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Rencontre avec VONFELT : « Je faisais beaucoup de rêves lucides quand j’étais enfant »

© Ph. Lebruman

Arthur Vonfelt, connu pour avoir été le batteur de l’artiste Jacques, nous délivre son premier Ep psychédélique VONFELT rempli de synthétiseurs et de rythmes cosmiques.

Venant tout droit de Strasbourg, le jeune Arthur Vonfelt aux côtés d’Eliott, aka Petit Prince, et Jacques, vont créer un monde empli de musique, de bizarreries sonores et d’amitié. La cave des parents d’Arthur sera le sanctuaire où tout leur génie émergera. Voguant chacun vers des voies plus solitaire, Arthur reste tout de même le batteur de Jacques et Petit Prince jusqu’à l’après confinement, où il décidera d’enfin prendre le temps de peaufiner ses propres chansons. Son déménagement sur la capitale l’aidera à se lancer afin d’enregistrer son premier Ep et d’y faire ses premières scènes.

Découvert en première partie de Walter Astral à La Maroquinerie, VONFELT nous subjugue par ce one man show psychédélique et sa voix grave gainsbourienne. Après ce spectacle fabuleux, Maze à tout de suite voulu en savoir plus sur cet artiste seul en scène. Plusieurs mois plus tard, Maze rencontre le génie près de la Petite Halle de la Villette. Une rencontre occulte où nous divaguons sur ses débuts, les mondes parallèles et le surréalisme, les rêves lucides et le monde malsain des réseaux sociaux.

Ton premier Ep vient de sortir, elle représente quoi cette sortie ? Et en quoi ce projet est-il différent des autres ?

Ce premier Ep représente la naissance de mon premier projet solo qui s’appelle VONFELT. En tout cas la naissance pour les autres car moi ça fait déjà un moment que ça a commencé. Donc là, on peut dire que c’est officiellement lancé. Je suis content d’avoir pu installé un canal au travers duquel je vais pouvoir partager la musique que je fais au reste du monde. 

Ensuite, ce projet est différent parce que c’est moi et que jusque là c’était soit des groupes, soit moi musicien qui accompagnait d’autres artistes donc plutôt en qualité d’interprète. Là, c’est vraiment moi qui compose et qui fait une proposition originale.

Qu’est-ce qui t’a fait enfin passer le cap ?

J’ai toujours fait de la musique de mon côté où je composais des riffs pour les groupes, etc… C’était pas quelque chose de nouveau de composer. Ce qui est nouveau, c’est de l’officialiser et de chanter surtout. Mettre des mots et des mélodies avec ma voix. Ce qui a permit ça c’est le confinement, vu que avant ma principale activité c’était de collaborer avec d’autres musiciens, ce qui est devenu impossible à ce moment là. Ça m’a laissé plus de temps pour mes morceaux à moi jusqu’au moment où j’ai pu avoir une compilation de plusieurs titres avec l’impression de voir une identité qui s’en dégageait. Du coup, ça m’a donné envie de pousser ça et de faire ce premier Ep. 

Tu disais que tu avais travaillé ta voix. C’est un des instruments que tu n’avais jamais vraiment peaufiner.

Je n’irais pas jusque là car il n’y en a pas mal des instruments, après c’est vrai que dans l’idiome de la pop musique ou du rock, je joue de la batterie surtout. Ensuite, j’ai appris la basse et la guitare tout seul pour finir par me passionner de synthétiseur analogique et de tout ce qui est production et mixage. La voix est arrivée plus tard en plus de tout ça, qui rejoint toutes les compétences nécessaire aux autres instruments. Ce qui est particulier avec le voix, c’est qu’on ne peut pas mentir. L’humain, de base, est ultra sensible à cet instrument car il l’entend depuis sa naissance. Si on a un doute les gens l’entendrons dans la voix. Donc c’est ça qui est dure, c’est complètement transparent comme instrument. La batterie on peut se planquer derrière des break, le volume. La voix c’est impossible. 

Qu’est ce qui t’a poussé à faire de la musique ?

La musique c’était une activité périscolaire comme les autres dans ma famille. On nous inscrivait à un sport et on nous demandait de quel instrument on voulait jouer. Pendant un moment, ça a été seulement ça pour moi aussi et j’y portais pas forcément plus d’intérêt parce que je devais y aller. Puis un jour, j’ai eu un déclic quand j’ai compris que la musique que j’écoutais, j’étais capable de la jouer avec les copains dans la cave de mes parents avec une guitare et une batterie. C’est à ce moment là qu’il y eu ce déclic dans ma tête pour devenir une obsession. Je devais avoir douze ans et ça c’est jamais vraiment arrêter depuis. 

La musique était quelque chose de déjà présent dans ta famille ?

J’ai pas spécialement de musiciens dans la famille. En revanche, mon père est un musicophile obsessionnel aussi. Il travaillait à la maison, il est à la retraite maintenant, et il passait sa journée à écouter de la musique en travaillant. 

Et on écoutait quoi chez les Vonfelt ?

