CINÉMA

« Second Tour » – Au revoir ici-bas

Second Tour © Jérôme Prébois, Pathé Distribution
Second Tour © Jérôme Prébois, Pathé Distribution

Avec cette comédie qui dénonce, Dupontel prolonge ce que certains voyaient déjà dans Adieu les cons ; un rire fatigué qui soutient une satire ringarde et pleine d’un idéalisme confus. Surtout, la sensation d’un cinéaste « rangé ».

Bande-annonce ocre, silhouettes cartoonesques sur affiche rouge ; pas de doute, c’est le nouveau Dupontel. Dans Second Tour, Mademoiselle Pove (Cécile de France) et Gus (Nicolas Marié), deux journalistes d’une chaîne de télé, passent de la rubrique sport à la politique pour couvrir la campagne présidentielle du candidat Mercier (Albert Dupontel). Mais Pove est convaincue que l’homme politique cache un secret, qu’elle entend bien débusquer. 

Il y a quelque chose qui cloche, cinq minutes après le début de Second Tour, dans cette scène qui oppose Cécile de France à son supérieur. D’abord, le dialogue poussif qui expose laborieusement le pedigree et le tempérament du personnage. Mais surtout, la caméra opère un travelling circulaire pendant toute la séquence, pourtant dépourvue d’enjeux autres qu’explicatifs. Puis, plus tard, voilà un plan qui nous révèle une maison isolée à la campagne, en tournant à nouveau autour à toute vitesse. Tout le temps, la mise en scène s’affole, même quand il ne se passe rien.

Le titre prend tout son sens, le film est un tour. Mais autour de quoi tourne-t-il ? Pas autour du jeu électoral. On peine à saisir réellement les enjeux de cette campagne que le film décrète mais n’incarne pas avant le débat final. Une critique du système médiatique ? Non. Les deux journalistes à l’image refusent justement ce jeu, participant bien plus à une quête farfelue à la Tintin qu’à un travail journalistique. Rien n’est montré des véritables jeux politiques et médiatiques. En réalité, Second Tour n’a qu’un seul centre, et c’est Dupontel lui-même.

Centre de gravité 

Il était tentant, après les premiers matériaux promotionnels du film, d’imaginer Dupontel sortir de son rôle de benêt maladroit habituel pour jouer le salaud en campagne. Sauf que, spoiler, il s’avère rapidement que ce n’est pas un vrai salaud, il fait semblant. Il joue ce rôle mais cache de nobles intentions révolutionnaires ; comme les journalistes, il est une exception dans le système. Plus encore, le réalisateur invente un personnage de frère jumeau simplet, interprété par lui-même, pour pouvoir reprendre son rôle de prédilection.

Double Dupontel dans le cadre (quand ce n’est pas une doublure malheureuse), Dupontel des villes et Dupontel des champs. Le film ne gravite plus qu’autour du duo, cherchant à montrer une dualité entre un cynique dans le système et un doux rêveur qui a pris le maquis. Clivage dont on peut distinguer les contours dans l’œuvre du réalisateur. Partagé entre un esprit franc-tireur et la reconnaissance institutionnelle – Adieu les cons avait remporté sept césars. 

Comment négocie-t-il cette opposition ? Par l’alliance finale de ces deux moitiés. C’est le frère benêt qui sera élu et qui portera le projet de révolution écologique, à coup de référendums. Vieux fantasme d’infiltrer le système pour le subvertir de l’intérieur, mille fois envisagé et depuis longtemps dépassé. 

Bien rangé, Dupontel ne subvertit plus grand-chose, ne déviant occasionnellement de sa photographie orange que pour reconduire une imagerie gentiment écolo. Un étrange plan qui suit un aigle en images de synthèse, entre le Puy-du-fou et le Futuroscope, fait culminer ce pauvre imaginaire vert et sympatoche. Les personnages invoquent les écosystèmes à préserver mais ceux-ci sont tous absents du film.

Après moi…

À la fin de son précédent film, Dupontel organisait son suicide symbolique, au côté du personnage de Virginie Efira. Tous deux se dressaient fièrement face à une armée de policiers. Second Tour est donc le film d’après cette mort, un film post-mortem. Qu’est-ce que cela change à ce cinéma ? 

L’intrigue et le dialogue envoient des «  signaux  » sociétaux ; élections, médias, attentats, mais la mise en scène ne les incarnera pas. Cette fiction est dépourvue de dehors, c’est un huis clos dans la tête et dans l’imaginaire de son cinéaste qui a coupé tout lien avec la réalité. La fin d’Adieu les cons n’était pas la mort de l’artiste, mais l’artiste faisant mourir le monde extérieur à ses yeux. 

Passé cette rupture, Second Tour ne se rabat que sur lui-même, passe son temps à s’expliquer, à se commenter. Ses personnages autres que Dupontel périclitent tous progressivement pour ne devenir que des figurants autour de lui. Il rejoue même la scène de mort du film précédent. Non plus face à une armée de policiers mais de journalistes, le héros sera abattu aux yeux de tous. Sauf que cette fois, la mort n’est pas la fin. Et Cécile de France de conclure le film, en adressant à un Dupontel qui se regarde littéralement dans un miroir (en fait son reflet sur la plaque de sa propre tombe) : « Tu es à ta place ».

« À sa place » peut-être, en tout cas en place, c’est certain. Quand on reçoit 13,2 millions d’euros de la part de Pathé pour réaliser un tel film, s’octroyer la position de martyr est, a minima, discutable. 

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