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OFF-COURTS 2024 – Rencontre avec Pablo Pauly : « Le court, c’est le futur du long »

Pablo Pauly © Jean-François Robert

Pour cette 25ème édition du festival Off-Courts à Trouville, le jury était composé de cinq membres, dont l’acteur Pablo Pauly. Passionné par son métier, engagé, et conscient des réalités du milieu du cinéma, il a partagé avec nous sa perception du court métrage, et sa réflexion sur un système en constante évolution.

Peux-tu nous parler de ton approche du court métrage, de ce qui t’a conduit à être membre du jury de cette 25ème édition d’Off-Courts Trouville ?

Pablo Pauly : C’est Samuel [Prat] qui m’a, entre autres, amené ici. Samuel a créé ce festival il y a 24 ans. Il s’occupe également d’un autre festival de courts métrages, qui a lieu dans la France entière. J’en ai été le parrain, à Paris. J’avais accepté parce que j’adore le format court métrage. Je trouve ça extrêmement difficile à faire. J’ai joué dans beaucoup de courts en tant qu’acteur. Je n’en n’ai pas vu beaucoup, mais je trouve ça fabuleux. Alors, si je peux soutenir un petit peu ça… On n’en voit pas suffisamment. Il y a peu de chances de regarder des courts métrages, hormis les festivals comme celui-ci. Et puis, on t’invite, et tu regardes une quinzaine de films par jour. Tu parles de cinéma, et tu rencontres des gens qui font du cinéma, et qui aiment ça. Franchement, il n’y a pas de problème (rires).

Tu penses que ton métier d’acteur impacte ton regard sur les films que tu vois ici ?

Oui, je pense. Il y a des réalisateurs·rices dans le jury, qui regardent peut-être les films avec leur œil de cinéaste, et moi, avec mon œil d’acteur. Mais ce qui prime, c’est le film. Je ne pense pas qu’un·e bon·ne cinéaste puisse choisir des mauvais acteurs·rices. J’ai un regard d’acteur sur les acteurs·rices du film, dans le sens où je peux me dire qu’il ou elle est bon·ne, ou l’est moins, dans son jeu. Mais là, on juge un film.

On a un prix d’interprétation à donner. Masculin ou féminin, peu importe. Tout est mélangé… ce que je trouve dommage, d’ailleurs. Il y a des rôles qui sont donnés à des femmes, des rôles qui sont donnés à des hommes, et des rôles qui sont donnés à des personnes non-genrées. Mais il y a une distinction, quand même. Jouer un père de famille quand on est une femme, ou une maman quand on est un homme, je trouve ça un peu compliqué. Enfin, c’est très personnel, mais un prix unique alors qu’il existe plusieurs genres, c’est peut-être un peu réducteur. D’un côté, ça peut être intéressant de ne donner qu’un seul prix. Ça amène à se demander quelle a été la meilleure interprétation, tous genres confondus. Ça laisse un petit peu moins le choix.

En tout cas, mes yeux sont forcément un peu dirigés en tant qu’acteur. Mais personnellement, j’attends d’un court métrage d’être surpris. Ça peut-être sur la forme : par exemple, une comédie ou un drame très bizarre, ça fonctionne si le film est concis et bien construit. C’est difficile de construire un film en quinze minutes, et de faire un début, un milieu et une fin.

Comment juge-t’on un court métrage ?

Il y a plein de manières de juger un court métrage, mais je trouve que de manière générale, il faut juger les films juste par l’émotion. Tu es touché·e, ou tu ne l’es pas. L’art, c’est ça. Sur un tableau, sur une musique… Qui suis-je pour juger Dua Lipa ? Est-ce que j’aime, je n’aime pas ? Moi, j’ai horreur de ça (rires). Mais des gens peuvent l’adorer ! C’est ça qui me plaît, en tant que jury. Tu laisses parler tes ressentiments. « Ça, j’ai aimé. Pourquoi ? ». Après, tu vas approfondir le pourquoi. Ce que tu as détesté, tu le mets un peu de côté ; et ce que tu as aimé, là, tu peux aller creuser un petit peu, et négocier avec les membres du jury. On n’aime pas tous·tes les mêmes choses, et c’est intéressant.

Ce qu’on apprécie ou non d’un film en dit aussi plus ou moins long sur nous…

Complètement. Et puis, j’analyse les films que je vois, et parfois, je les apprécie moins, mais je suis incapable de faire ce que ces personnes font. Je suis incapable de réaliser un court métrage. Mais pourquoi ça ne me touche pas, ou pourquoi est-ce que je suis le seul à ne pas être touché pour ce film ; ou l’inverse, est-ce que tout le monde l’aime, et pourquoi tout le monde aime à l’unanimité ce film-là ? Je trouve ça très intéressant. Partager de l’art, de toute façon, c’est toujours intéressant.

