CANNES CLASSICS – Quarante ans après avoir remporté la Palme d’Or, l’inoubliable Paris, Texas revenait hier sur les écrans du Palais des Festivals. Ce moment hors du temps, en présence du réalisateur Wim Wenders, rejoint les instants forts de cette 77e édition du Festival de Cannes.
Quelques notes de guitare, le désert du Texas. Un homme marche. Il est sale et déboussolé. Mutique, amnésique. Alors que son frère se met en route depuis Los Angeles pour venir le chercher, le secret de cet homme mystérieux s’obscurcit encore. Travis a disparu depuis plus de quatre ans, laissant derrière lui un fils. On le croyait mort. Le voilà bien vivant, avec pour toute possession la photo d’un terrain vague à Paris, Texas.
Commence alors un voyage sur les routes du Texas, pour tenter de percer le secret de sa disparition, et essayer de guérir le mal qui semble l’habiter.
Accompagné de sa décoratrice et de son mixeur de l’époque, Wim Wenders présente avec émotion ce film incontournable de sa filmographie. Plus de la moitié de sa vie a passé depuis la montée des marches en 1984, où il a été couronné du plus grands des honneurs du festival. La salle est pleine, et, surprise, remplie d’une jeune génération encore étrangère au film. Assis avec le public, le réalisateur se réjouit de la longévité d’un film, qu’il n’aurait pas osé espérer voir sur grand écran presque un demi-siècle plus tard.
Sur la route du passé
Avec Paris, Texas, Wim Wenders emmène son public dans un voyage initiatique, centré autour de la question de la paternité et des nouveaux départs. Car Travis va devoir réapprendre à être le père de ce jeune garçon (Hunter) qui s’est construit sans lui, élevé par son frère. Père et fils réunis, partiront ensuite pour leur propre voyage, en direction de Houston, dans l’espoir de retrouver Jane. Jane, la mère d’Hunter, a disparu il y a quatre ans, elle aussi, mais se rend chaque cinq du mois dans une banque de Houston pour envoyer de l’argent à son fils.
Ce voyage intime, Wim Wenders le raconte sans jugement aucun pour ses personnages. Tous ont vécu, appris, grandi. Imparfaits, mais le cœur plein d’amour, chacun cherche sa route. Malgré les blessures et l’absence, la route sera le chemin vers leur salut.
Paris… Texas
Le portrait du Texas rural, sublimé par la caméra de Wenders et le travail des couleurs qu’on lui connaît, prend des airs de rêve. Un rêve parfois sombre, souvent triste, mais habité par l’espoir d’une réconciliation. Le réalisateur travaille son film comme un long mystère où de nouveaux secrets apparaissent sans cesse le long de la route. Le plus grand de tous, Jane, entête, énerve, fascine.
On voudrait tout savoir de cette famille déchirée, dont les films de vacances laissent pourtant paraître des moments profondément heureux. La patience est de mise, et c’est tant mieux, tant cette exploration sur les routes du Texas est douce.
Avec quelques clins d’œil tendres à la France — ah ! La Vache qui rit — où il a vécu plusieurs années, le réalisateur allemand adapte brillamment le roman de Sam Shepard. Paris, Texas est un voyage vers le souvenir comme seule possibilité d’expier les erreurs du passé.
Le public est au rendez-vous : double standing ovation et larmes au coin des yeux, la magie a opéré. De ses doigts, le réalisateur fait signe au public, dessine un quatre et un zéro. Quarante ans plus tard, Paris, Texas n’a rien perdu de sa superbe.