CINÉMA

« Amours à la finlandaise » – Faire amour

quatre individus trinquent dans Amours à la finlandaise
© TuffiFilms

Derrière le didactisme un peu maladroit de son titre, le dernier film de Selma Vilhunen, Amours à la finlandaise, offre une réflexion sérieuse, et bienvenue, sur les possibles relationnels.

Julia (Alma Pöysti) et Matias (Eero Milonoff) forment un couple, celui, archétypique, de riches quadragénaires dynamiques et très proche du sommet de leur carrière. La petite musique de la routine bourgeoise dans laquelle chacun·e joue son rôle, non sans enthousiasme, se répète quotidiennement dans un confort matériel qui justifie tout. Cette vie à deux, fonctionnelle et réconfortante, sied bien à ces deux protagonistes modernes. Après plus d’une décennie de vie commune, pour Julia et Matias, ce modèle a fait ses preuves. Quitte à corriger les premiers signes d’ennui par quelques bouffées de poppers, comme en témoigne la scène d’ouverture d’Amours à la finlandaise.

Mais cet écosystème relationnel se trouve remis en cause par la découverte de la liaison que Matias entretient avec l’une de ses collègues…

A l’instar de celui de Simple comme Sylvain il y a quelques mois, le synopsis d’Amours à la finlandaise semble rejouer des clichés éculés, ceux de la tragi-comédie romantique bourgeoise. Le cinéma n’a-t-il pas eu son lot de tromperies, engueulades, et autres réconciliations, sous trois mètres de hauteur sous plafond ? 

Reprises

Mais Selma Vilhunen suit ici la recette Chokri et mijote, à partir de ces restes peu appétissants, une réflexion intéressante sur les conditions de possibilité de l’amour. Car si la découverte de la relation clandestine de Matias bouleverse bel et bien la structure du couple établi, cela se fait dans une direction inattendue. Celle du polyamour. 

Une direction impulsée par Julia elle-même, suite à une série d’interrogations qui sont aussi celles du film. Comment peut-il clamer aimer Julia et son amante, Enni (Oona Airola) ? Est-il possible de rendre effective cette affirmation ? Et si oui, selon quelles modalités ?

© TuffiFilms

A trois, puis à quatre, cette aventure est alors l’occasion pour la réalisatrice de sonder de façon très concrète les fondements de l’amour. Loin d’être réduit à une vague intuition métaphysique, il est ici compris dans un ensemble de paramètres qu’il faut bien avoir en tête pour le faire perdurer. A Matias, Julia et leurs amant·es de s’en saisir pour écrire des règles du jeu de l’amour qui soient communes à tous·tes. 

Faire communauté

Le spectre du drame bourgeois s’évanouit alors pour laisser place à une incertitude fondamentale. Car en lieu et place de l’effondrement individuel qui succède habituellement à la tromperie, se fait jour la possibilité d’une collaboration entre ses différent·es acteur·ices. A travers les tâtonnements, errements et réussite de Matias, Enni, Julia, et de son amant·e Miska, il apparait clairement que le polyamour ne signe en rien la licence absolue de l’individu. Au contraire, il implique une certaine éthique dont la finalité reste de faire communauté.

Pour cela, chacun·e doit être capable de tracer ses propres limites, de les énoncer et de respecter celles des autres parties. Tout un programme que Matias, Julia, Enni et Miska, vont devoir s’employer à écrire de leurs propres mains – non sans humour et galères. Car l’amour ne transcende pas tout. Et certainement pas les classes sociales, les attentes extérieures ou les désirs de chacun·e.

Amours à la finlandaise donne ainsi quelques pistes à sa spectateur·ice pour penser des façons de faire relations en dehors de la norme du couple hétérosexuel, monogame, et exclusif. Le tout dans un écrin chaleureux bien appréciable au creux de l’hiver. Et s’il pêche par endroit dans son indécision entre tragédie et comédie, le film trouvant son plein épanouissement dans ce dernier registre, il faut bien reconnaitre que Selma Vilhunen prend très au sérieux son objet d’étude. La fiction y est un terrain propice à l’exploration et à la mise en pratique de modèles peu communs. Une vision exigeante du cinéma, qui confère à Amours à la finlandaise un caractère résolument enthousiasmant. 

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