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Rencontre avec Roberto Cicogna : « Quand on chante dans sa langue, il y a quelque chose de beaucoup plus personnel »

Crédit : Agnese Carbone

En janvier 2024, l’artiste originaire de Milan sortait son premier album en italien, Saluti da Parì. De passage à Pete the Monkey cet été, nous avons pu échanger avec lui autour des barrières de la langue, de la nostalgie du pays ou encore de l’essor de la musique italienne en France. Rencontre. 

Milanais d’origine et parisien d’adoption, Roberto Cicogna navigue dans les vagues du langage. Après avoir manié l’anglais avec son projet indie/folk Oh ! Pilot, l’artiste a décidé de revenir à sa première langue, l’italien. Nostalgique de ses racines, notamment durant la période de pandémie, il a puisé son inspiration dans la capitale française et son quotidien. En 2024, à la suite de deux EP, Roberto Cicogna sortait son premier album  : Saluti da Paris. Une ode mélancolique et poétique à sa ville d’adoption et à son pays de naissance.

Tu as chanté en anglais avec ton projet Oh ! Pilot avant de revenir à l’italien, d’où est venu ce changement ? 

La musique italienne n’est venue que tardivement, vers mes 30 ans. Mes parents écoutaient surtout des musiques de film en anglais, donc mes goûts étaient très anglophones. Puis j’ai également été influencé par mon frère aîné et mon cousin, qui écoutaient beaucoup Queen et aussi du métal. Mon premier crush personnel a été Oasis puis tout de suite après Nirvana et Pearl Jam, tout le grunge de Seattle.

Vers mes 20 ans, j’ai découvert les Beatles en profondeur, ils m’inspirent encore aujourd’hui. J’adore leur côté un peu folk, tous leurs côtés d’ailleurs (rires). Ils ont exploré plein d’univers différents, et c’est ce que j’essaye de faire aussi. Là j’ai commencé à écrire de nouvelles chansons et je trouve que c’est assez différent par rapport à l’album qui est sorti. Je respecte énormément la continuité qu’ils ont réussi à avoir en étant influencés par d’autres musiques et en touchant à plein de styles.

Mais l’Italie a fini par revenir, j’ai eu un moment de nostalgie. Notamment à cause de la pandémie, où je suis resté bloqué comme tout le monde et où j’ai beaucoup pensé à ma ville d’origine, Milan. J’ai profité de cette période pour écouter énormément de musique italienne, notamment des années 60 et 80 : Paolo Conte, Lucio Battisti… 

À quel moment est-ce que tu as commencé à faire de la musique ? 

J’ai toujours chanté mais c’est au lycée que j’ai commencé à reprendre du Nirvana etc… J’avais un groupe à l’université, influencé par les Foo Fighters un peu, vers 2005-2009. Puis quand je suis venu à Paris en 2011 j’ai arrêté la musique pour me consacrer à la vidéo, je venais de faire mes études de cinéma et je voulais plutôt me concentrer sur ça. Mais j’ai quand même emmené une guitare acoustique à Paris et j’ai toujours continué à faire mes compos en filigrane, jusqu’à ce que ça revienne un peu plus avec Oh ! Pilot. J’ai progressivement retrouvé l’envie d’écrire et de jouer.

Quand tu as commencé, tu voyais la musique comme une future carrière ou comme une passion uniquement ? 

J’ai toujours rêvé de devenir comédien et chanteur. Je voulais en faire mon métier mais je ne savais pas vraiment ce que ça voulait dire concrètement parlant. C’était un peu un rêve naïf, de quand tu as 20 ans. Et finalement c’est un peu toujours le cas, mais aujourd’hui je vois davantage la vidéo et la musique comme un ensemble, ça fait partie de moi, ça ne me dérange pas de faire plusieurs choses en même temps. Au contraire, je trouve que ça se nourrit. Souvent, quand j’écris la musique, je vois les images en même temps, et ça m’inspire pour continuer à écrire. C’est un cercle vertueux.

Habituellement, est-ce que tu as une manière type pour composer ?

La plupart du temps tout commence avec la guitare. Je joue un peu et dès que j’entends quelque chose qui me parle, je commence à faire du yaourt (rires). Mais il n’y a pas de règle absolue. Dernièrement, ça m’est arrivé deux fois de trouver des mélodies grâce aux rêves. J’ai trouvé l’expérience passionnante. Je lisais régulièrement des interviews où les artistes disaient «  oui j’ai rêvé de cette mélodie  », il me semble notamment Paul McCartney avec «  Yesterday  ». Et ça m’est arrivé deux fois dernièrement d’avoir une phrase et plus ou moins une mélodie qui apparaît en rêve. Dès que je me réveille je prends le portable, je réécoute, bon c’est la nuit donc tu entends une voix toute enrouée mais tu arrives à chopper le truc. 

