LITTÉRATURE

« Ô mes ami·es ! » – Choyer nos liens

© Bayard éditions

Lors d’une conférence adressée aux enfants, Marielle Macé pense, à voix haute, ce que nous attendons de l’amitié, ce qu’elle nous offre et peut décevoir en nous. Ô mes ami·es ! est une retranscription de cet échange.

Après Hélène Cixous, Delphine Horvilleur ou encore Philippe Descola, Marielle Macé entre dans la collection « Les Petites conférences ». Dirigée par Gilberte Tsaï, aux éditions Bayard, cette collection propose une réflexion théorique accessible à tous, dès dix ans. Un hommage au philosophe Walter Benjamin qui réalise, dans les années 1920, des contes radiophoniques pour enfants.

Alors que la rentrée littéraire nous a glissé entre les mains le saisissant ouvrage d’Hélène Giannecchini, Un désir démesuré d’amitié, voilà un deuxième livre sur le sujet. C’est heureux ! Ô mes ami·es ! de l’essayiste Marielle Macé est une version écrite de sa réflexion sur l’amitié et de l’échange qui a suivi avec le public.

L’ouvrage navigue entre les récits mythologie et le Petit Nicolas, les statuettes étrusques, Nathalie Sarraute, l’architecture ou encore ce fabuleux film d’Abbas Kiarostami, Où est la maison de mon ami  ?  Penser l’intensité de l’amitié, ne consiste pas seulement à se demander comment nous la vivons. C’est aussi partir à la recherche d’œuvres qui éclairent les facettes de ce lien tout à fait spécial, lieu d’un apprentissage de la liberté.

Si l’amitié était une couleur…

« J’entendais à la radio une petite fille que l’on interrogeait sur ce qui pourrait être « la couleur de l’amitié », et qui répondait que ce pourrait être la couleur orange, parce qu’elle contient à la fois le jaune de la gaieté et le rouge de la colère ». Marielle Macé déplie les différentes caractéristiques de cette relation privilégiée : joie et mésentente, confiance et exigence, espoir et trouble, jeu et sérieux. Elle avance ainsi, déroulant sa pelote de pensée. Mot à mot, les idées se développent et s’enchaînent. Peut-on avoir beaucoup d’ami.es ? Que partage-t-on ? Le désaccord est-il source d’inimitié ?

Spécialiste de littérature française, son propos montre le plaisir qu’il y a à emprunter la voie de l’étude des mots. Ainsi, elle interroge les vocables qui entourent l’amitié. Ainsi, un copain ou une copine est une personne avec qui on partage le pain. Elle revient sur les termes grecs qui servaient à désigner trois aspects de l’amour : ErosAgapêPhilia. Elle compare aussi les différentes façons de déclarer son amour dans plusieurs langues. Voilà comment elle nous fait sentir la subtilité que recèlent chaque langue. Les mots soulignent plusieurs aspects du lien affectif : on tient à une personne, on lui veut du bien, on l’aime fort.

Ô mes ami·es ! pense nos formes d’attachement certes fragiles et précaires mais aussi renouvelées et réinventées. Ainsi, non sans émotion, on lit une scène rapportée par Marielle Macé. Un ami reçoit d’un de ses amis, les plus chers, un cadeau tout particulier : « Si Michel-Pierre offrait ce petit moulin à Jean-Pierre c’est parce que ce dernier le lui avait lui-même offert quand ils avaient six ans ! (…) Le cadeau avait traversé plus de cinquante ans d’amitié. »  Et si c’était aussi cela l’amitié, lancer des passerelles par dessus le cours du temps ?

Ô mes ami·es de Marielle Macé, Bayard éditions, 12,90euros.

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