CINÉMA

CHÉRIES-CHÉRIS 2023 : Les fiertés à l’écran

Le festival du film LBGTQIA+ de Paris, Chéries-Chéris, revient pour sa 29ᵉ édition, du 18 au 28 novembre. Tour d’horizon d’une programmation hybride, plurielle et engagée.

C’est d’abord sous le nom de « Festival du Film Gay et Lesbien de Paris » (FFGLP) que l’évènement culturel voit le jour en 1994. Porté par l’association Rainbow Submarine, le projet consiste alors à rendre visibles à l’écran les histoires LGBTQIA+ autrement marginalisées. Il accompagne ainsi le « New Queer Cinéma », tendance cinématographique émergente du début des années 1990. Cette appellation, forgée par la critique de cinéma B. Ruby Rich, propose de regrouper un corpus de films abordant et célébrant les expériences des communautés LGBTQ+ à travers des genres cinématographiques divers.

En 2009, le festival est rebaptisé Chéries-Chéris, d’après l’expression de l’actrice Alice Sapritch. Un tournant dans sa ligne éditoriale, revendiquant une plus grande fluidité et l’inclusion de tous les genres, sexualités et amours. Depuis, le festival s’emploie à restituer la diversité des récits et des luttes LGBTQIA+, proposant des regards et des expériences à rebours de la société hétéronormative.

Kokomo City de D.Smith © Magnolia Pictures

Ouvertures  : entre festivités et hybridités

Le festival a débuté ce vendredi 17 novembre avec une fête au tiers-lieu Césure, en collaboration avec l’ANKH (Association de soutien aux personnes LGBTQIA+ du monde arabe). La soirée s’organise autour d’une projection de Cheikhat Chéries, suivie d’une rencontre puis d’un DJ set de musiques Raï et Chaabi du Maghreb. Tout au long du festival, le festival propose d’autres séances hors-les-murs, dont un cycle de trois rencontres alliant projections et ateliers d’archives orales en présence du réalisateur David Weissman.

Chéries-Chéris s’ouvre officiellement avec la projection de Sans jamais nous connaître d’Andrew Haigh. Alliant thriller psychologique, fantasmagorie et romance gay, ce film est un exemple d’audace et d’hybridation des genres à l’image du reste de la sélection.

On parle de plus en plus souvent de « trans film » quand la forme même de l’œuvre s’empare des genres cinématographiques pour en jouer et s’affranchir des cases. En résulte une euphorie cinéphile dont Chéries-Chéris ne cesse de se faire l’écho.

Grégory Tilhac, Directeur artistique du Festival Chéries-Chéris

Sous le parapluie, la sélection

Ce projet d’exploration et de dépassement des catégories préconçues se retrouve aussi dans les courts-métrages et les documentaires sélectionnés. On pense ici à Framing Agnes de Chase Joynt qui détourne les codes du talk-show pour permettre la réappropriation de la mémoire trans. D’autre part, le festival présente des documentaires qui éclairent des enjeux spécifiques aux communautés LGBTQIA+, comme l’intersexualité (Who I am not de Tünde Skovran), les expériences de travail du sexe de femmes racisées transgenres aux Etats-Unis (Kokomo City de D. Smith), ou la parentalité queer (Faire famille d’Océan Michel).

Compétition oblige, les films projetés se séparent en plusieurs sélections présidées par des jurys distincts (longs-métrages, documentaires, courts-métrages). Le festival consacre un prix spécial, « Libertés Chéries », aux films issus de pays où les libertés des personnes LGBTQIA+ sont particulièrement restreintes. Un programme dense et varié, composé de 73 longs-métrages et 64 courts-métrages projetés dans les Cinémas MK2 Beaubourg, Bibliothèque et Quai de Seine.

Neon Spring de Matīss Kaža © Magnolia Pictures

Films internationaux et premières œuvres

Malgré son ancrage parisien, le festival se veut « universel ». En témoigne la sélection internationale de cette édition et le nombre de nationalités représentées, de l’Ouganda (Out of Uganda de Rolando Colla & Josef Burri) à la Lettonie (Neon Spring de Matiss Kaža) en passant par la Corée du Sud (Peafowl de Byun Sung-bin).

Chéries-Chéris fait aussi la part belle aux jeunes talents, comme la Brésilienne Lillah Halla (Levante) ou la réalisatrice basque Estibaliz Urresola Solaguren (20 000 espèces d’abeilles). Le festival présente aussi la première série télévision de la théoricienne du «  regard féminin  » Iris Brey, mettant en scène la naissance d’un lesbianisme politique dans Split. D’autres œuvres explorant des trajectoires non normatives sont davantage attendues, issues de réalisateur·ices déjà chevronné·es dans le cinéma queer. C’est le cas de la relecture queer, camp et féministe du héros fantasy Conan le barbare par Bertrand Mandico (Conann). La sélection «  Séances spéciales  » rend hommage au réalisateur Paul Vecchiali, aux côtés d’autres films cultes (Les nuits fauves de Cyril Collard) ou plus confidentiels (le porno homo D’hommes à hommes de Gérard Grégory).

Une programmation très riche et véritablement plurielle à arpenter pour aller à la rencontre de regards et d’expériences qui questionnent les représentations dominantes.

Le festival se tiendra du 18 au 28 novembre.

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