Ton dernier EP, Saluti da Parì , s’inspire énormément de la capitale. Qu’est-ce que t’évoques cette ville ? 

Il y a une chanson, «  Solo in un caffè  », où je parle vraiment d’une routine que j’avais pendant la pandémie. Je n’arrivais plus à dormir, enfin je m’endormais mais je me réveillais entre trois et cinq heures. Et puis la troisième ou quatrième nuit j’ai assumé ce réveil nocturne, de toute façon le lendemain il n’y avait rien à faire puisqu’on était tous enfermés, du coup j’ai préparé mon café avec ma cigarette et j’ai commencé ma journée comme ça.

Mais j’avais un peu un pied en dehors de Paris dans ma tête, et j’avais envie de parler de ces émotions. Du fait que l’Italie me manquait énormément. Il y a des choses très personnelles, je parle de mes amis, de ma famille. Puis j’avais envie que mes amis musiciens connaissent ma voix en italien. Quand tu chantes dans ta langue il y a quelque chose de beaucoup plus personnel.  

Qu’est-ce qui t’a décidé à venir à Paris au départ ? 

Une histoire de cœur ! J’avais rencontré mon ex-copine à Édimbourg, j’étais en Italie et elle était en France après l’Erasmus, on a eu une relation à distance puis je l’ai rejoint à Paris.    

Au début, quelle image de la ville est-ce que tu avais ? 

J’étudiais les langues et la littérature étrangère à la fac, et je m’étais toujours dis que j’irai vivre à l’étranger. Je pensais à l’Angleterre puis j’ai fais cette rencontre et j’ai commencé à étudier le français. L’idée que j’avais était un peu l’image de carte postale, la Tour Eiffel et la Seine. L’Est de Paris moi je ne savais pas ce que c’était. Et quand je suis arrivé à Paris j’étais à Porte Dauphine, puis après j’ai été à Avron, ça n’a rien à voir ! J’ai rencontré mes amis, plein d’artistes musiciens, et j’ai encore plein de choses à découvrir. J’ai besoin de savoir que régulièrement je peux rentrer en Italie mais je n’ai plus forcément envie de rentrer à Milan.

Tu as l’impression de faire partie d’une scène musicale à Paris ? 

Oui ! Disons que désormais, beaucoup plus à Paris qu’à Milan. Après la sortie de l’album, ça m’a permis de commencer à rentrer avec des artistes là-bas, mais ce qui est étrange c’est que même si c’est ma ville, désormais je viens aussi d’ailleurs. 

Est-ce que tu as l’impression qu’il y a un regain d’intérêt pour les musiques italiennes ? 

Complètement. Il y a une niche très active et très amoureuse de l’art. J’adore notamment Andrea Laszlo de Simone, qui a un peu ouvert la piste pour pas mal d’artistes récents. Il y a plein d’artistes français qui ont envie de chanter en italien, ça aussi je trouve ça magnifique. J’ai notamment adapté une chanson du français à l’italien avec Lonny, «  Midsummer  ». C’est d’ailleurs elle qui fait les chœurs sur mon album.

Il y a aussi Kim Giani, le chanteur des clopes, avec qui on a adapté une chanson du français en italien. On a chanté ça ensemble au Bataclan, c’était dingue. Quand j’étais petit, une des raisons qui faisait que je voulais chanter en anglais, c’est que j’avais l’impression que ça m’aurait permis de toucher plus de monde. Et ce n’est pas faux, mais je me rends compte que depuis que je joue en italien, ça me permet d’attirer un peu plus d’attention. Je trouve ça très surprenant mais très agréable. 

Quelles sont les prochaines étapes pour toi ? 

L’album est sorti il n’y a pas très longtemps mais j’ai déjà un morceau fini, produit et mixé, qui a été produit par les fanfarons (le duo de Cléa Vincent et Jerome Violent). J’aurais bien aimé la sortir pour Pete the Monkey mais finalement on a tellement adoré la chanson qu’on a un peu attendu pour faire la sortie bien comme il faut. Mon idée est de sortir quelques singles sans me soucier trop de l’aspect album.

Aujourd’hui c’est compliqué pour les artistes, tu as l’impression que tu as tout le temps besoin de relancer, mais honnêtement je préfère penser titre par titre en attendant le nouvel album. Ça me permet de rester actif régulièrement, de me mettre dans une bonne dynamique de travail. C’est comme aller à la gym, ça ne peut faire que du bien ! 

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