Comment se passent tes journées ici ?

Le programme est vraiment bien fait. Ça s’organise par sessions : France 1, 2, 3, Québec 1, 2, 3, etc. On peut voir et revoir les films. On peut également les voir en différé, ce qui est bien. Après quinze films d’affilée, en voir cinq autres derrière, ça peut un peu brouiller les pistes, alors que tu peux en regarder un par-ci, par-là. Moi, je fais à peu près toutes les séances. J’en suis à environ quinze films par jour, ce qui est bien, et même suffisant.

Pour l’instant, on a encore les idées assez nettes. En fait, un court métrage, c’est assez clair. Ça ne dépasse pas les 25 minutes. Donc si tu n’aimes pas, tu n’en n’as que pour 25 minutes. Ça va aller. Et je prends des notes juste après les films, sinon je zappe des éléments importants.

Que penses-tu de la compétition pour le moment ?

C’est vachement bien. Il y a des films de très bonne facture. C’est extrêmement éclectique. En fait, il y a plein de choses différentes. Je trouve ça super qu’on mixe, dans les mêmes sessions, des films d’animation et des films de fiction. Je ne me suis pas trop posé la question sur le fait que les films ne soient que québécois et français. Il y a des choses tellement diverses. Il y a beaucoup d’humour, des choses noires, des choses contemplatives. C’est agréable de voir qu’il y a tant de gens qui ont plein d’idées.

C’est assez cool à observer. Le court métrage, pour moi, c’est le futur du cinéma. Du long métrage, en tout cas. J’ai vu plein de trucs bizarres, fabuleux, drôles… Le film d’après, t’as envie de chialer, et celui encore d’après, tu ne ressens rien. C’est bien, c’est très humain.

Tu es surpris par ce que tu vois ?

Oui ! C’est ce qu’amène le court métrage, c’est ce qu’il permet. J’ai vu un film d’animation que j’ai beaucoup aimé, sur un mode d’emploi expliquant la manière de démarrer un tracteur. Sur le papier, je me suis dit : « Ah, c’est rigolo, mais qu’est-ce qu’on va faire avec ça pendant dix minutes ? Comment est-ce qu’on s’en sort ?  ». Eh bien, j’étais plié en deux tout le long du film. Je trouve ça génial que l’on puisse faire ça. Des trucs hyper sérieux, d’autres très légers… En fait, une idée suffit, et tu peux développer cette idée-là. Le court permet ça, et je trouve ça chanceux pour nous.

Le court a donc un bel avenir devant lui ?

Je l’espère. Je ne peux pas l’affirmer, mais il faut être optimiste. À tout prix. J’aimerais que les salles projettent des courts métrages en début de séance. Mais il y a une réalité financière, il y a des bandes-annonces et des pubs à passer. Je trouverais ça fabuleux qu’avant un long métrage, tu aies un court. Admettons qu’il y ait une sorte de programmation sur toute une semaine, au MK2 Gambetta, par exemple. Il y aurait une sélection de cinq-six films, et elle serait projetée avant les séances. Je trouverais ça super. Mais il y a des financeurs, des sponsors, et il faut que les salles vivent.

Après, des festivals comme celui-ci permettent de voir les propositions actuelles de courts. Je trouve ça fantastique que des producteurs puissent voir des jeunes réals, et se dire qu’il y a là un fort potentiel. Même moi, en tant qu’acteur, je peux me dire : «  Ce court métrage, j’ai adoré. J’aimerais savoir ce que le·la réalisateur·rice fait après. » Pas nécessairement pour bosser avec cette personne, mais je me dis : «  J’ai envie de voir ce que tu vas faire. Ça va être quoi, ton prochain court, ou ton premier long métrage ? ».

Je viens de voir une compilation organisée autour d’Ariane Louis-Seize, qui est dans notre jury. Ça s’appelle « Du court au long ». Tous ses courts métrages sont projetés, et ensuite, il y a son long métrage. J’en sors, et j’ai trouvé ça génial d’avoir montré ça de cette manière. Tu vois l’évolution et l’affirmation de son style, les erreurs qu’elle a pu faire, ce qu’elle a mis de côté, pour arriver un à long parlant de vampires. Ce film est génial, franchement humaniste. Ce sont des vampires, donc c’est parfois glauque, mais c’est très beau.

