QUINZAINE DES CINÉASTES – Deux ans après Tenéis que venir a verla, Jonás Trueba revient au cinéma avec Volveréis (Septembre sans attendre en français), chronique douce-amère d’un couple en pleine rupture.
Après 15 ans de vie commune, Ale et Alex se séparent. 15 ans d’amour, d’habitudes, de bibelots rassemblés dans leur appartement de Madrid. Mais ils vont bien, vraiment, la décision a été prise à deux. Voilà du moins ce qu’ils ne cessent de répéter à leurs proches, bouleversés à l’idée de voir ce couple modèle séparé pour toujours.
Tout va bien, tellement bien d’ailleurs que les deux ex-tourtereaux ont eu l’idée d’organiser une soirée avec tous leurs amis, pour fêter la fin de leur union. L’idée vient du père d’Ale, adepte des grands philosophes, dont la théorie la plus tenace est qu’il faudrait fêter les divorces, plus que les mariages. Après tout, qui sait combien de temps durera l’alliance. Alors qu’une rupture, voilà le signe d’une nouvelle vie qui commence ! Une vie plus belle, plus heureuse que celle que l’on quitte.
Si le couple adopte l’idée sans trop de résistance, leur entourage se montre moins enthousiaste. Une fête, pour célébrer la fin de l’amour avec un grand A, le couple parfait, fusionnel à la vie comme au cinéma – Ale est cinéaste, Alex acteur dans chacun de ses films – le concept est fantasque, presque indécent. Malgré les larmes et les regards inquisiteurs, le couple s’accroche à son initiative. Mais petit à petit, le masque se fissure, et la rupture parfaite laisse apparaître une réalité moins réjouissante.
Jusqu’à ce que l’amour nous sépare
Avec un humour et une justesse portés par une mise en scène tout en simplicité, Jonás Trueba tisse le portrait de la fin d’un amour. La fin d’une vie espérée ensemble, des projets pensés à deux, mais la fin aussi d’une image minutieusement construite pour faire face au monde. Tous leurs proches le répètent : ils finiront bien par se remettre ensemble, cette soirée n’est qu’une masquarade pour ne pas avouer qu’ils ne veulent pas de cette désunion. Avec Volveréis, le cinéaste interroge ainsi le besoin universel de croire, de vouloir que l’amour dure, malgré les apparences souvent trompeuses. Un besoin de croire, souvent en regardant les autres, que l’infinité est possible.
À l’écran, Itsaso Arana et Vito Sanz forment un couple d’artistes bourgeois, plein de certitudes, aux prises avec la réalité d’une vie à deux qui n’aura pas de lendemain. Que faire de tous ces automatismes, du café du matin et des mains qui se joignent dans la nuit ? Quand on sait tout de l’autre, que deviennent ces moments construits à deux, les voisins, les amis… La fête imaginée par le couple serait un moyen de les rassembler, comme pour les garder au plus proche encore quelques instants. À moins que l’essentiel se trouve ailleurs : entre eux.
Dans une scène d’amour d’une tendresse infinie, le réalisateur voit ses deux personnages se défaire des disputes, des coups de sang et des jalousies, pour se retrouver enfin l’un et l’autre, au cœur de l’intimité qu’ils sont seuls à connaître. Comme à son habitude, Jonás Trueba signe avec Volveréis une chronique de la vie quotidienne subtile, pleine d’introspection et toujours teintée d’espoir.