Sur une île grecque, les animateur·ices d’un hôtel all-inclusive répètent les numéros qui distrairont les clients chaque semaine. Paillettes, maquillage et alcool rythment un quotidien qui ne fleure pourtant en rien la fête. Avec Animal, Sofia Exarchou conte le désenchantement de nos sociétés occidentales.
Car les numéros ont beau varier sous l’impulsion des nouvelles et nouveaux venu·es, les spectacles sont autant de feu d’artifices au premier degré. Vidés de toute substance, ils sont conçus pour distraire un public dont la structure varie peu d’une soirée à l’autre. L’articulation du récit autour du personnage de Kalia (Dimitra Vlagopoulou) entraine alors Animal dans une mélancolie profonde. L’animatrice est un véritable « juke-box ». Elle danse et chante sur demande, d’été en été. Son corps sec, et pourtant si souple, se trouve complètement aliéné au regard de l’autre. C’est la banalité du sans âme qui se donne en spectacle tous les soirs.

Ce déchirement intérieur, rendu manifeste par la performance impressionnante de Dimitra Vlagopoulou, est d’autant plus cruel qu’il ne se vit pas au singulier. Les animateurices de l’hôtel forment une belle troupe dans laquelle il est de rigueur de s’épauler et de rire ensemble. Sofia Exarchou excelle d’ailleurs dans l’art d’agencer les regards et silences qui structurent cette bande flamboyante. La réalisatrice aurait pu céder aux charmes de son actrice principale au détriment des ceux et celles qu’il l’entourent. Fort heureusement pour le film – et pour nous – il n’en est rien. Et d’un geste, d’une réplique ou d’un regard, chaque personnage secondaire accède pour un instant au statut de personnage principal.
Ne reste alors plus qu’à la caméra très mobile de Monika Lenczewska d’ausculter ces corps afin de saisir les rares moments où c’est le cœur qui commande leur mouvement. Animal est, en ce sens, un film douloureusement vivant où triomphe et désastre se côtoient souvent de trop près.