Aujourd’hui, les courts métrages ne sont plus diffusés en amont des longs au cinéma. Pour voir l’actualité du court, il y a des festivals comme celui-ci. Sinon, il faut un peu fouiller… C’est un format discret.

C’est discret parce que ça ne rapporte pas d’argent. Et le nerf de la guerre, malheureusement, c’est l’argent. C’est triste à dire. On a beaucoup de premiers films, mais très peu de seconds. Si ton premier film a échoué, derrière, c’est ciao… Je trouve ça très violent. Mais c’est une réalité. Et cette réalité, je l’ai aussi en tant qu’acteur. Si je fais deux-trois films d’affilée qui ne fonctionnent pas, ce n’est pas moi qu’on choisira, même si on peut me trouver bien. C’est un métier compliqué, mais ça fait partie du jeu.

Ce métier d’acteur, tu l’as toujours eu en tête ?

Non, pas du tout. J’ai arrêté l’école à seize ans, et j’ai essayé ça. J’ai trouvé ça fantastique. Avant, j’étais le clown de la classe. Je me faisais virer parce que j’étais un peu rigolo, un peu excentrique. À l’école, les profs n’aiment pas ça, mais après, ça a été encouragé. Toutes les conneries que j’avais dans ma tête, plus je les exploitais sur scène, plus on me disait : «  Super, vas-y ! Va voir là-bas ! C’est consistant, c’est génial. » Et après, tu te rends compte que c’est un métier. Tu découvres qu’il y a beaucoup de cinémas différents, qu’il y a des grand·es auteurs·rices qui ont écrit pour le cinéma, et qu’en fait, la lecture, c’est pas forcément fastidieux… À l’école, on te dit de lire Inconnu à cette adresse, ou ce genre de trucs.

Là, j’ai découvert un monde infini, et c’est très chouette. Bon, je n’aime toujours pas les films d’horreur (rires), mais ça viendra peut-être. Jouer dedans, ça me plairait beaucoup ! Mais les regarder, ça m’insupporte. J’ai peur, je passe un très mauvais moment. Bien sûr, j’imagine la caméra, l’équipe technique… Mais les films où tu sursautes, il n’y a rien de pire pour moi. Je sais que c’est faux, que le son est faux, mais ça m’effraie. Si je joue dans un film d’horreur un jour, ce sera peut-être le premier que je pourrai voir en entier (rires).

D’un côté, c’est agréable d’être encore surpris par les films…

Oui, c’est génial. Une belle histoire d’amour au cinéma, où tu ressors avec l’envie d’être amoureux, c’est très chouette. Mais c’est construit de toutes pièces, et même l’histoire, on la connaît ; c’est parfois issu de tel bouquin, ou de telle BD… Pourtant, tu regardes Titanic, et c’est bête, mais tu te dis que c’est quand même pas mal (rires). Le cinéma a ce pouvoir-là. C’est fabuleux.

Tu joues des personnages appartenant à des registres variés. Il y a quelque chose d’universel qui les rassemble, et qui te parle particulièrement ? Est-ce que tu as besoin de sentir de l’empathie vis-à-vis d’eux ?

Il y a forcément de l’empathie pour mon personnage, dans le sens où je ne peux pas le juger. Sinon, je ne peux pas le jouer. Je dois être capable de jouer Adolf Hitler. C’est très difficile d’avoir de l’empathie pour cet homme-là, qui est littéralement la diablerie humaine, mais je suis là pour jouer quelque chose, et raconter une histoire. Je veux pouvoir jouer de tout.

Mon moteur, c’est qu’il n’y ait pas de gratuité. Je ne veux pas jouer dans un film que tu oublies dès que tu sors de la salle. C’est pas Plus belle la vie, tu vois. Je n’aime pas Plus belle la vie. Je trouve que c’est très gratuit. La gratuité, c’est vraiment l’élément qui me fait me dire : « Non, ça, j’y vais pas. » Et sinon, je veux essayer plein de trucs. Du drame, de la comédie, des films bizarres. Je veux tenter des choses.

Le court métrage permet ça aussi, d’essayer plein de choses. C’est un format répandu pour le premier film de nombreux·ses cinéastes.

Je pense que c’est un passage évident pour s’essayer. Faire un court métrage, ça te permet de voir si tu aimes ça, si tu sais faire un film, tenir un plateau et diriger des acteurs·rices. C’est difficile de faire un film. Moi, je n’en n’ai jamais fait, je suis à la bonne place. Je n’ai pas envie de réaliser. J’adore jouer. Écrire, j’aime bien. Repasser un petit peu derrière, j’aime beaucoup. En fait, c’est la collaboration qui me plaît. J’aime beaucoup avoir un·e réal en face de moi et lui dire : « Je suis à toi, vas-y. On peut parler des heures et des heures pour faire le meilleur film possible. » Mais réaliser, non, je n’en ai aucune envie.

