Leur dernier génial EP, Hold on darling est sorti le 13 octobre dernier, et les Macadam Crocodile nous ont fait danser sous la pluie fin août lors du festival Transe Atlantique. À cette occasion Maze a rencontré Xavier Polycarpe et Vincent Brulin, multi-instrumentistes et rois de l’improvisation.
Macadam Crocodile, à l’origine de votre projet, il y a l’improvisation ?
Vincent Brulin : Tout à fait. On a commencé par improviser. On trouvait ça plutôt rigolo. À la base, Xavier est venu en studio avec des petites machines et il lançait des boucles. Puis on a fait des jams et on a rajouté une basse et un synthé. Et très vite, on a commencé à faire des concerts. On nous l’a proposé avant qu’on ne monte le groupe et on a continué d’improviser en live. À la fin du premier concert, les gens nous ont demandé d’en refaire. On a fini par monter le groupe.
Quand vous travaillez en studio tous les deux, vous êtes en recherche musicale constante ?
Xavier Polycarpe : La base du groupe, c’était plutôt une recherche de connexion avec les gens qui sont dans la salle pour vraiment créer une sorte de danse et d’ambiance. On voulait rechercher l’instant et créer un moment avec les gens via la musique. Mais après quand on est en studio, oui, on aime bien essayer de peaufiner les sons et de trouver des sonorités qui nous plaisent.
Vincent Brulin : C’est ce qu’il s’est produit d’ailleurs sur l’enregistrement du deuxième EP. Les premiers morceaux se créaient sur scène comme on faisait plus de concerts que de répétitions. Et là depuis le Covid, on s’est retrouvé en studio.
Xavier Polycarpe : C’est vrai, on s’est retrouvé à composer ensemble, juste nous deux face-à-face. Alors que les années d’avant on était avec le public. On lançait des choses en live et on gardait les idées qui nous semblaient bonnes en tête. On les répétait la fois d’après et à un moment on s’asseyait pour concrétiser tout ça mais c’était né en live.
À ce moment-là, quand le projet Macadam Crocodile a été lancé, les morceaux dépendaient du public, au niveau des durées, etc. ?
Xavier Polycarpe : Non pas complètement non plus.
Vincent Brulin : Il y a eu plusieurs évolutions. Au début, on avait vraiment des longues plages musicales. On jouait beaucoup dans les clubs où on pouvait jouer deux ou trois heures. Ça laissait des créneaux d’improvisation et de création sur l’instant. Et au bout d’un moment, on a commencé à être programmés dans les festivals où on n’avait que 45 minutes. On a dû prendre les meilleures idées et on les a compilées ensemble en gardant quelques plages d’improvisation. Puis, on est passé en studio où on a dû faire de la musique enregistrée. Là, c’est la première fois qu’on a enregistré des morceaux en studio avant et qu’on les a joués en live ensuite. On ne l’avait pas encore fait.
Le premier album vous l’avez enregistré en live ?
Xavier Polycarpe : Après l’avoir saigné en concerts pendant des mois et des années à un moment, on a voulu enregistrer le live et on ne se voyait pas le faire autrement que dans une salle. Normalement, tu fais l’inverse.
Mais finalement les morceaux ne sont jamais complètement figés si ?
Vincent Brulin : Quand on joue, on garde vraiment la liberté de rallonger des moments. Et puis de sentir le public, car on a créé ce groupe pour faire la fête, pour créer une ambiance et que les gens y participent. Xavier fait spontanément monter les gens sur scène. Ça nous booste.
« Ce qui a permis au groupe d’exister, c’était de jouer dans les endroits festifs où les gens ont envie d’en découdre avec la fête. »
Vincent Brulin (Macadam Crocodile)
Le projet, c’était de faire danser ?
Vincent Brulin : Oui, principalement. C’est une époque où on sortait, on faisait beaucoup la fête. Et en fait, on avait un peu envie de la créer. Ce qui a permis au groupe d’exister, c’était de jouer dans les endroits festifs où les gens ont envie d’en découdre avec la fête. Ils venaient danser, il n’y avait pas vraiment de scène. Ils dansaient presque sur les ordinateurs, posaient leurs verres sur les toms…
Xavier Polycarpe : Il y avait un côté punk, à l’arrache…
Vincent Brulin : Oui. En fait, cette proximité avec les gens qui dansaient permettait de sentir quand ça s’essouffle dans le jam, quand tu peux reprendre, quand tu laisses tomber ou au contraire quand tu appuies sur les cymbales et que tu fais monter. C’était instinctif.