Alors moi, j’ai des souvenirs de mon père qui fait des solos de guitare de Santana sur un balai en faisant le ménage, il y avait sinon l’album Kind Of Blue  de Miles Davis, Gainsbourg, les Doors, que de la bonne musique en somme. 

Puis tu as rencontré Eliott (Petit Prince) et Jacques. Est-ce que tu peux nous parler de cette époque ?

C’était incroyable. C’était nos années 70 à nous. On a l’impression d’avoir vécu notre petit Woodstock. Ça c’est fait comme plein de monde au lycée, on se rejoint par affinité, par moment c’est les jeux vidéos, puis les cartes Pokémon et à un moment c’est la guitare ou la musique. J’ai commencé d’abord avec Eliott et après Jacques s’est joint à nous. C’était une vraie rock star vivante, avec les lunettes de rock star, un long manteau de fourrure, des santiags et les cheveux longs, très loin de ce que les gens peuvent connaitre de lui aujourd’hui. 

Et on avait ce lieu, la cave de chez mes parents qui était un lieu de rencontre, de jam sessions, de création et fin de groupe, de réunion entre les potes. On était là, on buvait des bières en faisant des jams avec des solos de guitare interminables. De cette époque, on a tous un super souvenir. On a eu de la chance. Nos parents nous laissaient libre de faire ce qu’on voulait. 

Revenons sur l’Ep et le morceau «  Je ne sais où  ». Tu nous y parle d’un rêve lucide et d’un univers parallèle. Tu crois aux mondes parallèles ?

Oui, complètement. Il y a un super film qui est sorti il y a pas longtemps Everything Everywhere All At Once (2022). Je ne sais pas si j’y crois mais c’est complètement possible. Ce qui me plait là dedans c’est le mal qu’on peut avoir à se le figurer. C’est un peu comme les Aliens. Souvent, il y a un manque d’imagination dans les films de science fiction parce que les Aliens sont souvent humanoïdes ou ressemblent à des animaux qui existent sur Terre, dans les abysses ou ailleurs. Alors qu’en fait peut être que ces gens-là, leur monde n’obéit pas aux même règles que les humains. Peut-être que le temps ne veut rien dire pour eux. 

C’est quelque chose que tu as essayé de retranscrire dans ta musique ?

Je pense que c’est quelque chose qui m’influence naturellement sans que ce soit une décision consciente de me dire que je vais en parler. Ça stimule mon imagination d’imaginer qu’il y a une multitude de mondes parallèles et que ça se divise par chaque décision qui est prise par chaque être humain. C’est un vertige qui est tel, qu’on est obligé de trouver une certaine poésie là-dedans. 

Est-ce que c’est de là que découle cette obsession pour le surréalisme ? Je pense aussi à tes pochettes pour tes singles et ton Ep qui pourrait faire référence à l’escalier de Penrose. 

C’est surtout quelque chose qui s’est fait de manière spontanée et naturelle. J’imagine que c’est ce qui m’a construit musicalement. J’y ai été sensible. Les délires de mondes parallèles, la physique quantique, ce genre de chose qui sont de base censé être de la science, mais quand on pense au chat de Schrödinger on y voit quelque chose d’hyper poétique, de très imaginatif d’arriver à concevoir que le chat est mort et vivant en même temps. Le cerveau bug un peu et moi j’aime beaucoup ça. 

Pourquoi vouloir fuir le réel comme sur ta chanson «  Je pars  » ?

Pareil, j’ai pas choisi ce thème. J’ai écrit le texte après. Je me retrouve souvent à devoir analyser ce que j’ai voulu dire. Il y a plusieurs choses en parallèle. Il y a cette fuite du réel ou plutôt peut être que le personnage de cette chanson n’était pas dans le réel depuis le début. Par exemple, je faisais beaucoup de rêves lucides quand j’étais enfant. Je me rendais compte que j’étais en train de rêver et je me disais que tout était possible et que je pouvais m’envoler. « Je pars » traite un peu de ça mais aussi de la vraie vie et de quand on doit partir ou quitter une situation, une personne, une relation, un travail et qu’il y a une sorte de libération là-dedans afin de se sentir plus léger. Quitte à s’envoler dans le cosmos. C’est un peu ces deux perspectives. 

Tu as collaboré avec beaucoup de monde mais tu n’as aucun featuring de présent sur l’Ep. Pourquoi ce choix et est-ce qu’il y en aura sur des prochains morceaux ?

Maintenant c’est quelque chose qui m’intéresse plus pour les prochains titres mais je pense que pour une première prise de parole j’avais besoin, justement avec moi qui est sans cesse en train de faire de la musique avec tout le monde, de pouvoir créer quelque chose qui viendrait de moi de toute pièce. C’est quelque chose dont je reviens un peu car même en le faisant et qu’il n’y a pas de featuring officiel, il y a quand même des participations. Il y a un copain qui fait un solo de clavier à un moment dans un titre, un autre qui fait des chœurs et j’ai été emmené à la fin de solliciter une écoute externe. Pour les premiers morceaux et la première prise de parole, j’ai eu envie de me lancer tout seul et de voir ce que ça allait donner sans aides. 

