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Rencontre avec Structures : « Cet album représente toutes les raisons pour lesquelles on fait de la musique »

Crédit photo : Eléonore Wisme

Originaire d’Amiens, le dorénavant duo Structures revient de loin avec un album percutant ! Pas vraiment post-punk ni tout à fait grunge et définitivement pas métal, le groupe appartient à la grande famille du rock et dévoile un premier album puissant dans lequel alternent clarté et obscurité.

Pierre et Marvin sont passés par pas mal d’obstacles mais les voilà, cinq ans après leur premier EP qui avait fait du bruit – le bien nommé Long Life – avec un nouvel et premier album, le retentissant A Place For My Hate. Ne voulant surtout pas être rattachés au mouvement planétaire du post-punk, les deux amis d’enfance tentent de s’en extraire et de renouveler un genre en panne d’inspiration. C’est une grande réussite avec un album varié qui emprunte à différents genres pour offrir quelque chose de nouveau, tant dans les textes que dans la musique, entre rock froid et guitares électroniques.

Crédit : Eléonore Wisme

Vous avez sorti un EP en 2018 et vous dévoilez votre premier album cette année, cinq ans plus tard. Qu’est-ce qui a fait que vous avez autant attendu ?

Pierre : Ce n’était malheureusement pas voulu. Il y a un truc qui s’est passé dans le monde qui s’appelle le Covid, qui a fait qu’on a un peu retardé les choses. Ce n’est pas le premier album qu’on a écrit mais c’est le premier qui sort. Je pense que ça demande beaucoup de temps de faire un album. Il faut se sentir prêt. On est un groupe qui a sorti plein de singles ! Le temps de l’album était enfin venu.

Marvin : La vie suit son cours. On avait un album déjà prévu avec l’ancienne formation mais on a décidé de repartir de zéro. Ça a pris le temps que ça a pris parce qu’il était important pour nous de digérer tout ça et de se remettre sur le bon pied. 

Pierre : On est aussi devenu des adultes entre temps. On avait peut-être aussi envie de changer notre manière d’écrire et de porter un regard sur le monde. Il a fallu prendre un peu plus de hauteur.

Tu disais que Structures est un groupe qui sort beaucoup de singles. Pour votre premier album, c’est « Pigs » qui a été la première chanson dévoilée. Pourquoi ce choix ?

Pierre : Ce morceau a beaucoup d’énergie. On avait envie de revenir en tapant du poing sur la table. C’est un morceau qui a été écrit par Marvin donc je lui laisse la parole ! 

Marvin : Il n’a pas les codes du single, c’est aussi pour ça qu’on voulait le sortir en premier. On voulait un morceau assez violent, avec le clip qui suit. C’est venu tout naturellement, on n’a pas trop réfléchi.

Pierre : On l’a aussi sorti parce qu’on voulait montrer là où on va et l’hétérogénéité de ce qu’on peut proposer pour l’album. Avec la B-side « Place On My Head », les deux vont bien ensemble. Il y a un côté très colérique et presque haineux. L’autre est dans une complète autre vibe d’acceptation, d’amour… On voulait montrer l’axe principal de l’album à venir qui est cette dualité entre colère et amour, avec tout un panel de sentiments. Travailler sur « Pigs » c’est que du kiff ! On a réécouté toutes les Nine Inch Nails, tous les trucs qu’on écoutait quand on était ados. Slipknot aussi ! 

J’ai trouvé l’album assez sombre … Vous portez un regard noir sur le monde et ce qu’il s’y passe ?

Pierre : Pas un regard noir mais on vit des choses parfois négatives, c’est de cela qu’on s’inspire pour écrire. Dans la plupart de nos morceaux il y a quand même une conclusion tournée vers l’espoir, quelque chose de positif. C’est marrant que tu dises ça parce que je ne vois pas du tout cet album avec une dominante sombre. Je dirais que les morceaux sont lumineux et poussent justement à aller de l’avant. Offrir une solution aux choses négatives qui arrivent. On a besoin d’autant de négatif que de positif pour créer des choses, il faut juste savoir les accepter et les gérer. 

Vous êtes tiraillés dans votre approche du monde ?

Marvin : Il y a un affrontement entre l’amour et la haine, une espèce de dualité, qui rythme l’album. ll y a des chansons plus lumineuses que d’autres…

Pierre : Tout notre procédé d’écriture commence peut-être par une note assez sombre mais qui, en écrivant, s’éclaircit d’elle-même.

De quoi parle l’album ?

