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Rencontre avec Maïcee : « Les quotas radios ne vont pas dicter ce que je fais »

Un an et demi après un 1er EP qui empruntait autant à la grime qu’à l’hyperpop, Maïcee publie Been High Lately…, une mixtape qui élargit les styles dans lesquels elle excelle.

Porté par le tubesque « Twenty twenty  », le projet est la nouvelle pierre d’une artiste en perpétuelle recherche d’hybridation musicale. Elle rappe, chante, produit et explore différents styles musicaux, Maïcee n’a peur de rien si ce n’est de s’enterrer dans quelque chose qu’elle n’aime pas faire. Dorénavant indépendante, l’artiste en pleine ascension a encore beaucoup de ressources et le montre avec une mixtape romantique et électroniquement dansante.

Ton EP est sorti il y a quelques semaines, tu as déjà eu des retours ?

Ouais, plein de gens ! J’ai fait ma release party à la Boule Noire une semaine après la sortie de l’EP c’était fou ! C’était sold-out ! Il y avait un grand écran LED qui donnait de chouettes scénographies. C’était trop stylé. J’avais bossé tout le truc avec ma pote Camilla. On a vraiment redécoré les murs de la Boule Noire, dans le style de l’EP, avec de gros drapés de tissus qu’on a trouvés en recyclerie. On a mis plein de petits bijoux, c’est exactement comme je voulais !

Après j’ai eu les retours en direct des gens, c’était incroyable. Ça faisait un an et demi que je tournais seule sur scène. C’était un challenge pour moi et ma décision d’essayer de remplir une salle toute seule, d’amener l’énergie moi-même. C’était ma première date avec un batteur et l’énergie était folle, j’ai senti que je donnais beaucoup. J’ai trop kiffé ! J’avais ramené des ami.e.s : la première partie c’était Phelto et en DJ Set c’était Laze. J’avais fait mon premier merchandising en totale indépendance. Je suis allée chiner en fripes et recyclerie des fringues que j’ai fait sérigraphier avec les paroles de mon single « Twenty Twenty » ! Tout s’est vendu, c’était 30 pièces mais c’est déjà ça !

Tu utilises beaucoup ton canal Instagram. Tu y vois un moyen privilégié de discuter avec ta communauté ?

Je l’ai créé il n’y a vraiment pas longtemps. J’essaye de faire tout ce que je peux pour rester en contact avec ma communauté. Il faut diversifier les réseaux et trouver des moyens pour rester en contact avec les gens vu que je reste en totale indépendance et que mon nom n’apparaît nulle part, c’est par moi même que je peux faire ma promo ! Mais j’essaye de ne pas non plus spammer les gens !

Initialement, comment es-tu tombée dans la musique ?

Depuis que je suis toute petite je chante. Je n’ai pas l’âge en tête mais je sais qu’il y a des vidéos de moi à 3-4 ans où je chante. J’ai été dans une chorale quand j’étais toute petite. C’est vraiment bien, on regardait ça avec mes parents là hier. On regardait les vidéos de moi quand j’avais genre trois ans, big up à cette chorale, c’était très marrant.

C’était quoi le premier CD dont tu te souviens, qui t’a marqué ?

Le premier CD que je me rappelle avoir c’est Kylie Minogue. Mes parents écoutaient beaucoup de musique. Tout était en anglais autour de moi. Je regardais systématiquement les paroles dans les livrets des CD qu’on avait à la maison. J’aimais trop essayer de chanter ! Je me suis rapidement intéressée à comprendre ce qu’ils voulaient dire. Le karaoké sur Youtube est arrivé vers 2006. Le chant et la musique me bercent et me font vivre plein d’émotions depuis que je suis toute petite. Mais après il y a eu le tournant de quand j’ai commencé à écrire et composer. Ce qui est différent parce que jusqu’à présent j’interprétais, je me prenais le son en pleine figure mais je ne créais pas. C’est arrivé vers 14-15 ans.

Tu as pris des cours de musique avant ça ?

J’ai fait de la guitare pendant une période. À mes 9 ans j’étais fan de métal et de trucs qui crient, comme Bring Me The Horizon. Je voulais faire de la guitare électrique, j’ai donc pris des cours de guitare pendant 3-4 ans et après j’ai lâché parce que j’avais une vie sociale ! J’ai privilégié les gens j’avoue ! A partir de mes 15 ans je commence à écrire, je tombe dans le rap des années 80, 90, début des années 2000. Les paroles ont toujours eu un sens important dans ma vie mais avec le rap la place du texte était encore plus importante parce qu’il est revendicateur. J’avais déjà écouté Eminem, des trucs connus, mais je ne m’étais pas plongée dans le rap. J’ai découvert les histoires, les clashs, les deux côtes américaines qui s’affrontent. Bref, j’étais à fond.

