Victor Pouchet nous propose de « ranger le monde dans des poèmes » avec L’option légère. Deux cent pages pour se laisser dériver d’un poème à l’autre, au rythme des reflux doux-amers de l’existence.
L’option légère ravive les souvenirs d’été, dans ce Paris presque vide durant ces deux mois de vacances où le temps semble suspendu. Le personnage principal, « notre héros » comme il est parfois surnommé, décrit son quotidien où rien ne se passe vraiment et transmet les pensées qui l’envahissent dans la monotonie moite citadine, puis lors de son échappée en Corse où il goutte aux plaisirs estivaux. Parfois, il dévoile ses rêveries sur l’amour, d’autres fois il explore l’étrangeté familière d’une grande ville où la vie continue quoi qu’il se passe. Dans ce livre construit comme la somme des fragments d’une vie ordinaire, chacun.e est invité.e à se reconnaître et à projeter sur les poèmes ses propres souvenirs et ses propres pensées vagabondes : celles qui germent en nous lorsque l’on accepte de s’ennuyer un peu.
c’est peut-être un chemin pour quitter la forêt qui est peut-être une série d’épreuves qui sont peut-être la vie ordinaire qui est peut-être une épopée qui mènerait peut-être à quelque chose comme : l’option légère. Comme il ne sait pas trop, notre héros continue en chemin à écrire des poèmes.
L’option légère – Victor Pouchet
Langue poids plume pour voyage léger
Le titre ne ment pas, l’idée de légèreté qui envahit tout le texte de Victor Pouchet semble être au cœur de son entreprise poétique. La forme, déjà, invite à la dilution des structures littéraires avec un texte annonçant dès le titre son hybridité, un roman-poème, empruntant également parfois les traits d’un journal ou de lettres. Se débarrasser des attentes d’un genre littéraire, c’est sans doute ce qui permet à Victor Pouchet de créer ces images, simples et directes, capables de résonner dans le corps des lecteur.ices, sans passer par le filtre d’une trop lourde conceptualisation. L’option légère s’invente comme un kaléidoscope d’émotions, de sensations, transmises dans leur immédiateté à la manière d’instantanés, de polaroïds poétiques.
Dans cette tension vers la simplicité, le style rappelle l’écriture blanche théorisée par Barthes. La langue minimaliste, délestée des artifices stylistiques, permet de signifier le vide de l’existence, cette sensation de flottement à laquelle s’attache également la langue de Victor Pouchet. Loin de l’image complexe, voire obscure, dont souffre parfois la poésie auprès des néophytes, les longues phrases-strophes de Victor Pouchet sont accessibles et se prêtent au partage du son et du sens. L’option légère est un ouvrage qui s’offre généreusement à la lecture, sans qu’un quelconque décryptage sémiologique semble nécessaire pour en apprécier les mots et en ressentir les sensations. Cette fluidité permet de mieux en faire surgir quelques images fulgurantes qui, au croisement d’une page, invitent à ralentir la lecture pour mieux savourer leurs apparitions.
Je voudrais bien si c’est possible
L’option légère – Victor Pouchet
(et le plus tôt serait le mieux)
avoir compris tout ce qu’il faut
pour nager sans penser à rien :
l’amour la vie et les prières
les cailloux ta peau les cascades
la tournure de ton épaule
et d’autres mystères très anciens
Je plongerai avec eux tous
et en une seconde à peine
ils vont se diluer dans l’eau
comme savon dans l’océan.
Une légèreté en decrescendo
Pourtant, au fil des chapitres, les mécaniques poétiques se répètent et les rêveries du poète perdent de la fraîcheur des premières pages. Peut-être faut-il prendre le temps dans ce roman-poème qui demande des temps de respiration pour faire résonner les silences entre les mots. À la manière de haïkus, la simplicité de la langue et des images choisies par Victor Pouchet se charge davantage en puissance poétique en prenant leur pleine place au milieu du silence. La forme du roman comprise dans le recueil, qui invite d’avantage à une lecture suivie, a tendance à faire passer la lecture d’une idée à l’autre, d’une image à la suivante, dans un enchainement où la langue n’a pas toujours le temps d’éclore.
En parallèle, l’aspect narratif du roman semble souvent passé au second plan et l’on peut rester frustré du manque d’évolution du héros au fil des pages. Ses pensées prises à la volée tendent à tourner en rond dans les dernières parties du recueil qui manquent de la force des images des premiers chapitres. Le fil narratif enfin, qui joint ensemble les fragments poétiques, apparaît parfois quelque peu artificiel, puisque le livre est construit à partir de textes indépendants, rassemblés dans une balade poétique qui crée les correspondances après-coup.
Malgré cela, L’option légère reste une lecture très plaisante mettant en scène un héros auquel il est facile de s’identifier. On est heureux d’y découvrir plus intimement la langue de Victor Pouchet ainsi que d’y retrouver la sensibilité poétique de son deuxième roman, Autoportrait en chevreuil. Ainsi, ce nouveau roman-poème laisse sur l’esprit l’impression d’une agréable balade poétique et réveille nos envies d’été !
L’option légère de Victor Pouchet, paru aux éditions Gallimard en mars 2024, 20€