Xavier Polycarpe : C’était notre manière de faire de la musique, en tout cas. Mais même quelqu’un qui a son set calé, il va toujours un peu s’adapter et faire durer le moment plus longtemps. Un DJ le fait de manière naturelle. Nous voulions faire un DJ set, mais avec des musiciens qui jouent. C’était ça la bonne idée, parce que le DJ est là pour faire danser les gens. Il a son set défini, mais il faut qu’il l’ajuste. Et nous, on voulait essayer de faire exactement pareil en tant que musiciens. Et on a réussi, je crois.
Et est-ce que le projet Macadam Crocodile pourrait tendre vers d’autres évolutions musicales ?
Xavier Polycarpe : Complètement. Déjà dans la manière dont on a fait ce nouvel EP. C’est-à-dire là, on s’est retrouvés en studio en partant de rien. On s’est lâchés et puis on a travaillé sur cette matière-là. On ne l’avait jamais fait comme ça. On est chacun des musiciens expérimentés et on joue plusieurs instruments. Ces dernières années, on a fait un peu plus de pop. Et on s’est dit que ça serait pas mal de revenir à quelque chose d’assez musical et instinctif, donc plus instrumental et improvisé. D’autant plus qu’on a développé chacun des projets en parallèle qui eux sont plus pop. On trouvait ça vraiment bien de se réaligner dessus avec Macadam crocodile.
Et vous êtes tous les deux multi-instrumentistes, comment c’est venu dans vos parcours musicaux ?
Xavier Polycarpe : Oui, mais je trouve qu’on voit de plus en plus des musiciens qui jouent un peu de tout.
Vincent Brulin : Quand j’ai commencé, je faisais de la guitare pour Alain Chamfort. On me demandait de faire uniquement de la guitare. Et puis après, pour un autre projet, on m’a demandé de faire de la basse et enfin du synthé, etc. Et en fait ça évolue. Effectivement, aujourd’hui, il y a beaucoup de multi-instrumentistes. Mais sur Macadam Crocodile, ça s’est imposé assez vite. J’ai toujours aimé la batterie et je n’en avais jamais fait dans un groupe. Et là, ça m’a bien plu de jouer de la batterie avec quelqu’un qui me laisse la faire. Merci Xavier (rires). Après, j’ai connu aussi la tournée où tu prends une batterie… Et là, c’est beaucoup moins drôle que de transporter une basse..
Xavier Polycarpe : Moi c’était plutôt inné depuis le début, je touche à tout (rires)
Vincent Brulin : Après, ça c’est fait naturellement quand on a monté le groupe. J’étais principalement à la batterie et Xavier gérait vraiment les machines : synthé, voix, etc. Et puis là, en studio, je peux faire plus d’instruments.
Xavier Polycarpe : Et c’est bien, quand l’un de nous est en train de jouer un instrument, quel qu’il soit, l’autre a plus le recul du producteur. On a cette faculté excellente et géniale. (rires)
Et le chant aussi ?
Xavier Polycarpe : Le chant c’est naturel, chacun possède cet instrument (rires). Mais oui, on aime bien chanter en harmonie.
Je voudrais revenir sur un morceau du nouvel EP en particulier, où il n’y a pas de chant, pour le coup. C’est « Walk Faster » qui est un morceau très particulier. Il crée instinctivement des images cinématographiques. Comme si musicalement on partait des années 60 en concert des Doors avant de traverser le temps et de finir dans l’espace chez Blade Runner… Vous pouvez nous en parler ?
Xavier Polycarpe : C’est vrai. Il y a des textures très sixties au début.
Vincent Brulin : Oui, c’est un peu ça. « Walk Faster ». C’est marcher vite et traverser les époques. Et il y a eu beaucoup d’influences très diverses dans ce morceau, à la fin, ce sont des synthés plus années 1990/2000. Le morceau reste électro, mais effectivement, il y a beaucoup d’influences de diverses époques. La basse + orgue au début, très sixties évolue avec le temps.
Sur cet aspect cinématographique, vous aimeriez faire des bandes originales avec Macadam Crocodile ?
Xavier Polycarpe : Oui. Moi, j’en ai déjà fait cinq. Mais c’étaient plus des B.O. de comédies françaises. C’est dans un autre délire. Et j’ai fait aussi une B.O. pour un documentaire de Cyril Dion, Animal. Mais c’était assez orienté pop. La musique à l’image, on en a fait aussi ensemble sur d’autres trucs. Et ça nous plaît beaucoup.
Vincent Brulin : Particulièrement dans le morceau « Walk Faster », il y a beaucoup de références de musique de film. Il y a des thèmes qui vont bien avec des images.
Macadam Crocodile sera en concert au Trabendo le 2 avril 2024.