La disparition brutale d’un jeune garde forestier, un petit village turc perdu dans les montagnes, le retour d’un fils après sept ans d’absence… Nuit noire en Anatolie d’Özcan Alper est un thriller au sous-texte politique intéressant, malgré sa structure binaire et le manque d’attention porté aux personnages secondaires.
Au creux des montagnes turques, un vieillard cherche désespérément quelqu’un. Un fils, qu’il appelle en sifflant — espérant entendre autre chose que l’écho lui répondre. Ce fils, c’est Ali, jeune garde forestier disparu sept ans auparavant dans des circonstances restées obscures.
Par le biais d’une structure alternant entre passé et présent, Nuit noire en Anatolie se propose d’atteindre un double objectif. D’abord de reconstituer les événements de ladite « nuit noire », celle de la disparition d’Ali. Puis, de mettre au jour les causes — politiques et sociales — qui ont mené à ce drame. Car, le spectateur le comprend rapidement, la mort d’Ali n’a rien d’accidentel. Et c’est à travers le point de vue d’Ishak, de retour au pays pour veiller sa mère malade, que Özcan Alper tente de démêler les fils d’un passé que la communauté villageoise semble avoir oublié.
La structure formelle de Nuit noire en Anatolie, construite autour d’un principe d’alternance entre reconstitution du passé et exploration au présent, alourdit sa lecture en lui conférant un caractère programmatique. Mais elle permet néanmoins au réalisateur de tisser plusieurs niveaux de compréhension. Le film ne valant alors pas tant par son côté thriller, que par sa capacité à cerner comment les enjeux sociologiques et politiques interagissent entre les échelles nationale et locale. À ce titre, il est à regretter l’absence de développement des personnages secondaires — les villageois présents le soir de la disparition — réduits au rôle d’éléments pris dans une chaine démonstrative.
Ainsi, la double quête d’Ishak pour retrouver le corps de son ami disparu et pour confronter les coupables, perd de son intérêt à cause de la structure du film. Özcan Alper parvient tout de même à accrocher l’attention du spectateur en s’émancipant de la simple chronique de ce que d’aucuns nommeraient « fait divers », pour en proposer une auscultation précise de ses ressorts nationalistes, racistes et homophobes.