Tout ça pour dire qu’à ce moment-là les lyrics prennent encore plus d’importance. Je commence à écrire, avec Youtube je trouve des instrus. J’ai vraiment voulu chercher mon propre son. J’ai expérimenté un tas de trucs jusqu’à arriver à ce que je fais aujourd’hui. Ça a duré des années, c’est un long processus. Au début, le but était de travailler ma capacité à écrire des textes et trouver des flows, des lignes mélodiques, faire de la compo. Je chantais aussi évidemment : je rappais et je chantais dans beaucoup de styles différents : électro, dub, old school. Je m’adapte à tout. Il fallait que j’arrive à trouver le truc qui me ressemble le plus. J’avais envie de trouver ma patte à moi, musicale. C’était le truc le plus long finalement.

Tu apprends à composer à ce moment-là ?

Oui mais c’était vraiment pas terrible. J’ai travaillé avec pas mal de beatmakers. Petit à petit j’ai progressé. Aujourd’hui, je travaille avec plein de gens, je peaufine toujours avec des producteurs. Pour l’instant, je ne fais jamais des morceaux de A à Z. Je me concentre plus sur la direction artistique, la réalisation, le texte, les toplines, le flow. J’aime être dans les détails, je fais la production avec les gens avec qui je travaille. Je préfère pour l’instant être avec des gens que je sais experts dans leur domaine. Comme ça, je vais chercher vraiment la texture que je veux, plutôt que de perdre deux ans à chercher le bon plugin. C’est trop cool de travailler avec des gens, c’est émulateur.

Tu viens de Montpellier, tu aimes Londres et tu habites à Paris c’est bien ça ?

J’aime Paris mais ça n’a pas toujours été facile. Les premières années, quand je passe de Montpellier à Paris, c’est la première ville où je déménage. Je quitte ma famille et mes potes, j’arrive toute seule à Paris. Déjà c’est dur parce que je suis une jeune femme seule, je change de vie, d’habitudes. Le fait déjà qu’il n’y a pas d’horizon ça m’avait beaucoup oppressée. Et le temps, la grisaille, je ne pouvais pas ! À Montpellier j’avais du soleil tout le temps, même en plein hiver ! Je t’avoue que c’était très dur.

Maintenant, je suis vraiment bien depuis 2-3 ans. Je pense que le manque de beau temps est compensé par les opportunités qu’il y a et toutes les rencontres que je fais. La vie culturelle est folle. Je vais à des concerts tout le temps, au ciné, voir des expos, c’est trop inspirant même si des fois j’ai envie de nature et d’espaces plus grands. Mais je ne me vois pas partir de Paris aujourd’hui. Je sais que j’ai envie de bouger à Londres mais pour l’instant je suis à Paris.

Ton nouvel EP est très différent en sonorités de ton premier… Le processus créatif a-t-il été lui aussi différent ?

Le 1er EP est vraiment un EP et le deuxième est plus une mixtape. Dans le 1er EP il y a vraiment une cohérence de A à Z. J’ai travaillé avec presque les mêmes personnes en termes de production. C’est un travail qui a découlé de toute ma réflexion dont je te parlais, trouver son propre son. C’est un travail qui a duré des années. Ce premier EP est super important pour moi et il a pris un bon process. C’est un projet ultra pensé, c’est l’aboutissement de beaucoup de choses.

Avec cette mixtape que je viens de sortir, j’avais envie de travailler avec plusieurs personnes différentes, de découvrir de nouvelles façons de composer. Chaque titre est avec un producteur différent. C’était une façon pour moi de me challenger. Je ne voulais pas me prendre la tête. Mon univers n’est pas juste dark, je sais faire d’autres choses et je voulais le montrer. Il y a des titres beaucoup plus éclectiques que dans le 1er EP. J’ai travaillé chaque chanson de manière séparée. Une fois que j’ai décidé de tout regrouper, tout a été repensé.

C’était difficile de travailler l’ordre des chansons ?

Je me dis tout le temps que ça va me prendre la tête de fou l’ordre des chansons. C’est dur mais c’est important. Moi j’aime trop ! Je suis en totale indépendance donc je fais ce que je veux et je kiffe du coup ! C’est trop bien ! Je décide de ce que je veux mettre en single, quel ordre je veux etc.

Ça te tient à cœur d’être indépendante ?

Ouais ! J’ai eu des expériences pas folles en label du coup pour l’instant je suis très content d’être indépendante, c’est un peu mon revival depuis deux ans. J’ai tout en main et ça ne tient qu’à moi. Je ne peux pas avoir de frustration.

Je t’avais découvert en première partie de Biig Piig à la Maroquinerie…

Figure toi que j’avais pris mes places pour la voir, j’avais deux places et j’ai ensuite tout fait pour être sa 1ère partie ! J’ai harcelé la prod et ça a marché ! Biig Piig était trop gentille, on s’est trop bien entendues, elle était trop cool. On avait toutes les deux des couettes, on n’a même pas fait exprès. Elle refait sa tournée en ce moment et je veux tourner avec elle !

Tu as fait les premières parties de Jain et L.E.J. C’était des bonnes expériences ?

Incroyables !

Ce n’était pas trop stressant ?

