des artistes français que j’aime beaucoup notamment Astrønne ou Enchantée Julia.
Mon label Yotanka m’a proposé de produire le disque ce qui m’a permis d’avoir un peu plus de budget que d’habitude. J’ai directement demandé à Sacha, avec qui je faisais déjà de la musique et on a décidé de faire le disque ensemble.
Justement tu parles de production et j’étais assez impressionné par la qualité des chansons de l’album. C’est hyper riche, le son est très propre. Je voulais savoir où est-ce que tu l’avais enregistré ? Comment sont venues toutes ces cordes ? Nous avons vraiment l’impression que c’est un album des années 70 de MPB. Comment t’es venu ces idées là ?
D’abord en écoutant beaucoup de MPB pour l’inspiration. A ce moment là j’écoutais beaucoup de musique du Minas Gerais, un état du Brésil. C’est une grosse inspiration pour mon disque et notamment Clube da Esquina. Il y a un album très connu qui s’appelle Clube da Esquina avec un mix un peu vintage qui est très 70’s en fait.
J’avais envie d’avoir un studio assez 70’s du coup. J’ai un peu sondé autour de moi. Et on m’a parlé de Paraphernalia à côté de Niort. J’avais envie d’avoir un truc un peu dans ce mood là, un peu 70’s solaire mais quand même un tout petit peu progressif.
Et tu as invité d’autres musiciens dans ce studio ?
On a tout fait avec Sacha. À deux, ça a été hyper cool surtout qu’on avait qu’une semaine. On était dans une très grande maison de campagne, une énorme longère. Il y avait du matériel vintage, des vieux synthés, des vieux orgues, des vieilles guitares, des vieux amplis, que du vintage quoi. Et c’était incroyable, franchement c’était une très bonne expérience. Une seule grande salle, pas de salle de prises, tout dans la même pièce.
On va revenir sur tes deux singles et tes deux clips. C’est Evan Lunven qui réalise. Je voulais savoir quel était ton lien avec lui ?
Evan je l’ai rencontré au Brésil. Il avait fait un clip pour un artiste breton qui s’appelle Skopitone Sisko et j’avais vu son clip. J’avais trouvé ça très beau, j’ai eu un vrai coup de cœur pour l’esthétique de son clip. J’ai regardé qui était le réal et on a commencé à échanger avec Evan. Puis il m’a dit qu’il allait au Brésil en janvier et moi aussi. Enfin j’avais pas pris mes billets encore mais ça faisait longtemps que j’y étais pas allé. C’était l’année dernière et on s’est rejoint là-bas.
Et vous avez fait les clips là-bas ?
On a tourné un premier clip à la Super 8 qui est le clip de « Constelaçao » qui est le deuxième single. Et pour le premier on est retourné au Brésil plus tard. En gros, on est allé au Brésil pendant trois mois de janvier à mars, on a filmé dans le Nord-Est notre road trip et on a filmé à la Super 8. Tout ça pour le deuxième single.
Puis pour le premier, quand on est revenu au Brésil, on a rencontré des habitants de Rio avec qui on s’est bien entendu dont un couple de brésiliens en école de ciné à Rio. On leur a demandé s’ils voulaient être acteurs dans le clip et eux ont été hyper chaud direct. On a préparé et écrit un clip. Et on a fait la vidéo dans la ville de Rio, filmé à la cam. Sur ce single ce n’est pas une Super 8, c’est une caméra moderne.
C’est quelque chose qui te parle ce côté un peu rétro on l’entend bien dans ton album. Tu m’as dit tout à l’heure que tu faisais de la musique de documentaire, je me demandais quel type de documentaire et à quel point tu vois ta musique dans le cinéma ?
J’imagine beaucoup de scènes. Après, je pense que pas mal d’artistes ont ce truc. Tu imagines des couleurs, des moods. Pour l’instant, j’ai fait qu’une musique de documentaire. C’était pour Joseph Savina. C’est un breton qui faisait des meubles en bois dans le Finistère.
J’ai rencontré à une soirée le gars qui a réalisé le docu, il m’a dit qu’il cherchait quelque chose de très organique. Je lui ai proposé de faire une musique. Il y a beaucoup de guitare dedans, c’est très acoustique, il y a un petit peu de violon, de mélotron aussi, j’aime beaucoup utiliser ce synthé. C’est quelque chose que j’aimerais encore plus faire à l’avenir, les musiques de documentaire, parce que j’aime vraiment faire ça. Et la musique à l’image de manière générale, c’est trop bien.
