Née de la complicité entre un frère et sa sœur, La Planète en colère ouvre un espace où s’assemblent des morceaux de textes et d’images. Libre interprétation d’un ouvrage de vulgarisation scientifique de leur enfance, leur livre est tout à la fois nerveux, morcelé et splendide.
Et si la création était le lieu privilégié pour faire s’épanouir une relation ? Flore Chemin dialogue avec son grand frère, Damien Chemin qui est porteur de la trisomie 21. Grâce à leur travail des mots et des images et à l’obtention de la bourse du multiple Louise Desrosiers 2020, ils publient, aux éditions Pan, ce livre à quatre mains. Cet objet est l’aboutissement d’un conciliabule au cours duquel ils ont dialogué, depuis leurs pratiques respectives, sur ce qui est plus grand que soi et qui peut être vraiment terrifiant.
Flore, dessinatrice, navigue entre plusieurs pratiques plastiques. Elle lutte avec la matière et produit des images peintes ou dessinées ou encore des petits objet-santons. Damien Chemin travaille, lui, méthodiquement à la retranscription manuscrite de textes. Ecrivain-copiste, sa pratique artistique est semblable à celle du scribe, « à la frontière de la méditation et de la performance ». Il reproduit, phrase après phrase, l’intégralité d’un livre avec la plus grande minutie. La plupart des livres choisis ont pour sujet des phénomènes météorologiques catastrophiques à l’image du livre éponyme La Planète en colère de Lesley Newson, qui a été au centre de leur travail. Paru en 1999, ce livre de leur enfance est un grand atlas illustré qui recense les plus grands cataclysmes de l’histoire comme les ouragans, les tremblements de terre ou les éruptions volcaniques.
Le livre comme lieu d’échange
Sur un nuancier de pages colorées, les images de Flore alternent avec les feuilles simples perforées quadrillées sur lesquelles Damien a recopié une partie du texte. L’écriture manuscrite, de plus en plus rare dans les livres imprimés, produit une certaine émotion face à la singularité du geste. Celui d’une main formant des mots.
Quelques post-it bleus apparaissent, ça et là, et même des dessins de Damien qui, au cours de leur travail commun, a expérimenté la ligne laissant jaillir des reliefs et des espaces grahiques. Flore forme des paysages bruts, des silhouettes floues, des corps étranges ; colle des morceaux d’images sur d’autres images. Travaillant dans un mouvement rapide, elle dit peindre de façon automatique, laissant les formes advenues la guider plutôt que de contraindre son mouvement. À l’aveuglette, son geste laisse transparaître la texture des couches, les erreurs et dégoulinures.
Ce livre n’est pas un livre figuratif. Pas question de produire des images exactes des phénomènes scientifiques évoqués. La Planète en colère donne à voir la porosité entre deux pratiques différentes et cherche aussi à faire sentir qu’un livre peut être l’occasion ou le lieu d’une rencontre.
La Planète en colère de Damien et Flore Chemin, éditions Pan, 24euros.
