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Rencontre avec İlker Çatak : « L’école est un bon terrain de jeu pour un réalisateur »

İlker Çatak © Wolfgang Borrs
İlker Çatak © Wolfgang Borrs

Avec La Salle des profs, en salles depuis le 6 mars, İlker Çatak signe un nouveau film prenant pour prémisse une série de vols dans un collège. Le milieu scolaire y est pétri de tensions et de conflits, et immerge le spectateur dans un thriller haletant.

Lorsque des vols ont lieu dans la salle des profs du collège où elle est professeure de maths et d’EPS, Carla Nowak décide de mener sa propre enquête. Délation, pressions et suspicions, la salle des profs devient le théâtre des tensions qui s’immiscent entre parents, professeurs et élèves, semblant atteindre dangereusement le point de non-retour.

Pourquoi faire ce film dans une école ? 

L’école est un bon terrain de jeu pour un réalisateur. Il y a différentes générations, différents types de personnes qui se côtoient. Il y a des rapports de pouvoir, des hiérarchies. C’est une communauté distincte qui doit fonctionner ensemble. Ce genre de dispositif est très intéressant et présente une bonne prémisse pour un film. 

La tonalité du film épouse peu à peu le genre du thriller, était-ce volontaire de votre part ? 

Je voulais faire quelque chose de précis avec les acteurs et les dynamiques qui existent entre les personnages, et quelque chose qui ne soit pas ennuyeux pour les spectateurs. Beaucoup de choses sont venues plus tard, avec le travail de la bande-son par exemple. Lorsque nous écrivions le film, nous voulions qu’il soit comme une cocotte minute, avec beaucoup de pression. Les scènes où il n’y avait pas de conflits étaient les plus faibles. 

Comment avez vous travaillé cette bande son justement, qui a été pensée en collaboration avec Marvin Miller ? 

Marvin Miller est un bon ami et un collègue avec qui j’ai déjà travaillé (sur trois films précédents de Çatak, ndlr). C’est quelqu’un de super, un jeune compositeur. C’était difficile pour lui de trouver la bande son du film au début, il appréhendait un peu ce travail. Ça demande du courage. C’était dur car il n’y avait pas de gros orchestre. Je devais le convaincre de le faire. Il fallait qu’il me fasse confiance. 

Et avec votre actrice principale, Leonie Benesch ?

On a à peine parlé pendant le tournage. C’est quelqu’un qui a une excellente intuition, elle est incroyable. Elle lisait la page et proposait quelque chose de nouveau à chaque fois. Je ne sais pas comment elle fait, et je ne veux pas le savoir. On terminait souvent la journée plus tôt que prévu. Je ne faisais jamais de deuxième prise. 

Le film se passe dans une école, au milieu d’une trentaine de pré-ados. Comment avez-vous appréhendé le film avec eux ? 

C’était super de travailler avec eux car ils en avaient vraiment envie. Ce n’est pas quelque chose de récurrent dans leur vie. Ils voulaient me rendre fier. Je ne les traitais pas comme des enfants. Il était important de le leur faire comprendre que je n’étais pas leur boss, mais que nous étions collègues. Et que j’attendais donc d’eux qu’ils se comportent comme des professionnels. Je leur ai dit qu’on allait tous mourir un jour et ils ont compris que ce film ferait partie de leur héritage. Bien sûr que je prends en compte leur vulnérabilité mais c’est important de réaliser que ce n’est pas du loisir, c’est du travail. 

Il y a un vrai questionnement dans le film sur l’autorité de la figure du professeur, et son délitement, notamment par rapport aux parents.

Oui, c’est ça. L’autorité du prof est remise en cause. C’est une question de pouvoir et de contrôle entre les parents et les profs. C’est dur d’être prof aujourd’hui, très dur. La moindre petite chose peut s’emballer et devenir un gros sujet. 

Il y a une certaine ambiguïté morale dans le film. Carla Nowak est persuadée de faire la bonne chose à chaque fois, et cela n’a pas toujours de bonnes conséquences. 

L’ambiguïté, c’est bien. D’avoir deux parties qui sont en conflit, et qui sont dans leur droit. Tout le monde a raison et personne n’a tort. C’est un super matériau pour un conflit, une histoire. Pour les acteurs c’est très intéressant. L’ambiguïté c’est délicat car il y a des couches. On regarde un film et on peut y croire, l’interpréter différemment d’une autre personne. La vie est faîte de pleins de nuances.

Avez-vous eu des retours sur le film de la part de professeurs ?

Oui. Ils aiment le film !

La Salle des profs, d’İlker Çatak est en salles actuellement.

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