Marvin : Notre vécu. On écrit tous les deux sur notre vie ou la vie des gens qui nous entourent, notre famille, sans thème précis. On est un peu comme des éponges : on ressent tellement de trucs qu’on n’a pas besoin de chercher de sujet. 

Pierre : On a tout produit nous-mêmes, à deux. On a réécouté énormément d’albums qui ont fait notre jeunesse. Nous étions dans la recherche de : pourquoi aime-t-on cette musique et ce son ? On ne le conscientisait pas mais naturellement on écoutait vraiment des anciens trucs : American Idiot de Green Day, Nevermind de Nirvana … Tout ça pour comprendre ce son qui nous avait mis des énormes claques quand on était ados et le pourquoi. Cet album représente toutes les raisons pour lesquelles on fait de la musique. 

Avez-vous l’impression d’avoir changé de style musical depuis cinq ans ? Vous disiez à l’époque faire de la « rough-wave » . C’est toujours le cas ?

Marvin : On voulait sortir des codes post-punk, cold wave etc. On avait un peu de mal à s’assumer donc on a cherché un mot pour nous définir, plus original. Maintenant on assume totalement les termes et on sait là où on veut aller. Comme Pierre le disait avant, on assume totalement nos influences. Oui, je dirais qu’on a changé de style mais toujours avec la même énergie et la même essence qui est Structures.

Pierre : On n’a pas vraiment de manière de faire de la musique. On a grandi, changé, on s’assume maintenant, on sait qui on est. Il y a moins de prise de tête, on se sent plus libres d’aller chercher n’importe où des choses qui vont nous servir. Je n’ai pas honte de dire qu’on fait du rock. 

Et le mot post-punk ? Ça vous hérisse le poil ?

Marvin : On peut plus. Déjà ça nous rattache à des groupes que je peux même plus entendre. Idles, Shame, Squid, je ne peux plus… 

Pierre : Le post-punk est de plus en plus typé.

Marvin : Les anglais ne font que ça …

Pierre : Avant on ne faisait pas du post-punk, on s’en inspirait. Dans l’énergie et dans plein de choses. On nous disait «  mais c’est pas vraiment du post-punk ce que vous faîtes, des fois on dirait du métal ! ».

Marvin : Fontaines D.C. pour moi c’est le seul groupe qui se démarque de toute cette scène. 

Pierre : Leur dernier album a été une grosse claque pour moi. C’est Dan Carrey au mix, une légende du son et de la production. On sent que le chanteur a de l’écriture derrière, il a envie d’écrire des vrais morceaux. C’est aussi pour ça qu’il a sorti son album solo. C’est plus riche, plus intéressant, ce n’est pas juste de l’énergie.

Quelle idée y a-t-il derrière la pochette de votre album ? 

Marvin : Que ce soit le plus brut possible ?

Pierre : Je ne sais pas … C’est une image qui nous a plu à tous les deux. J’ai fait cette image quand j’étais graphiste, avant d’être musicien à plein temps. Je la trouve très belle. C’est une image d’écran cassé qui me fait aussi beaucoup penser à une toile d’araignée et qui est pour moi un symbole de construction. Il y a une grosse dualité dans ce visuel : la colère, la recherche d’un endroit où placer cette colère et cette haine, et transformer tout ça pour construire quelque chose.

Vous êtes parisiens maintenant ?

Pierre : Moi oui, Marvin habite à Rouen. Comme c’est à 1h15 de train c’est cool. On se retrouve rapidement mais on se laisse aussi de l’espace. 

Y-t-a-il un.e artiste avec qui vous aimeriez travailler ?

Pierre : Depeche Mode

Marvin : Moi je crois que c’est un exercice dont je ne suis pas fan. J’aime bien faire mon truc de mon côté. Pour moi c’est source de problèmes, de stress. Pourquoi pas pour un remix mais c’est tout. Aphex Twin peut-être ?

Quel est votre dernier coup de cœur musical ?

Pierre : J’avoue que j’ai eu la chance d’écouter l’album en préparation de Lulu Van Trapp. C’est mon coup de cœur du moment. Il y a un autre truc aussi : avoir revu en live Amyl and The Sniffers à Rock en Seine m’a replongé dedans très fort. Je n’écoute que ça en ce moment. En live il n’y a rien et en même temps il y a tout. Une chanteuse incroyable, le son est monstrueux et ça joue à mort. Ça se voit qu’ils sont tout le temps ensemble, qu’ils sont tout le temps en tournée.

Marvin : Le dernier truc que j’ai découvert c’est Automatic, un groupe de Los Angeles.

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