Tu as des artistes avec qui tu aimerais travailler ? Peut-être pour l’album ?

Oui j’ai quelques idées que je ne dévoilerais pas tout de suite. (Rires)

Tu es de Strasbourg et tu habites maintenant Paris depuis quelques années. En quoi ces villes sont différentes pour toi ?

Elles n’ont rien à voir. Je suis peut être la personne la moins objective pour parler de ça mais Strasbourg c’est la plus belle ville du monde. Paris c’est beau et intense. Je m’en vais d’ailleurs bientôt pour habiter avec ma copine dans le Loiret, pas loin de la Bourgogne. Je serais souvent à Paris quand même mais on s’est fait un petit refuge dans la nature là-bas, où je ferais de la musique et j’inviterais les copains. Paris est différent de Strasbourg car c’est la capitale, c’est là que tout se passe mais aussi là où on s’en prend plein la tronche de temps en temps. C’est une ville très stimulante mais aussi anxiogène. Et quand je retourne à Strasbourg, c’est mon enfance, les tartes flambées, les bretzels, les plats de ma famille et les copains. 

Ma chanson préférée de l’album est «  Notif  ». Est-ce que tu parles des réseaux sociaux quand tu chantes «  tu me fais perdre des heures  » ?

Je parle complètement des réseaux sociaux et du téléphone. C’est de la drogue à la dopamine. C’est universel aujourd’hui et on lutte tous contre ça. Moi je sais qu’il faut que je fasse attention à pouvoir prendre mes distance là dessus. C’est à la fois un superbe outil, je vais pas complètement le dénigrer parce que principalement, pour une personne comme moi, c’est le meilleur moyen de communiquer et de diffuser ma musique aujourd’hui. Et quand bien même, c’est important de savoir bien l’utiliser, avec parcimonie. On le voit, le mal moderne est mental et chez la nouvelle génération c’est encore plus que nous qui avons vécu la transition. C’est quelque chose qui peut être problématique. Encore une fois c’est le réel et l’irréel. C’est un monde parallèle en soit le téléphone et les réseaux. 

Je pense aussi a des jeux vidéos de plateforme ou encore Minecraft, même le film Ready Player One où carrément on vit pour notre avatar plus que notre propre vie. 

Oui et encore une fois je trouve que les films de science fiction ça aboutit rarement comme le méta-verse. On essaye de substituer quelque chose qui ressemblerait à cette vie alors qu’en vrai il existe déjà ce monde parallèle par les réseaux sociaux. C’est pas un endroit où on à un avatar et on marche. C’est différent, les gens postent des photos, des vidéos et on a une deuxième vie, une deuxième existence. Les gens se font une idée de qui les autres sont à travers ce prisme là. C’est déjà en place malgré nous j’ai l’impression. 

J’ai lu que tu avais composé pour des courts métrages et une troupe de danse contemporaine. Qu’est-ce qui t’attire dans ces domaines là ?

J’ai fait de la musique pour quelques courts métrages et ça m’est arrivé de faire de la musique pour des publicités. En ce moment, c’est surtout pour de la danse contemporaine. Je suis sollicité par des chorégraphes qui me demandent d’écrire des musiques originales. J’ai travaillé, en temps que première expérience, avec Simon Feltz. Puis j’ai travaillé avec Chloé Zamboni et sa compagnie La Ronde.

Et en ce moment je suis en train de travailler sur la prochaine création de Simon Feltz et un projet de film avec le chorégraphe Ashley Chen. Pour son projet je jouerais de la batterie devant 3 écrans sur lesquels son film sera diffusé. C’est grâce à ma copine qui est danseuse que j’ai été intégré dans ce monde. Lors d’un diner, j’ai rencontré Simon qui m’a parlé de sa nouvelle création et ça m’a donné des idées. Du coup, je lui ai fait un petit extrait de 30 secondes, vraiment sans arrière pensée, et j’étais loin de me dire qu’il allait me demander d’écrire la musique de sa pièce.

D’une manière général, je trouve ça très intéressant d’aller dans d’autres domaines, pratiques pour prendre plus de recul sur ce qu’on fait au quotidien. C’est de la musique aussi de voir les danseurs travailler, je trouve que ça apporte beaucoup. Le format de la musique de danse c’est plus un morceau qui dure 1 heure, il n’y a pas du tout la même narration que d’écrire des morceaux de 3,4,5 minutes. C’est un travail complètement différent car on se retrouve à la fin avec une espèce de truc ultra massif avec 400 pistes et qui fait 1 heure. C’est une expérience différente dans l’approche du temps. Quand tu reviens à des chansons de 3 minutes ça fait un choc. (Rires)

Dernière question, c’était quoi ton dernier ou ton meilleur souvenir de rêve lucide ?

En réalité j’en fait de moins en moins. C’est quelque chose qui vient assez naturellement enfant. J’ai un truc assez pratique, quand j‘étais petit et que je faisais un rêve lucide en mode cauchemar, j’arrivais à appuyer sur «  Start  » et je quittais le rêve. 

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