CINÉMA

Cinéma du Réel 2024 – « Guerilla des Farc, l’avenir a une histoire » : Traiter de guerre

© C-P Productions
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Diffusé dans le cadre du Cinéma du Réel, le film de Pierre Carles, Guerilla des Farc, l’avenir a une histoire est un projet personnel de quinze ans, retraçant soixante ans de conflits. Devant la caméra, le groupe armé colombien dévoile toutes ses nuances.

Les FARC font partie de la complexe histoire de la Colombie du XXème siècle. Combattant le gouvernement dans l’espoir de renverser l’oligarchie, ils ont, en 2016, signé un traité de paix mettant fin à leur guérilla. C’est à ce moment que Pierre Carles les rencontre dans le maquis. La fin du conflit devient donc le début du film. Mais ce début est en réalité un milieu. Guerilla des Farc, l’avenir a une histoire se structure en deux parties : l’avant et l’après 2016. Cette scission amène une inégalité dans l’intimité, qui fait se balancer le film entre cours d’histoire et d’actualité, entre deuil et espoir.

Au revoir, Dunav

Guerilla des Farc… s’ouvre avec une mort, celle de Dunav Kuzmanich, réalisateur chilien et beau père (temporaire) de Pierre Carles. Le film est une lettre ouverte à cet homme qui lui apprit tant de choses. Le réalisateur lui parle à travers la voix-off, mais c’est la·e spectateur·rice qui écoute. Cette intimité avec le cinéaste transforme la réception du récit. Ce n’est plus un cours d’histoire, c’est un parent qui raconte ce que l’un de ses parents lui a transmis. Et pour cause, Dunav Kuzamnich a lui-même fait un film sur le conflit colombien, Canaguaro (1981), dont certains extraits ponctuent le film.

Mais Dunav n’est pas qu’un ancien orateur, il fut aussi auditeur. Il connaît l’histoire des FARC jusqu’à sa mort, vers 2009. Or, Pierre Carles met en avant non seulement le passé de l’organisation, mais aussi leur contemporanéité, de 2009 à 2023. C’est à ce moment que Dunav, n’ayant pas connu cette période, s’efface et laisse place à d’autres archives qui s’ajoutent aux images de Pierre Carles. Le réalisateur français devient le relais de son beau-père chilien. Il s’efforce de faire comprendre l’histoire d’une lutte à celleux qui l’écoutent.

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Voir et revoir les combattants

La force du documentaire réside dans la monumentalité de sa temporalité. En effet, Pierre Carles retrace l’intégralité du mouvement des FARC, c’est-à-dire des années 60 à 2023, avec des interviews de certain·e·s combattant·e·s récurrent·e·s entre 2012 et 2023. Le réalisateur se promène sur une chronologie extrêmement longue, mais sans jamais nous perdre. Toute l’histoire du combat se déroule sous les yeux du spectateur·rice qui en comprend toute la légitimité.

Car telle est aussi la spécificité de ce film, prendre le parti des combattant·es. Ce ne sont plus des terroristes comme le disaient certains médias. L’empathie envahit la·e spectateur·rice et, lorsqu’iels rendent les armes, leur joie se partage et fait sourire. Cependant, la suite tragique de ce traité de paix bafoué, jusqu’à l’élection de Gustavo Petro en 2022, devient la partie la plus intéressante du film. Tous les enjeux et tout l’espoir d’un avenir meilleur s’y trouve. L’évolution de la vie des guérilleros et leurs actions évoluent et changent de forme sous nos yeux. Mais, il est vrai que sans avoir en tête l’intégralité du conflit, les spectateur·rice·s pourraient ne pas saisir toute sa complexité et la portée de ce traité de paix.

Ainsi, Pierre Carles signe une œuvre complète permettant un nouveau regard sur celleux, qu’en France, nous retenons pour leur enlèvement d’Íngrid Betancourt. Renaud peut désavouer sa chanson et louer les FARC pour ce qu’iels sont : des combattant·es au service du peuple.

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