En tant qu’acteur, je propose beaucoup. Je suis pas l’employé d’un·e réalisateur·rice. On fait un film. Ce qui prime, c’est le film. C’est ni moi en tant qu’acteur, ni toi en tant que réal : ça, ce n’est pas ce qui compte. On est là pour le film. Si tu penses que je suis uniquement là pour bosser pour toi, et que dès que je change une virgule, tu penses que je dégrade ton film, on n’est pas faits pour bosser ensemble. Alors que si on avance ensemble vers le même objectif, je trouve ça quand même plus sympa. Si le·la chef op, l’ingé son, quelqu’un de la régie, ou n’importe quelle personne aux costumes, s’investit de manière inconditionnelle, on peut faire un film fantastique. C’est ça qui m’intéresse. Le cinéma, c’est fabuleux, donc autant faire les choses bien.

Comment perçois-tu les évolutions, humaines ou techniques, du métier ?

Je pense qu’aujourd’hui, avec les moyens technologiques qu’on a, tout le monde peut faire un film. Il y a des films entièrement faits à l’iPhone. Même Terrence Malick a utilisé des GoPro dans ses films. C’est quand même un bon exemple. Lui qui ne filmait qu’en pellicule, à la Magic Hours, qu’il décide après toutes ces années de prendre une GoPro, et que ça fonctionne… C’est sympa. La manière de faire un film a évolué, oui. Après, c’est l’histoire qui prime. Et ça, tout le monde ne peut pas le faire. Moi, je ne sais pas faire ça.

Il y a un peu plus de rôles pour des femmes, de rôles principaux. C’est quand même mieux. Il était temps, et ça met du temps à évoluer. Beaucoup de temps. Je m’étais rendu compte de ça au théâtre. Tous les rôles féminins sont éclatés. Soit t’es la jeune nana, un peu belle, un peu bête ; après, tu as un gap monstrueux où tu n’existes pas. Sur le papier, tu n’es plus attirante, ni sexy ; et tu reviens en maman ou en grand-mère. Mais entre tout ça, tu n’existes pas. Je trouve ça dingue. Quand on regarde le répertoire théâtral, c’est souvent ce qui ressort. Ce sont soit des jeunes filles en pleurs, ou qui se regardent, soit des grands-mères qui veulent se venger de la petite jeune. On s’ennuie quand même un peu, non ?

Mais heureusement, c’est en train de changer…

Oui, là, je trouve qu’il y a de plus en plus de choses. Le dernier film d’Audiard, par exemple. Le fait qu’il n’y ait que des femmes à l’écran, et que ça ne soit pas le sujet, c’est bien. C’est le film qui prime, et il est très beau. Zoe Saldana, elle est monstrueuse. Jacques Audiard a fait une interview où il explique qu’il n’a pas considéré le fait qu’elle ait presque 50 ans, qu’elle soit noire – la communauté noire est minoritaire au Mexique. Non, il est passé au-dessus de tout ça, ce que je trouve génial. C’est aussi vachement bien qu’il s’en rende compte. Elle lui a demandé s’il était sûr de lui, si le fait qu’elle soit noire, maman, qu’elle parle espagnol, et qu’elle soit connue comme une actrice américaine, ne le dérangeait pas. Lui, il passe au-dessus de tout ça. C’est formidable de sa part.

C’est comme le film d’Ariane qu’on vient de voir. Ça parle de toute une famille, mais on suit une femme. Et cette femme n’est ni une soubrette, ni la fille sexy. Elle est humaine, c’est tout. Et c’est tout ce qui compte. Donc il y a de l’évolution, oui, mais la route est encore bien longue. Je ne sais pas de quoi demain est fait, mais de voir qu’on est un peu moins cons, c’est déjà pas mal. L’évolution humaine, ça prend du temps, de toute façon.

Tu as été nommé aux César en 2018. Une nomination, ça peut contribuer à une certaine reconnaissance de tes pairs. Tu trouves qu’il y a de l’évolution à ce niveau-là aussi ?

