Après l’adaptation réussie du roman L’Amour et les Forêts d’Éric Reinhardt, Valérie Donzelli enchante cette rentrée avec son documentaire Rue du conservatoire, une œuvre lumineuse et optimiste portée par la jeunesse.
Fantaisiste, volubile, enchanteur, les adjectifs ne manquent pas pour décrire le cinéma de Valérie Donzelli qui, avec ce premier long métrage documentaire destiné au cinéma, confirme l’essai en nous offrant un portrait cinématographique polymorphe d’une jeunesse tout aussi multiple. Le documentaire suit en effet le montage de la pièce finale des élèves de dernière année du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. La comédienne et metteuse en scène de la pièce, Clémence Coullon, est le noyau de cet atome théâtral. Sa troupe l’entoure et l’épaule lors des répétitions de cette revisite libre et politique du géant tragique : Hamlet (1623) de William Shakespeare, renommé Hamlet(te).
Valérie Donzelli est toujours parvenue, à travers ses fictions, à mettre en scène des récits intimistes et intimes sans jamais les rendre opaques pour les spectateur.ice.s. Avec Rue du conservatoire, la cinéaste se livre en partie sur sa jeunesse — qu’elle dit avoir revisitée avec le film — mais croque surtout la jeunesse d’aujourd’hui, en constellant tout au long de cette œuvre des liens artistiques avec elle.
Place aux autres
Depuis La Reine des pommes (2010), son premier long, Valérie Donzelli a toujours imprégné ses œuvres de chapitres de sa vie. Si l’acmé de son projet artistique très personnel pointait avec La Guerre est déclarée (2011), tirée de sa propre expérience de mère face à la maladie de son enfant, la cinéaste semble introduire ici un nouveau pan de son œuvre, toujours tournée vers l’universel. En effet, si ses récits intimes parvenaient toujours à raisonner avec son public, ses derniers films moins explicitement inspirés de sa vie y parviennent également.
Dans L’Amour et les forêts (2023), la cinéaste proposait ainsi une œuvre poly-genres afin de « raconter quelque chose sur les violences faites aux femmes et sur le parcours initiatique d’une femme ». Avec Rue du conservatoire, Valérie Donzelli se met, certes, physiquement en retrait, mais entame un dialogue optimiste en voix OFF avec les élèves du conservatoire.
La cinéaste réapparaît cependant à certains moments. Au travers d’archives personnelles en super 8, ou encore via des images de ses premiers pas sur scène. Plus tard, c’est par des séquences de ses précédents films que Valérie Donzelli nous revient. Plutôt une passerelle qu’une séparation, l’introduction de ces images passées de la cinéaste permet, durant la première moitié du film, de glisser vers cette nouvelle génération d’artistes, bien ancrée dans le présent et ambitieuse vis-à-vis du futur.
Variations formelles
« Je crois que j’aurais aimé être vous à cet âge-là » dit Valérie Donzelli, à mi-parcours du film. Plus précisément, la réalisatrice vante et s’émeut de la passion de cette jeunesse. Mais ce qui prime peut-être auprès d’elle, c’est la puissance de ce collectif qui rayonne autant grâce à la fougue de ses membres que par la diversité de leurs parcours. Cette vivacité, la cinéaste la partage en introduisant toujours la fantaisie dans ses œuvres, et ce, malgré la gravité de leurs sujets.
Avec Rue du conservatoire, Valérie Donzelli ne déroge pas et distille l’ardeur de ces jeunes via les petites touches fantaisistes qui lui sont propres. Dès l’apparition du titre, la réalisatrice annonce non pas un désordre, mais la pleine vie, via l’apparition en cascade des mots qui composent le titre. La musique perpétue, elle aussi, cet enchantement du documentaire avec ses notes au piano rappelant celles de Michel Legrand.
Le genre du documentaire aurait pu suggérer un amoindrissement de cette fantaisie. Mais l’économie dans le dispositif de la réalisation, dans l’une des premières scènes, permet à la cinéaste, secondée de la metteur en scène, de retoucher la lumière de l’une des salles de répétition. Sont ainsi réunis théâtre et cinéma autour de leur obsession commune : la mise en scène.
Dernière scène et nouvel acte
Rue du conservatoire était envisagé au départ comme la captation des derniers instants de Clémence et de ses camarades au Conservatoire. Mais, plus le film avance et plus son souci de l’avenir se fait grand. À nous deux, le théâtre, le cinéma, la musique. Les élèves de dernière année, bien qu’inquiets, ont hâte de se lancer. Pour la plupart, une chose est claire : iels vont dédier leurs vies aux Arts.
Tous les protagonistes sont sur le seuil d’un renouveau. Si pour les élèves, la fin du conservatoire est proche, il en est de même pour la directrice, Claire Lasne-Darcueil, qui termine sa mandature. Le statut d’archive quitte peu à peu le film qui, encore amarré au présent, s’oriente déjà vers le futur.
Rue du conservatoire de Valérie Donzelli (Diaphana, 1h20), sortie le 18 septembre.