Peut-être le premier film d’Evan ?
Bah pourquoi pas, c’est possible.
Est-ce que tu as essayé tes chansons avec le public brésilien ?
En live non, j’ai pas eu l’occasion de jouer au Brésil encore. Tout à l’heure on parlait de Niteroy, mais il y a vraiment une scission, une fraction entre les deux projets. Je considère que c’est un reboot complet. C’est deux projets qui n’ont presque rien à voir. C’est plus MPB, plus acoustique, et puis il y a le changement de nom. Pour moi, ce n’est pas une suite à Niteroy vraiment, parce que c’était plus moderne dans la production. J’aime bien l’idée que ça se fragmente. Mais même avec Niteroy, j’ai pas eu l’occasion de jouer au Brésil. Après, bien sûr ça pourrait arriver. Peut-être l’année prochaine. Je pense que j’ai des pistes un petit peu.
Et du coup quand est-ce que tu as rendez vous avec le public français ?
Le 27 novembre aux Trois Baudets.
Est-ce que tu saurais expliquer le retour à la mode de la musique brésilienne dans les rues de Paris et les productions d’artistes français ?
Il y a beaucoup de Baile funk qui revient. Mais c’est pas du funk comme nous on l’entend, genre chic. C’est de la musique très populaire brésilienne. De la musique de rue. C’est vraiment les gens de la favela, c’est leur musique en fait. Ils se rejoignent et installent des systèmes son et ils écoutent ça. C’est hyper à la mode en France. J’écoute pas du tout ça mais c’est arrivé ici et ça ramène la culture brésilienne.
J’ai un amour pour cette culture depuis mon enfance donc j’en parle tout le temps. Puis la France aime beaucoup la musique brésilienne depuis longtemps. Il y a une histoire avec. Aussi, il y a des artistes brésiliens qui viennent souvent en France comme Caetano ou Gilberto. Il y en a qui font des grandes salles en France en plus. Il y a plein d’artistes français aussi, Michel Fugain, Pierre Barouh, qui ont fait des reprises de musique brésilienne. Je pense qu’il y a un truc déjà présent de base. Il y a beaucoup de français qui vont au Brésil aussi en vacances.
Tu te vois chanter en français de la musique brésilienne ?
Oui, peut-être un jour. Je ne sais pas franchement. J’ai voulu faire mon premier disque en portugais. C’était un peu le défi du truc, écrire tout en portugais. Un jour sûrement j’aurai envie d’écrire au moins un couplet ou un petit truc en français. Mais dans l’album, des fois j’ai des phrases en français, c’est des petits arrangements, on m’entend parler un petit peu en français.
Sur quelle chanson ?
Je crois qu’il y a un morceau seulement. C’est sur l’intro. En fait c’est un truc que j’ai laissé sur l’album. C’est un morceau qui s’appelle « Percepção » et c’était le moment où je faisais les prods, les démos pour les morceaux. C’était juste avant d’aller en studio.
Genre, j’y allais le lundi et on était jeudi, et il me restait un morceau à composer. Je suis tout seul chez moi, et je dis « On est déjà jeudi » car j’aurais bien aimé avoir avoir un petit jour en plus. Et quand on arrive en studio, on trouve ça trop marrant. Du coup, on l’a laissé. Les gens ils vont pas forcément comprendre ce que je dis parce que c’est un peu lointain mais au début du morceau tu peux l’entendre.
Quel est le morceau justement de la MPB qui représente le plus pour toi la saudade ?
La saudade… Je dirais… « Alguèm Me Avisou ». Je ne sais pas qui est le compositeur d’origine mais sans que je sache pourquoi, ce morceau me retourne. La version, c’est celle avec Maria Bethânia, Caetano Veloso et Gilbert Gil. C’est une samba. C’est triste et joyeux en même temps. En plus, j’écoutais beaucoup ce titre avant de partir du Brésil l’année dernière. Je trouve que c’est une superbe interprétation. En même temps c’est quelques uns des meilleurs interprètes brésiliens réunis sur un morceau. Je ne sais pas pourquoi mais ça me fait sentir de la saudade.
Tiago Caetano jouera aux Trois Baudets le 27 novembre 2024 avec en première partie la jeune artiste MiirA.