Les rencontres Trans Musicales de Rennes ont célébré une 45ème édition haute en couleurs du 6 au 10 décembre 2023. Le festival a encore une fois réveillé la capitale bretonne par sa programmation dénicheuse de talents du monde entier.
Si vous êtes amateurs de découvertes ou mélomanes à l’oreille affinée, il n’y a plus vraiment besoin de vous présenter les rencontres Trans Musicales de Rennes. Pour cette 45ème édition, le festival s’est enrichi d’une programmation riche en rock et musique électronique mais aussi de nombreux styles inclassables, spécialité des Trans Musicales. Avec un vendredi et un samedi sold out, le festival rayonne encore une fois face à la pluie bretonne. C’est en commençant avec une journée (mercredi 6 décembre) dédié aux 10 ans du label Bongo Joe, posté sur la scène du UBU, que les rencontres Trans Musicales débutent avec cette soirée d’ouverture éclectique et somptueuse à l’image du label suisse et habitué des Trans. Mais venez découvrir la suite de 3 jours magiques dans les méandres du Parc Exposition de Rennes, du Liberté et du UBU.
Pluridisciplinaire et introductif
Pour cette première journée des Trans Musicales, le début de soirée se passera pour nous à l’UBU où une programmation rock et délicieuse nous attendait. Nous arrivons un peu en retard mais nous assistons tout de même aux meilleurs titres de la suisse Anna Erhard et sa musique décalée et mordante. La jeune rockeuse nous fera danser paisiblement afin de nous préparer pour le set enflammé de sa compatriote Annie Taylor. Juste le temps de prendre une bière au bar du UBU et le quatuor s’installe sur scène. Cette blonde aux yeux azurés nous délivre une prestation musclée qui malgré une corde cassée et quelques problèmes de guitare se donnera encore plus au public remonté à bloc.
Alors que nous loupons à notre grand regret les concerts du Liberté, nous partons pour le Parc Expo afin d’y découvrir la magie sonore et enchanteresse de Flore Laurentienne. Nous finissons hypnotisés par cette orchestre moderne où cordes et nappes électroniques se mélangent pour former cette musique céleste et fascinante. Une sorte de parenthèse apaisante face à la suite beaucoup plus draconienne et dansante du festival.
L’une des grandes attentes de cette soirée fut le set live de Jacques. Connu pour ses expérimentations musicales, ici, nous ne sommes pas déçus. La scénographie envoute et lui entre en transe face à la première de son nouveau projet Videochose et l’excitation du public face à cette découverte. Nous déambulons à travers les Halls du Parc Expo pour finir avec le trio américain et déjanté Sextile. Leur musique mélangeant cold wave avec des beat presque techno euphorise les festivaliers qui dansent à s’épuiser avant de devoir rentrer chez eux après cette journée riche en énergie.
Porté sur le bpm
Après une première journée puissante et délicieuse, nous attaquons la deuxième soirée du festival avec une programmation très portée sur la musique électronique. Même si l’ovni de ce vendredi fut la prestation soporifique de Rahill et son rock psychédélique léger, il aura fallut attendre le groupe instrumental Hanry pour ravir les festivaliers en soif d’un minimum de bpm. Le sextet rennais était donc à domicile et a enflammé la foule avec son rock progressif aux vagues électroniques. Armé de 3 guitares, le groupe attisera le feu musical qui brûle à travers la suite de la programmation.
L’un des moments coups de cœur et reposant de cette soirée fut le set de 3h de la Dj brésilienne Paulete Lindacelva, qui avec ses sons disco funk et sa musique brésilienne mélangés à de la house, nous aura fait danser non stop sur ses grooves exquis.
Mais après ces légèretés passagères, nous arrivons dans le dur avec un des anciens membres de Club Cheval le Dj Canblaster avec un set live redoutable. Rien de mieux pour préparer la foule au set très attendu du duo Mind Against du label techno Afterlife. Leur musique techno mélodique charme les festivaliers qui sont happés par le Vjing live sur la scène.