Il y a, bien sûr, un certain tampon sur un film qui a gagné un certain festival ou tel prix d’interprétation. Après, je pense que le film parle de lui-même. Ça fait réellement du bien d’avoir des prix, mais un·e producteur·rice ou un·e distributeur·rice ne va pas se dire : « Telle personne a gagné à tel endroit, elle sera donc fabuleuse. »

Ça aide forcément quelque part, oui. Je pense que ma nomination aux César m’a aidé, par exemple dans le fait de sélectionner un peu mes films. Mais ce n’est pas une caution de : « Telle personne sera bonne quoi qu’il arrive. » J’ai fait plein de films où je suis nul, et je sais pourquoi. Je me suis trompé sur certaines choses. Oui, une nomination est peut-être une garantie qui dit de moi : « Lui, il veut bosser. Il aime ça, et il va se donner à fond.  » Et tu vois, j’ai reçu quelques prix, mais ce n’est pas ça qui compte. Il y a de la place pour tout le monde.

Et puis, les prix, tu ne sais pas quand tu les reçois. Tu fais un film, et tu donnes tout ce que tu as pour ce film. Si derrière, tes pairs te donnent le prix du meilleur acteur, c’est cool. J’en ai eu un à La Rochelle, et je m’y attendais pas du tout. On avait fait un long métrage, que je trouve très beau. J’étais hyper heureux d’avoir vu le film. Je trouvais qu’on avait fait un très beau travail. On avait gagné le prix du meilleur réalisateur juste avant, et je me disais déjà que c’était super. C’était la preuve que les gens avaient vu que le réal était vraiment très costaud. Et puis derrière… Pour Amel Charif, meilleur actrice, pour moi, meilleur acteur. Ok, génial, mais c’est du bonus, tout ça. Moi, le film, je l’adore, et c’est tout ce qui compte.

Pour toi, c’est le film qui passe avant tout.

On ne peut pas faire ce métier pour des prix. Ça peut aider dans un mail que t’envoies à une prod, mais ce n’est pas ça qui va monter ton prochain film. Et puis sinon, ça voudrait dire quoi ? Tu fais un court métrage, tu n’as pas de prix, et tu te dis : « Bon bah, j’arrête tout » ? C’est quand même le métier de l’abnégation, le cinéma. Tu vois, tu te prends 99 portes, on te dit : « Mais jamais de la vie, dégage » ; et t’en as une, petite, et puis tu y vas. Sinon, personne ne ferait carrière, en fait.

Il faut tenter, et bien sûr que ça vaut le coup. Je passe des castings, je les ai pas ; je les ai pas, je les ai pas, je les ai pas, je les ai pas. Et puis, il y en a un que j’ai. Et bien, je vais tout mettre là-dessus. Ça fait partie du jeu. En fait, je pense que si tu fais ça pour les bonnes raisons, t’es inarrêtable. Si t’arrives à en vivre, déjà, c’est une chance fantastique. Après, le temps en fera son affaire. Même si tu écris ton propre rôle, pour ton propre film, que tu réalises pour toi… Bah, il faut le monter, ton film. Il faut le faire, et trouver les bonnes personnes pour le faire avec toi. Donc tu donnes tout ce que t’as, tout le temps. La vie fera ce qu’elle a à faire.

Et là, tu vas donner des prix. Quel sens ça a pour toi ? C’est un accompagnement, un encouragement ?

Ouais (rires). Oui, je vois ça comme un encouragement. Un accompagnement, non, parce que moi, je ne vais pas les accompagner derrière. Peut-être qu’elles·eux peuvent prendre le prix, et aller voir une prod en disant qu’iels ont gagné à tel festival. Mais tu vois, moi, j’ai fait un court métrage qui a gagné des prix partout dans le monde ; pourtant, on n’a toujours pas réussi à monter notre long. Peut-être parce que le long n’est pas encore au niveau.

Je vais donner des prix à ce qui m’a plu. Ma manière de te dire que c’est génial, c’est qu’on est un jury de cinq personnes, et qu’à cinq, on s’est accordés pour dire : « Toi, ton film, c’était vraiment cool ». Mais ça ne veut pas dire que les autres étaient nuls. Pour moi, ça ne veut pas dire grand chose, un prix, en fait. Tu prends les prix des meilleurs acteurs : ça veut dire quoi, meilleur acteur ?

Patrick Dewaere n’a jamais gagné un prix de meilleur acteur. Ce que je trouve assez rigolo, quand même. On parle d’un des meilleurs acteurs français de tous les temps. Charles Laughton, un acteur anglais que j’adore, a été nommé aux Oscar trois, quatre fois : il n’en n’a jamais eu. Di Caprio a eu un Oscar. Un seul. C’est cool, un prix. J’étais ravi de gagner le mien. Mais il faut faire des films, c’est tout.

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