Si ! J’ai joué dans des Zénith, j’ai fait l’Olympia. Je n’ai même pas eu le temps de trop le réaliser. Je me rappelle partir de chez moi en vélo et me dire « bon bah je vais à l’Olympia, c’est parti ». En plus dans ce genre de 1ère partie tu chantes devant un grand rideau qui cache toute la scénographie donc tu as vraiment un petit espace. Il faut envoyer ! Je suis solo, y’a pas de DJ. J’ai trop kiffé, grosse expérience et puis avec Jain j’ai quand-même fait quatre premières parties : Reims, Bordeaux, Montpellier et Genève. L.E.J. elles m’ont rappelé pour faire leur 1ère partie à Londres, c’était mon premier concert à Londres !

Que revendiques-tu comme influences ?

Évidemment la grime. L’hyperpop aussi. Je te parlais de rap avant, j’aime aussi beaucoup le hip-hop old school mais aujourd’hui ce n’est plus trop ce que j’écoute. L’électro je dirai des trucs très french touch ou allemands comme Gesaffelstein, Boyz Noize. J’écoutais tout ça plus jeune. Quand tu parles d’influences c’est important pour moi de dire que ce n’est pas ce que j’écoute en ce moment, c’est le reflet de tout ce que j’ai écouté dans ma vie et que j’ai digéré. Aujourd’hui il y a tout le courant grime Skepta, Dizzee Rascal. J’ai cherché d’autres artistes de grime mais quand j’en trouvais ça ne me parlait pas autant. Il n’y avait pas ce truc un peu crado. On pourrait dire que Stormzy avec « Shut Up » un peu aussi.

Te sens-tu proche de la scène hyperpop associée au rap d’aujourd’hui ? Comme Winnterzuko, Babysolo33…

Dans la démarche je pense que oui après musicalement c’est compliqué. Je trouve que je fais une musique ultra hybride, il y a beaucoup de pop, il y a des codes du rap, de l’électro… Il y a une énergie très punk aussi selon moi.

Tu ne veux pas qu’on te mette dans une case ?

Non. C’est sûr que je me sens plus proche de la scène hyperpop que de la variété française qui passe à la radio mais en même temps je mets beaucoup d’anglais alors que l’hyperpop française très peu… C’est lié à ce que je te disais de ma culture musicale qui s’est vraiment construite sur une culture anglaise, anglophone en tout cas, et du coup l’anglais est naturel pour moi. On m’a dit mille fois depuis que j’ai commencé la musique, tous les pros : « fais du français, pourquoi tu ne chantes pas en français ? » mais je n’ai pas envie. C’est au feeling et ce qui vient c’est l’anglais.

Par contre c’est sûr qu’en termes d’opportunités, médias, radios, labels, le fait que ce ne soit pas du français est problématique. J’aurais de plus grandes chances notamment avec les quotas radio mais ce n’est pas ça qui va dicter ce que je fais. Je ne fais pas de musique pour les quotas. J’écris mes textes en anglais depuis 2014-2015, ça va faire dix ans et j’évolue. Je ne veux pas me forcer. Je n’ai pas envie que la musique devienne un truc contraignant. Quand je crée, c’est quelque chose qui vient tellement de l’intérieur que je ne sais même pas ce que je vais faire.

Tu as envie de faire un album ?

Beaucoup oui. J’avais besoin de cette mixtape pour tester plein de trucs. J’imagine que tu as vu que le visuel a une part extrêmement importante pour moi. J’aime mettre tout ça en place et avoir un univers complet. J’aime penser tout de A à Z, ce n’est même pas en mode contrôle freak ni rien. Tu peux aller dans tellement de directions, j’ai tout le temps des idées.

Tu as collaboré avec Mosimann entre autres mais avec qui d’autres aimerais-tu collaborer ?

Une question à laquelle je n’ai pas réfléchi ! Doja Cat, Tyler The Creator, il y en a plein. Je cite deux américains, il y a plein d’anglais évidemment, plein de gens de partout en fait. Naty Peluso ! Rosalia aussi. Je pense que j’aimerais partir sur un morceau qui n’a rien à voir avec le rap. J’adorerais aussi faire un morceau de rap mais j’aime les trucs surprenants.

Typiquement tu vois le featuring entre Zamdane et Pomme j’ai trouvé ça trop bien. Parce que le mec ramène dans le rap une artiste qui n’est pas du tout écoutée par les auditeurs de rap. C’est super ! Ils se soutiennent à fond sur les réseaux, se mettent mutuellement en avant c’est trop mignon, ça je trouve ça génial. Je choisirais ce genre de collaboration, un truc un peu surprenant je pense, où on ne m’attend pas.

Quel est ton dernier coup de cœur musical ?

J’ai des coups de cœur musicaux tous les jours, j’ai l’impression. Je suis une grosse digueuse. J’ai adoré les deux derniers morceaux d’Oklou, surtout « Harvest Sky  », je l’ai réécouté mille fois dans le train ce matin. « Scantily Clad » de Haute & Freddy aussi, trop bien cette chanson. Avec le film l’Amour Ouf je suis retombé dans tous les albums de The Cure et Billy Idol.

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