Puis un des autres artistes très attendu de cette journée est le nigérian Kabeaushé. Armé de sa combinaison rouge (qu’il ne portera pas bien longtemps), sa perruque blonde à la IGOR de Tyler, The Creator, et sa musique mélangeant des rythmes afrobeat à un rap déjanté saupoudré de basses lourdes et électroniques, le jeune artiste retournera bruyamment la Greenroom. Malgré des « shut the fuck up » un peu sévères adressés au public et des demandes à répétitions au public de wall of death, Kabeaushé ensorcellera la foule par sa prestance mystique et scénique. De quoi conclure ce vendredi sur une note testostéronée et puissante.
Odyssée transgressive
Troisième journée des Transmusicales. Après deux jours de frénésie, le public est prêt pour une soirée qui s’annonce épique. La programmation alléchante, la promesse de découvertes musicales captivantes et l’enthousiasme palpable des festivaliers créent une atmosphère électrisante. Dès l’après-midi, le duo Citron Citron anime la salle de la Liberté, en plein cœur du centre-ville, avec un live porté par des notes notes délicates, poétiques et rêveuses. Au détour d’un morceau, Violence de ton silence, le duo adresse un message fort, dénonçant le silence des États occidentaux sur la situation des Palestiniens. Un avant-goût doux, presque trop soft.
Changement de décor, direction la périphérie rennaise, pour commencer cette troisième nuit avec l’entrée en scène de Heavenphetamine. Le duo nippo-ukrainien crée un véritable électrochoc, laissant le public bouche bée et comblé. La batterie et le clavier côté japonais fusionnent avec la guitare et la flûte côté ukrainien, délivrant une musique chamanique, rock opératique et bluesy.
Pendant qu’Heavenphetamine invoque une transe post-punk à proximité et qu’Anushka Chkheidze dessine des paysages électroniques dans un Hall 09 encore clairsemé, c’est au tour des Silver Lines de prendre possession du Hall 03, une véritable étuve rock aux Trans Musicales. Car le rock a toujours sa place à l’épicentre du festival breton, la relève semble cette année se nommer The Silver Lines. Leur concert est un véritable feu d’artifice avec une formation classique basse/batterie/guitare/chant. Originaires de Birmingham, ces jeunes prodiges font preuve d’une efficacité redoutable, avec une mise en place parfaite, des riffs acérés, des compositions précises et une présence désinvolte. C’est un véritable déferlement britannique, rappelant les Libertines ou Gang of Four, orchestré par leur insolent frontman.
En plein cœur de la nuit, le trio Chalk capte tous les regards dans le hall 03. Une énergie noire se diffuse instantanément alors que ces Nord-Irlandais jouent vite et tapent fort. Entre le concert de rock et une sorte de rave techno, le post-punk mutant de Chalk se révèle addictif, presque possédé, faisant monter la tension collective jusqu’à un point de rupture totalement jubilatoire. Un moment scotchant qui marque cette nuit électrique.
Il est 2 h 10, et la Greenroom s’anime avec l’entrée en scène de Bambie Thug, une Irlandaise exilée à Londres, plongée dans l’hédonisme. Fusionnant les genres entre hyperpunk et électropop, elle brise toutes les barrières dans une vision sexpositive. Bambie Thug métamorphose les codes pop en une fée gothique avec une électro pop féministe et horrifique, portée par des thèmes inspirés de la sorcellerie, de la dysmorphophobie et du symbolisme occulte.
Le rock argentin de Blanco Teta prend le relais, formé à Buenos Aires en 2017. Ce quatuor politique (transféministe) et novateur, avec trois musiciennes argentines et un bassiste colombien, propose un rock expérimental unique, mêlant l’agressivité du punk à la simplicité, avec une touche originale apportée par le violoncelle. Un groupe qui maintient la flamme du mouvement Riot Grrrl, s’exprimant à travers des performances scéniques renversantes.
À 3 h 30, le collectif Maraboutage clôture festivement cette édition avec un dance-hall afro électro. Le public danse jusqu’à l’aurore, offrant une standing ovation mémorable à ce collectif de neuf artistes pluridisciplinaires de Marseille. La famille Maraboutage offre un mélange explosif de musique et de danses afro, kuduro et dancehall made in Marseille. Sous les lumières rougeoyantes et verdoyantes, les festivaliers sont emportés par les pas de voguing, de krump ou de hip-hop des danseurs, possédés par la musique communicative du dancehall. La nuit ne connaît pas de répit et le rythme ne s’arrête jamais.