A 70 ans et après une longue carrière au cinéma, Nanni Moretti signe sa première mise en scène de théâtre. Présentée à Paris à l’Athénée Théâtre Louis Jouvet jusqu’au 16 juin, Diari d’amore permet également de découvrir l’autrice italienne Natalia Ginzburg.
Le réalisateur Nanni Moretti est l’auteur de seize films dont La chambre du fils, magnifique Palme d’or du Festival de Cannes 2001. L’an passé encore, il présentait en compétition à Cannes sa nouvelle comédie dramatique Vers un avenir radieux. C’est donc avec un peu de surprise qu’on le retrouve au théâtre avec Diari d’amore. Jusqu’à présent, le réalisateur italien s’était satisfait du statut de spectateur et se contentait d’arpenter assidûment les salles romaines.
Pour sa première mise en scène de théâtre, Nanni Moretti a choisi deux courts textes de l’autrice féministe et antifasciste Natalia Ginzburg. Un choix qui s’inscrit dans un contexte politique particulier qui voit l’Italie à nouveau dirigée par l’extrême-droite depuis deux ans. Ce qui intéresse avant tout Moretti dans le travail de cette autrice, c’est le regard caustique et mordant qu’elle dresse sur l’ensemble de la société italienne. Domestiques, intellectuels ou grands bourgeois, tout le monde en prend pour son grade dans ses textes où elle décrypte le mode de vie et les valeurs de ses compatriotes.
Dialogo et Fragola e panna
Dans Dialogo, premier des deux textes montés par Moretti, un couple discute au lit de bon matin. Le propos est commun au possible, à la limite de l’ennuyeux jusqu’à ce que l’épouse avoue une liaison extraconjugale avec un ami. Tout semble un temps remis en cause, la vie de deux familles sur le point d’exploser mais, finalement, tout rentrera dans l’ordre sous le poids des conventions sociales. Natalia Ginzburg décrit des vies étriquées, obsédées par l’argent et incapables de sortir des schémas imposés par la société.
Dans Fragola e panna, une jeune femme fait irruption dans une demeure en se faisant passer pour une cousine. Accueillie par la bavarde domestique de la maison, on comprend rapidement qu’il s’agit en fait de la jeune maîtresse du mari qui a fui son époux violent et son enfant d’un an. L’épouse du mari et sa sœur arrivent, la jeune femme est rapidement expédiée dans un couvent avec un peu d’argent. Cependant, l’irruption du mari replace, au centre, le sujet de la maîtresse. Comme dans Dialogo, alors que la situation semble explosive et capable de tout remettre en cause, rien ne change vraiment. Les esprits bourgeois sont trop apathiques pour se soucier du destin de qui que ce soit d’étranger, a fortiori d’une jeune femme issue d’une classe inférieure. L’attachement aux conventions est trop fort pour ne pas pousser ce genre de sujets fâcheux sous le tapis lorsqu’ils se présentent.
Manque de fantaisie
Dans ses films, Moretti est aussi un fin observateur de la vie italienne (Aprile, Journal intime, Habemus Papam). Il n’hésite pas à se faire critique, même s’il enrobe souvent son propos d’un peu d’humour ou d’absurdité. Et c’est peut-être cette fantaisie qui manque dans son premier essai au théâtre. Les textes sont intéressants voire pertinents, les acteurs bons et bien dirigés mais l’ensemble est un peu sage. Le réalisateur italien ne parvient pas à insuffler de poésie ou de fantaisie à ce qui se passe sur scène. Tout se déroule sans accro mais presque trop vite et trop mécaniquement pour émouvoir. Diari d’amore est le travail d’un bon élève appliqué. Mais on préfère le Moretti cinéaste, agitateur du fond de la classe au charme débordant.
Jusqu’au 16 juin à l’Athénée-Théâtre Louis Jouvet, 2-4 square de l’Opéra Louis Jouvet, Paris 9ème. Spectacle en italien surtitré français. Durée : 1h35. Tarifs : 12-38€. Informations et réservations : ici